Des circuits courts en matière de santé

Depuis 2008, l'Espace Santé Dole Nord Jura rapproche une vingtaine d'associations de patients et des professionnels de santé sous l'égide d'une petite équipe salariée dont les maîtres mots sont « décloisonnement » et « éducation thérapeutique ». Ses portes ouvertes, le 4 juin, sont l'occasion d'un débat public sur les enjeux particuliers du monde rural.

Etienne Mollet, le président de l'Espace Santé Dole Nord Jura, va proposer d'avoir un correspondant dans chaque commune.

Médecin endocrinologue, ancien chef de service en diabétologie à l'hôpital de Dole, Etienne Mollet est toujours président de l'Espace Santé Dole-Nord-Jura qu'il a largement contribué à créer en 2008. Réunissant des professionnels de santé et une vingtaine d'associations de patients en un même lieu, l'Espace Santé organise une journée portes ouvertes jeudi 4 juin et en soirée une table ronde où il sera beaucoup question du monde rural. 

Ce sont vos premières portes ouvertes ?

On n'en a pas fait depuis la création de l'Espace Santé en 2008. On a quand même fait l'an dernier une semaine ouverte avec un atelier et une conférence par soirée : art thérapie, sophrologie, etc.

Vous êtes un militant du décloisonnement des disciplines de santé...

C'est mon truc. J'ai auparavant été responsable d'un réseau de santé sur le diabète. Un réseau, c'est du décloisonnement. Sur un petit territoire de 90.000 habitants, il y a un nombre incroyable de gens engagés dans des problématiques de santé, mais ça fonctionne souvent en tuyaux d'orgue...

C'est à dire ?

Les gens pensent souvent qu'ils sont seuls. Ils font les choses très bien sans se rendre compte que d'autres existent à côté d'eux. En travaillant avec eux, ça démultiplie les actions et les compétences. Il faut passer les barrières. Le jour où les gens se rencontrent, quand ça se passe bien, ils montent des projets communs. Dans ce domaine, nous luttons contre le clivage entre professionnels de santé et patients. Il y a des professionnels à l'Espace Santé, mais aussi vingt associations de patients.

Ateliers, massage, animations, stands...
Plusieurs associations proposent une animation sur leur stand aux portes ouvertes qui se tiennent jeudi 4 juin de 10h à 19h au n°4 de l'avenue Rockfeller : ateliers ludiques, atelier diététique, atelier perturbateurs endocriniens, massages assis-minute, nutrition et marche, dyspraxie, etc. Voir le programme ici.
Table ronde à 20 h 30 au Manège de Brack (mezzanine) avec Pascal Jobez (adjoint au maire de Dole), Claude François (maire de Saint-Aubin), Nathalie Rude (maire de Romain et Vigearde), Laurent Portal (directeur de la CPAM du Jura), Etienne Mollet. Modérateur : Clément Prévitali, sociologue (MSA de Franche-Comté).

Que s'apportent les uns et les autres ? Les patients entre eux ?

Les patients organisent des stands, l'accueil, des services, sans grands moyens financiers... Une conférence par ci, un atelier par là. Le jour où ils rencontrent des professionnels de santé et qu'ils sont sur la même longueur d'onde, ça passe...

C'est quoi la même longueur d'onde ?

Se rendre compte que la base, c'est le vécu des patients. Les professionnels gagnent leur vie, mais quand tu es atteint d'une maladie chronique, du diabète ou de Parkinson, t'es dedans 24 heures sur 24, ça te pourrit la vie. Les professionnels sont de bonne volonté, mais qui peut dire de quoi ont besoin les patients ? Eux-mêmes ! C'est l'idée fondamentale de l'éducation thérapeutique, une discipline consistant à structurer les soignants pour les patients soient au centre. Cela va à contre-courant de l'enseignement, mais je caricature : ça bouge un peu. Les professionnels sont éduqués comme ça : « je sais ce qu'est le diabète, je vais être gentil avec les diabétiques ». Mais c'est différent de le mettre en oeuvre...

A quoi visent ces portes ouvertes ?

On est bien connu sur le territoire. Je crois à la réalité d'un territoire de petite dimension qui permet des circuits courts en matière de santé. Il s'agit de sensibiliser les professionnels à l'approche thérapeutique, à travailler ensemble. A Dole, avec une petite équipe de salariés très motivée, la mayonnaise a pris. On est bien connu, mais jamais assez... On aborde aussi dans la table ronde le particularisme des communes rurales...

Pour les enjeux desquelles ARS et élus s'arrachent les cheveux...

Je m'en fiche. Je m'intéresse au terrain. Je vais proposer un correspondant de l'Espace santé dans chaque commune...

Qu'en attendez-vous ?

De l'information. On ne sait pas trop ce qui se passe. De temps en temps, on voit des gens qui disent : « mon fils est handicapé, que faire ? » ou « mon mari a la maladie de Parkinson », on le branche alors sur l'association Parkinson... Cela déborde l'équipe de répondre au téléphone ou par mail, mais on a la plupart du temps les moyens d'orienter les personnes. Je pense que les élus, les responsables, sont coincés dans l'isolement, ne sont pas au courant de tout ce qui existe. Laurent Portal, le directeur de la CPAM qui interviendra lors de la table ronde, est à l'origine d'un réseau qui cherche à faire connaître les ressources, les dispositifs d'aide pour les vieux, les personnes atteintes d'Alzheimer...

N'êtes-vous pas confrontés à l'ARESPA qui veut tout faire ?

On a essayé de travailler avec eux, mais ils font tout seuls. Ils considèrent qu'ils ont toutes les manettes et n'ont pas besoin de collaborer avec qui que ce soit. C'est une illustration du cloisonnement. Ils reçoivent nos informations, on ne reçoit pas les leurs. C'est un partenaire... avec qui une collaboration devrait avoir lieu. A la différence de l'ARESPA, L'Espace Santé Dole Nord Jura est un lieu. Je l'ai toujours défendu comme une auberge espagnole : des partenaires arrivent avec des projets sans les moyens de les mettre en oeuvre car ils n'ont pas de revenus ou de formation ? On se positionne en facilitateur, on met à disposition des moyens pour leurs projets, ils gardent leur autonomie.

Vous avez quand même des actions spécifiques ?

On a trois actions en propre. La première, en direction des personnes précaires, parfois à la rue, est une sensibilisation à la santé, avec une série de douze séances sur trois semaines. La seconde est l'espace enfance qu'on a développé petit à petit : les gens se sont défoncés pour l'aide à la parentalité : accueil, formation sur l'alimentation du nourrisson, portage du bébé, musique pour les tout petits... La troisième, c'est Pas à pas vers Compostelle. C'est une action pour adultes atteints de maladies chroniques, diabète, obésité... On leur dit « l'activité physique peut vous aider à mieux vivre ». Depuis 5 ans, une cinquantaine de personnes ont été concernées. Chaque année, en mai, on fait une marche de quatre jours, en étoile... Il y a huit jours, on était au centre Moustaki des Moussières... Les autres actions sont celles des associations, de la permanence aux groupes de parole que nous rémunérons. On est financé par l'Agence régionale de santé : une grande part du budget est consacré à rémunérer du personnel de santé pour encadrer les actions. Quand une association souhaite un groupe avec un psychologue, on paie le psy... Si une autre fait une action sur la perte de vision, on paie l'opticien...

Et ça marche aussi bien que vous le présentez ?

Les professionnels avec lesquels c'est le plus difficile de travailler sont les médecins ! Mais ils viennent de plus en plus. Notamment quand leurs patients ont le bienfait d'une action... Au début, on a eu quelques lettres d'insultes, du genre : « c'est scandaleux, on fait déjà ce que vous faites ! Vous dépensez l'argent public...» 

 

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