C’est aussi la justice de la vie ordinaire…

Le tribunal administratif de Besançon examinait le 30 avril plusieurs affaires illustrant les relations compliquées des citoyens avec l'administration. De l'autorisation de licencier un salarié protégé devenue illégale à Vesoul à la contestation d'une expropriation pour produire de la neige artificielle à Foncine-le-Haut, en passant par une obligation de quitter le territoire frappant une jeune majeure et sa mère invalide à plus de 80% ou une chute des Glacis à Besançon…

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Le tribunal administratif de Besançon examinait le 30 avril quelques dizaines de saisine de particuliers ou d'entreprises attaquant des décisions de l'Etat ou de collectivités publiques. Quelques unes ont retenu notre attention. Aucune décision n'a été rendue à l'issue de l'audience, toutes les affaires étant mises en délibéré à trois semaines. 

Autorisation de licencier illégale à Vesoul : l'employeur se retourne contre l'Etat

Formatrice chez Onlineformapro, l'entreprise fondée par Michèle Guerrin, par ailleurs présidente de la CPME de Haute-Saône, Mme R avait un mandat de conseiller du salarié lui conférant le statut de salariée protégée. Inapte au travail selon le médecin du travail, elle avait été licenciée après autorisation de l'inspection du travail. Mais cette autorisation avait été annulée par le tribunal administratif en novembre 2015, ce qu'avait confirmé la cour administrative d'appel de Nancy en août 2016. Ces décisions avaient entraîné sa réintégration dans l'entreprise et le versement d'environ deux ans de salaire. 

L'entreprise s'est donc tournée vers le tribunal administratif pour lui demander d'obliger l'Etat de réparer les conséquences de son autorisation initiale de licencier, devenue illégale ! Le rapporteur public invoque cependant un partage de responsabilités, l'entreprise n'ayant pas proposé de reclassement à Mme R avant de la licencier. Il rejète le surcoût d'expertise comptable chiffré à 20.000 euros que l'entreprise réclame, mais conclut néanmoins à la responsabilité de l'Etat à hauteur des salaires versés, soit 64.000 euros. Pour l'avocat de l'entreprise, Me Devevey, ces « deux ans de salaire sont lourds pour une entreprise de cette taille ». En 2018, celle-ci a réalisé 5,3 million d'euros de chiffre d'affaires et 134.700 euros de bénéfices…

Un mineur devenu majeur peut-il voir son séjour non renouvelé ?

Demandeuse d'asile en 2011, régularisée en 2012 pour raison de santé, mère de quatre enfants alors mineurs, Anny qui vient du Congo n'a pas vu son titre de séjour renouvelé par le préfet en 2017. Selon son avocate, Brigitte Bertin, elle remplit pourtant les conditions, ayant vécu régulièrement plus de cinq ans en France et, de surcroît, présentant un taux d'invalidité supérieur à 80%. De fait, explique-t-elle, ce sont deux conditions imposées par la loi !

L'affaire se complique du fait que l'une des filles d'Anny, devenue majeure, a elle aussi vu le renouvellement de son titre de séjour, obtenu lorsqu'elle était mineure accompagnant sa mère malade, refusé par le préfet qui a prononcé une OQTF - obligation de quitter le territoire français. La jeune fille de 19 ans a pourtant une « scolarité de qualité », s'est bien intégrée et a le soutien de plusieurs enseignants.

« Ce n'est écrit nulle part et la loi est imprécise : elle ne dit pas qu'un enfant entré mineur dans le cadre d'un regroupement familial, qui a obtenu un premier titre de séjour, ne puisse pas renouveler son titre une fois majeur si son parent est irrégulier », souligne l'avocate en indiquant n'avoir trouvé aucune jurisprudence. De ce fait, elle regrette que le rapporteur public n'ait pas produit d'analyse.

Plastigray conteste un contrôle fiscal et social

« L'affaire n'est pas simple », indique d'emblée le rapporteur public en résumant la demande de l'entreprise grayloise Plastignay d'être déchargée d'un rappel de CVAE, de TVA et d'impôt sur les sociétés portant sur les années 2011 et 2012 faisant suite à un contrôle fiscal en 2013 et 2014. Suite à des difficultés économiques en 2009, la société a transféré des activités de son site d'Eloyes (Vosges) qui est resté non loué pendant plus de deux ans. L'administration a remis en cause des déductions relatives aux charges de location enregistrées par Plastigray pour environ 180.000 euros, ce qui a des conséquences sur le calcul des divers impôts et taxes. Le rapporteur public a cependant conclu à une décharge partielle du rappel de TVA.

Foncine-le-Haut : prévention incendie et neige artificielle

Habitant de Foncine-le-Haut, David conteste la décision de la commune de l'avoir exproprié de quelques parcelles dont l'une recèle une source. La commune argue de la sécurisation du réseau de protection contre les incendies de trois hameaux du village, mais aussi de la production de neige artificielle pour les pistes de ski. 

Dans son analyse du dossier, le rapporteur public, M Poitreau, explique que la parcelle où est située la station de pompage avait été omise dans la délibération du 30 octobre 2015 envoyée à la préfecture pour le contrôle de légalité. L'employée municipale l'avait alors corrigée avant un second envoi en préfecture. David estime que ce procédé est illégal et soutient qu'une seconde délibération était nécessaire. « L'attestation des élus indiquant dix mois plus tard avoir bien voté sur la parcelle est dénuée de légalité », soutient son avocat Me Woldanski.

David conteste aussi la légalité de la déclaration d'utilité publique en invoquant diverses erreurs (superficies, altitudes…) et un manque d'information du public. il déplore surtout une décision unilatérale de la commune, intervenue avant la fin du délai conclu sous l'égide du préfet pour l'établissement d'une convention d'utilisation de la source, renouvelant celle que son père avait signé : « il n'a jamais été fermé à la défense incendie, il l'a même proposée gratuitement », assure son avocat.

La commune balaie ses arguments et considère qu'il a trop traîné les pieds : « la seule possibilité était l'expropriation », dit-elle. Le rapporteur public avait souligné que la commune défendait avec la neige artificielle « l'emploi, l'hôtellerie et le commerce », et soutenu que la collectivité n'avait commis aucune irrégularité…

Chute des Glacis à Besançon

En juin 2013, au milieu de la nuit, William était tombé du rempart des Glacis, à Besançon, et avait atterri sur le parking. Il s'était éloigné du petit groupe avec qui il se trouvait pour soulager un besoin naturel. Il a attaqué la ville pour défaut de signalisation ou de barrière, et la Sécu qui n'a pas voulu prendre en charge les soins (28.000 euros). Soulignant que la jurisprudence relative à la sauvegarde des ouvrages anciens ne force pas le collectivités à sécuriser l'ensemble de leur patrimoine ancien, le rapporteur public estime en outre que William, en habitant Besançon, « ne pouvait ignorer la configuration des lieux ». Il conclut donc au rejet de la requête. Ce qui va parfaitement à l'avocate de la collectivité, Me Suissa, qui regrette « l'absence de relevé d'alcool ». William, absent à l'audience, ne peut compter que sur ses conclusions écrites.

Revermont : l'inattendue hausse de l'inscription à l'école de musique

Emmanuelle fréquentait l'école de musique de son village du Revermont où l'inscription était de 155 euros par an. A la rentrée suivante, elle se réinscrit et paie la même somme. Las, elle apprend plus tard que la communauté de communes du Comté de Grimmont (Poligny) a fait passer la tarif à 271 euros sans qu'elle soit au courant. Elle demande alors de ne pas avoir à supporter l'augmentation. Refus. Elle accepte alors de payer en deux fois, mais attaque la Comcom pour excès de pouvoir et demande qu'on lui rembourse la différence au motif de l'absence d'information de la hausse du tarif lors de la période de renouvellement des inscriptions. 

Le rapporteur public argue de l'absence de conséquence importante et de préjudice pour conclure au rejet de la requête. 

  

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