« C’est assez bien d’être fou » : reçu avec mention très bien

Le réalisateur bisontin Antoine Page et le dessinateur Bilal, alias Zoo project, sont partis en Russie pour un voyage de quatre mois où l’art de la rue croise le cinéma, le souligne, lui donne du souffle, de la poésie…

EtreFou

Le réalisateur bisontin Antoine Page et le dessinateur Bilal, alias Zoo project, sont partis en Russie pour un voyage de quatre mois où l’art de la rue croise le cinéma, le souligne, lui donne du souffle, de la poésie…
C’est un voyage en roue libre sachant que si un moyen de locomotion ne permet plus d’avancer, il y en aura d’autres. Le but étant d’arriver à Vladivostok et pas seulement, car un voyage c’est aussi et d’abord une rencontre avec des paysages et des gens.
Alors ils partent d’un petit village du Jura avec un vieux fourgon Mercédès 508 aménagé… Ils écoutent Léonard Cohen les pieds sur le tableau de bord et nous invitent à un road movie à couper le souffle avec de longs plans sur les paysages où les dessins de Bilal viennent se poser, occuper l’espace, jouer avec la réalité comme une illustration ou quelque chose qui la souligne, la caresse, la révèle. Car il s’agit aussi de capter des fragments de réalité. Et comme au temps du muet le découpage en chapitres donne un rythme au récit. 
En Suisse sous un épais tapis de neige, Bilal dessine une vache sur une maison en bois…Clin d’œil ironique sur les sapins bien alignés d’un pays aux allures de cartes postales. On sait déjà que rien n’arrêtera cette aventure puisque dans un autre village, au cœur de l’Europe de l’Est sous une volée de cloches et un chant orthodoxe de Pâques, l’artiste se met à dessiner des poules sur les murs et barrières.
Le ton est donné. Le voyage s’invente au fur et à mesure, et plus nous traversons des régions reculées, plus le film devient créatif : le fourgon avance dans la taïga glacée et désertique comme si les deux hommes cherchaient le sens du voyage : à Odessa, s’inspirant du célèbre « Cuirassé Potemkine » d’Eisenstein, Bilal reconstitue sur de la toile de jute et au pochoir la fameuse séquence de l’escalier.  L’insolite fait irruption et ne nous lâche à aucun moment. Séquences de pannes hilarantes, rencontres fortuites qui révèlent la Russie d’hier et d’aujourd’hui.
Mine de rien, dans ce voyage apparemment documentaire, le réel s’invite là où on ne l’attend pas comme dans une séquence surprenante où tapi dans le fond du bus Antoine Page filme les insultes des Kazakhs. Pendant un instant, tout le monde finit pas oublier la caméra : le film se transforme alors en un grand moment de fiction à la Pialat… Et c’est toute la question qui sous-tend le voyage et le film capter l’inattendu, saisir l’insolite, accepter ce qui vient. 
Une idée en fait naître une autre : les deux hommes cherchent le dernier bateau échoué sur la mer d’Aral. Au milieu du sel et de l’herbe brûlée, Bilal s’empare du vieux cargo rouillé pour dessiner des ombres de marins.
Et quand les deux hommes se retrouvent dans le Transsibérien, la caméra fixe capte les visages des voyageurs avec acuité pour les restituer à la fin de voyage, sur les containers du port de Vladivostok (le but du voyage). L’objet du déplacement, l’enjeu poétique sera alors de filmer les œuvres de Bilal là où se font les échanges marchands, là où d’habitude, l’art n’a pas sa place.

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