Ce que nous rappelle l’exposition « Les Juifs de France dans la Shoah »

« Ne pas témoigner serait trahir. » C'est la raison d'être du Musée de la Résistance et de la Déportation de la Citadelle à Besançon, la devise de Denise Lorach, sa fondatrice.

les rafles commencent

L'exposition « Les Juifs de France dans la Shoah » y est présentée à la Chapelle Saint-Etienne depuis le 27 janvier en partenariat avec l'Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre et le Mémorial de la Shoah (voir le billet de blog). 
Il s'agit d'une adaptation de l'exposition « Le Temps des rafles » conçue sous la direction de Serge Klarsfeld en 1992. Exceptionnellement, le Musée de la Résistance et de la Déportation présente hors ses murs un travail qu'elle n'a pas réalisé. L'établissement a répondu favorablement à la recherche par l'ONACVG (lié au ministère de la Défense) d'un lieu symbolique à une date particulière. La date c'est celle de l'anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz en 1945. Un lien avec l'exposition permanente du musée a été réalisé sous la forme d'un document pédagogique (en ligne dans une quinzaine de jours sur le site du musée). L'exposition a déjà été présentée à Belfort. 
Elle commence par rappeler le temps long de la propagation de l'antisémitisme en Europe. Au rejet du judaïsme dès les premiers temps de l'ère chrétienne puis au Moyen Age va se mêler une hostilité à l'assimilation des populations juives suite à la révolution des droits de l'homme. Le terme même d' « antisémitisme » provient d'un pamphlet de l'Allemand Wilhelm Marr en 1873 qui dénonce l'emprise supposée des Juifs. Une dimension biologique s'y ajoute.

Vichy devancé par les Allemands

330.000 Juifs vivaient en France en 1939. Le régime collaborateur du maréchal Pétain est antisémite. Installé le 16 juin 1940, il est devancé dans son projet d'établir le statut des Juifs par une ordonnance allemande le 27 septembre. Le texte permet menaces coercitives et discriminatoires et impose un recensement des Juifs en zone occupée. C'est l'administration française qui organise ce recensement en octobre. Le 3, le garde des Sceaux, Raphaël Alibert du gouvernement de Vichy édicte la Loi statut des Juifs que Pétain promulgue le 18. Ce texte « va plus loin que l'ordonnance allemande ». Les Juifs sont rendus responsables de la défaite, proscrits des fonction électives, de la Fonction publique et limités dans les professions libérales. 

Vichy poursuit et aggrave les mesures d'internement des réfugiés initiées par le gouvernement Daladier, un an avant la guerre. En décembre 1940, il y avait 50.000 internés en zone sud et 2.000 en zone nord. Les mesures antijuives se renforcent : isolement, spoliations et « marquage » le 29 mai 1942 avec le port obligatoire de l'étoile jaune. La population française largement indifférente jusque là, se montre assez rétive à la mesure. Les rafles ont pourtant déjà commencé. La première a eu lieu le 14 mai 1941. La Préfecture de police de Paris a alors fait arrêter 3.700 Juifs étrangers qu'elle a conduit dans deux camps du Loiret. 

La Solution finale en 1942  

Hitler et Himmler ont décidé d'exterminer l'essentiel de la population juive à l'automne 1941. L'organisation de la Solution finale commence début 1942. En janvier à Wannsee, l'ensemble des administrations sont mobilisées à cette fin par Heydrich. Puis le chef de l'Office central de sécurité du Reich se rend à Paris le 5 mai. La déportation des Juifs de France est mise en oeuvre en juin 1942. Bousquet, secrétaire d'Etat à la police de Vichy s'engage à livrer 100.000 personnes dans l'année. 

Dans la population française, des réactions se font jour, discrètes ou publiques. Les persécutions contre femmes et enfants et le port de l'étoile jaune ont provoqué une « crise de conscience ». Des chefs religieux catholiques et protestants protestent. La résistance intérieure et les maquis s'organisent. Les Juifs y contribuent. Des villages entiers, notamment dans les Hautes-Alpes, le Gers, le Tarn, la Drôme se mobilisent pour cacher et évacuer les enfants juifs pourchassés comme les adultes. Les persécutions se poursuivent jusqu'aux tous derniers jours de la guerre, à l'exemple de l'arrestation à Drancy et de la déportation de 230 enfants et adolescents en juillet 1944 sous les ordres d'Aloïs Brunner.

Bilan de la Shoah

En France, 76.000 Juifs ont été déportés dont 69.000 à Auschwitz. 3.000 sont morts dans les camps d'internement et 1.000 ont été exécutés sommairement. Sur ces 80.000 victimes de la Shoah, 55.000 étaient des Juifs étrangers. 

La Seconde guerre mondiale a provoqué 500.000 morts en France dont 150.000 ont été des victimes directes de la répression et des persécutions. Plus de 85% des enfants juifs ont pu échapper à la déportation. C'est une proportion unique en Europe. La mémoire de la Shoah a tardé à se constituer. Serge Klarsfeld y a contribué pour une grande part. L'exposition est à voir jusqu'au 18 mars. Photos connues et inconnues, affiches, textes de loi, cartes rendent compte de ce « passé qui ne passe pas ». L'exposition permanente du musée la complète et traite aussi de la guerre en Franche-Comté. 

 

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