Chambre d’agriculture de Haute-Saône : Chalmin à la baguette

Les contraintes environnementales « conçues à Paris » seront la cible de l'action du nouveau président de la chambre. Dans son discours d'installation, alors que Cécile Duflot visitait la Haute-Saône, il avertit : « les paysans en ont ras le bol ».

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Thierry Chalmin succède à Michel Renevier dans un style plus offensif. On a déjà pu le comprendre, en creux, dans le discours du doyen, Bernard Maire, sur le « parcours sans faute » du sortant qui toutefois « ne tranchait pas dans le vif ». Thierry Chalmin, chef d'exploitation de la ferme du Lisey à Cubry-les-Soing (canton de Fresnes-Saint-Mamès, à 20 km de Vesoul), élu « grâce à une très forte majorité », entend « écouter et respecter la minorité » mais s'impose d'emblée comme un « patron ». Il n'est qu'à voir la déférence des plus jeunes souvent aussi les syndicalistes les plus batailleurs. Tous ceux de son camp semblent se féliciter de son leadership reconnu à présent, après qu'il ait été vice-président de la chambre.

Thierry Chalmin a été élu à la présid​ence de la Chambre d'agriculture de Haute-Saône le 22 février. Parmi les 39 élus présents sur 45 : 33 voix se sont portées sur sa candidature, 5 bulletins blancs ont été comptabilisés et 1 bulletin est revenu à Vincent Fidon de la Confédération paysanne. Laurent Delain qui menait la liste commune des opposants à la FDSEA a démissionné le 13 février et a été remplacé par Guy Mercier à la chambre de Haute-Saône et Vincent Fidon à la chambre régionale. Au bureau, Michel Daguenet, Lydie Normand-Deschanel, Christophe Ruffoni et Emmanuel Aebischer occuperont les postes de vice-présidents. Sylvie Jeannot est élue secrétaire. 

« Il faudra dire à la ministre… »

A la directrice de la Direction départementale de territoire, Marie-Jeanne Fotré-Muller, remplaçante du préfet à l'occasion, il intime cordialement de faire passer le message à la ministre du Logement et de l'Egalité des territoires, Cécile Duflot, présente pour la journée dans le département : « quand on est ministre de l'Egalité des territoires, il faut aussi se préoccuper du monde agricole, de la disparition des services publics en milieu rural. Il faudra lui dire : ça n'est pas possible que quand la neige tombe, dans certains secteurs on ne voie pas le facteur pendant quatre jours. Il faudra lui dire que l'internet à haut-débit manque dans de nombreuses zones. Il faudra lui dire que la consommation du foncier est problématique. Il faut densifier le bâti, rénover le bâti ancien dans nos villages pour que nos jeunes ménages y aient la possibilité de s'installer et leur permettre un accès prioritaire. » Et, en insistant : « je sais que vous allez en parler à Madame le ministre. » 

Thierry Chamlin défend avec assurance et autorité « les intérêts des agriculteurs ». Il comprend que la société définisse un intérêt général, des exigences s'agissant de l'environnement notamment. Mais lui est en charge de défendre « le plus beau et le plus noble métier du monde ». Associé à son épouse et à son fils, il succède à huit générations d'agriculteurs. « L'exploitation est au sens fort du terme une exploitation familiale. » Sur 190 hectares, il se consacre avec les siens à la polyculture élevage : 100 hectares de céréales et d'oléoprotéagineux dont la « culture de vente » est destinée à la coopérative Interval et 90 hectares pour l'élevage bovin : cinquante vaches montbéliardes pour un quota de 395.000 litres de lait standard revendus à Lactalis et trente-cinq boeufs « à l'herbe » destinés à la boucherie et vendus à Franche-Comté élevage. 

Thierry Chalmin est aussi pompier bénévole, maire délégué et président de l'association foncière de son village. Bien que de sensibilité avouée proche de l'UMP, il n'est pas encarté et juge que l'action syndicale exclut l'appartenance à une formation politique. Devenu président de la chambre d'agriculture, il organisera au printemps sa succession en tant que président de la FDSEA 70 (poste qu'il occupe depuis 2001). « On se doit de travailler dans l'intérêt des agriculteurs avec les pouvoirs publics quels qu'ils soient. J'ai manifesté contre tous les gouvernements. En 2009, je n'ai eu aucun état d'âme à manifester quand Sarkozy était président. » Pendant son discours d'installation au poste de président, il s'est dit fier du civisme du monde agricole haut-saônois (67,4% dans le collège chefs d'exploitations contre 54,3% à l'échelle nationale) et a mis en avant une féminisation et un rajeunissement des élus. Dans le bureau, il a tenu à faire place à un représentant du collège des salariés (Michel Gaillard de l'UNSA a été élu, préféré largement à Hervé Richeton de la CFDT). Dans ce « parlement des agriculteurs » il entend donc faire une place à la minorité après une campagne clivante.

Le dossier qui hante les agriculteurs

« Pendant la campagne, souligne-t-il, pas une rencontre ne s'est déroulée sans avoir à aborder ce qui devient le dossier obsessionnel des agriculteurs, l'environnement et les contraintes que l'on nous impose. Ce sera le fil conducteur de mon action. Cet « environnementalisme » cause plus de dégâts qu'il ne prétend en éviter. Les agriculteurs en ont ras-le-bol ! Je me lève tous les matins au milieu de la nature. Mes enfants et petits-enfants en feront de même et nous avons encore plus que d'autres intérêt à vivre dans une nature préservée. Les contraintes actuelles vont à l'encontre du bon sens. » Lesquelles ? « Pour ce qui nous concerne, le 5ème programme de la directive nitrate pourrait être désastreux. Il impose de nouvelles mises aux normes de bâtiments pour augmenter la capacité de stockage du fumier car ces directives concentrent l'épandage dans le temps et limite les surfaces. La dilution dans le temps et sur les surfaces sont préférables à une concentration. C'est le bon sens qui prévalait avant. » Le  «bon sens », les pratiques passées n'ont ils pas justement conduit à une pollution que personne ne peut plus contester ? « Nos pratiques ont considérablement changé depuis trente ans. Je me suis installé en 1978 et alors on me recommandait pour la culture du maïs de pulvériser six litres d'atrazine (principal polluant des eaux, pratique d'utilisation et peu coûteux ce pesticide a été interdit en France en 2003, NDLR) pour désherber. A présent je désherbe mécaniquement. Maintenant les chambres d'agriculture et les coopératives font des recommandations précautionneuses. Mais de nouvelles directives compromettent les exploitations qui ont déjà eu du mal ou terminent tout juste de se mettre aux normes. Entre Vesoul et Gray (seule zone vulnérable nitrate dans la région, voir ici ) si on continue comme cela, il n'y aura plus d'élevage. Les éleveurs ne pourront plus suivre. A une époque où les besoins alimentaires et de traçabilité sont plus importants, c'est un non-sens. L'offre de viande en France est proche de la rupture. Pour l'environnement également ce serait dommageable de voir disparaître les élevages. Il faut laisser travailler les gens. »

La FDSEA et les Jeunes Agriculteurs ont mis en ligne une pétition Directive nitrates où ils critiquent la non prise en compte des contextes régionaux et locaux et des efforts déjà fournis

 

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