Déconstruire le vocabulaire convenu des relations sociales

L'ancien syndicaliste Charles Piaget et l'agrégée d'économie-gestion Séverine Véziès tiennent jeudi à Besançon la seconde conférence de l'université d'éducation populaire des Amis du Monde diplomatique sur le thème « le pont et la cale ». Factuel est partenaire de l'événement.

salaires

Le pont et la cale. Deux petits mots qui signifient que si, selon une expression consacrée, employeurs et salariés sont sur le même bateau, ils n'occupent pas les mêmes situations, ni ne bénéficient des mêmes privilèges. Ils ne sont ni Pincemi ni Pincemoi, et que l'un ou l'autre tombe à l'eau est sans doute humainement équivalent, mais pas socialement...

Le pont et la cale, c'est le thème de la seconde conférence du cycle d'université populaire des Amis du Monde diplomatique de Besançon que doivent donner l'ancien syndicaliste Charles Piaget et l'agrégée d'économie-gestion Séverine Vézies. C'est le titre d'un chapitre du Manuel d'économie critique du mensuel de gauche consacré à la déconstruction de quelques termes devenus au fil du temps des tartes à la crème du vocabulaire des relations sociales de travail, comme « dialogue social », « médiation », « gagnant-gagnant »... Un vocabulaire où les « créateurs de richesses » ont remplacé les « exploiteurs » de jadis et les « défavorisés » pris la place des « exploités ». 

Mais la réalité a-t-elle vraiment changé avec les mots ? Pas si sûr quand on feuillette le manuel du Diplo. Ainsi, un article intitulé Les Mille et une justification du profit contredit les arguments traditionnels de ceux qui l'empochent. Son auteur estime que le profit « ne rémunère pas l'avance de fonds nécessaire pour acheter les équipements d'une entreprise » car « le taux de profit dépasse en général les rémunérations versées à leurs financiers ».

Le profit paie-t-il alors, comme on l'entend souvent, l'audace et la prise de risque, la capacité d'innovation ? Cela arrive sans doute, notamment chez ceux qui ne sont pas nés avec une petite cuiller d'argent dans la bouche. Mais cet argument tient-il quand « les transformations récentes du capitalisme tendent à transférer le risque sur les salariés ? »

Nous voilà pris d'un doute. Et si le profit n'avait pas de justification économique, mais s'appuyait plutôt sur le droit de propriété privée ? Vu comme ça, il serait alors « davantage un tribut prélevé sur la production sociale, depuis une position dominante, qu'une rémunération bien méritée de l'effort consenti ». Dans ce cas, conclut l'article : « si le profit est ponction, pourquoi considérer la rentabilité du capital comme une mesure de l'efficacité économique ? »

Ce thème renvoie forcément à la notion de lutte des classes, que les riches sont « en train de gagner », expliquait le milliardaire américain Warren Buffet en 2005. Le manuel traite ainsi de la régulation des conflits du travail, de son institutionnalisation comparée entre France et Allemagne, de l'évolution juridique de l'exercice du droit syndical, très récemment par les lois El Khomri puis les ordonnances Macron-Pénicaud. Selon l'auteur de l'article titré Tous gagnant grâce au dialogue social, « la diminution du nombre de jours de grève (79 en 2013 contre 168 en 2005) traduit moins un apaisement des relations sociales que la difficulté des salariés à s'exprimer dans un contexte de chômage de masse ».

 

 

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