Cassandra et Spartacus : une question de regard…

Loin de tout misérabilisme, le film de Ioanis Nuguet saisit de la parole des enfants et nous rappelle qu’au cinéma, ce qui compte c’est avant tout le regard porté sur le sujet.

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Spartacus et Cassandra sont deux enfants roms. Camille, trapéziste, les accueille sous un chapiteau qu’elle vient d’installer dans un bidonville.

Sur une image tremblante, la voix de Spartacus raconte : «  à un an je marchais déjà. A deux ans je mangeais de la terre, à trois ans mon père était en prison, à quatre ans je faisais la manche avec ma sœur, à sept ans je suis venu en France, à 9 ans j’ai rencontré Camille, à 10 ans, je me suis évadé d’un foyer, à 13 ans, on m’a fait quitter mes parents… »

D’emblée le spectateur découvre le campement où le chapiteau se dresse, sorte d’invitation à la poésie à deux pas d’une vie de misère. Très vite, on assiste à une discussion entre les enfants et leurs parents qui vivent et mendient dans la rue. La caméra ne lâche pas prise et va de la mère cueilleuse de muguet au père assis dans la rue, de Camille, la bonne fée circassienne, au quotidien des enfants. « Vous devez rester avec moi dit le père, jusqu’à présent je vous ai fait grandir ».

Où et comment grandir ?

Spartacus et Cassandra sont face à un choix : rester avec leurs parents dans la rue ou s’intégrer avec toutes les contraintes. Qu’est-ce qui est meilleur pour eux ?

Le film se dessine ensuite sous forme d’un conte où la douleur s’insinue au détour d’un plan, d’un regard, d’un rituel. Cassandra chante et rêve d'une maison « avec chambres pour la famille à tous les étages ». « Je veux une maison, pas une cage, Je veux une maison, pas une prison ». Réplique reprise par Spartacus lors d’un séjour à la campagne :  « il y a des gens qui ont ça devant les yeux tous les matins ! J'espère qu'ils sont heureux ».

A hauteur d’enfant

C’est autour de la voix des enfants que le film se construit, à leur hauteur, à celle de leur chemin pour grandir et devenir eux-mêmes ; au cœur du cataclysme, Spartacus slameur et Cassandra chanteuse tentent de cicatriser leurs blessures sans pour autant les contourner (puisqu’elles existent encore). Mais ils seront autres, transformés par la rencontre et ce qu’elle fait naître : faire un spectacle, se baigner dans une rivière, vivre tout en continuant de se questionner : « mais qui m'a donné de tels parents ? Qui m'a donné le diable ? » Révolté Spartacus ajoute : « même le pire des hommes ne mérite pas d'être pauvre... et de vivre dans la merde. Même un chien, on ne doit pas le laisser crever ». A un moment donné les enfants deviennent parents de leurs parents : « La seule solution pour que je puisse vivre sans mes parents, c'est que mes parents puissent vivre sans moi », dira l’un d’eux.

Loin de tout misérabilisme, le film saisit de la parole des enfants et nous rappelle qu’au cinéma, ce qui compte c’est avant tout le regard porté sur le sujet ; ici un regard citoyen sans jugement, en dehors de la chape morale et sociétale qui pèse sur l’image des roms ; ici la lumière se glisse entre les arbres, le ciel vacille et la beauté se faufile dans ce conte, où des enfants perdus réussissent à planter un arbre, symbole d’une possible renaissance.

 

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