Bruno Boulefkhad continue son combat à Paris

C’est un peu David contre Goliath, mais qu’importe, Bruno Boulefkhad « ne lâchera rien ». Depuis mai 2012, il assiège l’agence de la Société Générale à Lons-le-Saunier pour dénoncer les « abus bancaires ». De 8 h à 18 h, cinq jours sur sept, par tous les temps.

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C’est un peu David contre Goliath, mais qu’importe, Bruno Boulefkhad « ne lâchera rien ». Depuis mai 2012, il assiège l’agence de la Société Générale à Lons-le-Saunier pour dénoncer les « abus bancaires ». De 8 h à 18 h, cinq jours sur sept, par tous les temps, sans manger, emmitouflé dans son panneau, l’ancien chef d’entreprise transformé en homme sandwich est présent. « C’est une histoire de principes, pas d’argent. Je défends mon honneur et ma dignité » clame celui qui a dû mettre la clé sous la porte, asphyxié par des crédits coûteux.
La cour d’appel de Besançon vient de rendre son jugement : sa présence n’est pas jugée comme un « trouble manifestement illicite ». Le tribunal de Lons, saisi une première fois en mai 2012 par la Société Générale inquiète pour son image, avait rendu les mêmes conclusions. Bruno Boulefkhad va donc pouvoir continuer à faire le pied de grue devant l’établissement.
Flashback, 2008, en pleine crise économique : le secteur automobile s’effondre. Le Lédonien, gérant d’un garage spécialisé dans la vente de véhicules d’occasion depuis vingt ans, est frappé de plein fouet par la crise, malgré une bonne santé financière. « Flash Auto » réalise en 2008 un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros, emploie douze salariés, dégage un bénéfice de 30.000 euros. Les deux banques qui le suivent, la Société Générale et le Crédit Agricole, lui accordaient une autorisation de découvert allant jusqu’à 700.000 euros. Le gouvernement met alors en place des dispositifs pour soutenir les ventes de véhicules neufs, entraînant une dégringolade du marché de l’occasion.
En parallèle, un autre dispositif de garantie de crédit est lancé. Le crédit Oseo a pour but d’aider les entreprises devant faire face à des problèmes de trésorerie. Les deux banques saisissent alors l’occasion de se prémunir face à la crise grâce à cette garantie de l’Etat. Inquiètes de leurs encours bancaires, elles proposent alors au gérant de transformer son découvert en prêt Oseo. « Ils m’ont mis la pression pour que j’accepte, malgré mon incapacité à rembourser. Il aurait fallu que je fasse 60 % de chiffre d’affaires en plus » explique Bruno Boulefkhad, qui se retrouvera alors avec des traites mensuelles de plus de 15 000 euros à rembourser. « Elles m’ont menacé d’interdit bancaire si je refusais le crédit. Sous la pression, j’ai finalement accepté. Plusieurs certificats médicaux attestent que j’étais en dépression réactionnelle ».

La Société Générale : « des montants très éloignés de nos chiffres »

Le service communication du groupe a répondu – succinctement – à notre sollicitation. Joëlle Rosello botte en touche en nous indiquant qu’il appartient à la justice de se prononcer sur ce dossier. « Nous déplorons cette situation que nous suivons avec beaucoup d’attention. La banque a toujours accompagné ce client avec conseils et relation continus. Ce que nous pouvons dire, c’est que les montants avancés par M. Boulefkhad sont très éloignés de nos chiffres. Nous allons faire le nécessaire pour que la situation ne perdure pas »

Il menace de s’immoler par le feu devant la banque

L’homme se tourne vers le tribunal de commerce. Il fait un mandat ad hoc, et un médiateur est nommé afin d’essayer de trouver un terrain d’entente avec les établissements bancaires. « Ils ont dit au mandataire qu’ils arrêtaient les prélèvements pendant les négociations, mais ont continué quand même, mettant en péril la société ». Un gel des prélèvements est alors sollicité pour trois mois, afin de permettre à Bruno d’effectuer un apport de 140.000 euros.
Les banques répondent favorablement, mais avec effet rétroactif au 1er janvier jusqu’à fin mars 2011. Il ne restait que quelques jours à Bruno pour réunir la somme. Dans l’incapacité d'honorer son engagement, il dépose le bilan et l'entreprise est placée en liquidation, procédure suivie par Me Guigon. « J’ai perdu 16 kilos, j’étais en dépression. Les portes du suicide n’étaient plus très loin. Je me suis rendu devant la Société Générale avec 5 litres d’essence, j’ai voulu m’immoler devant la banque. Ils n’avaient pas le droit de faire ça, ils ont voulu se protéger au détriment des intérêts de leur client ».
Après cet épisode qui aurait pu être tragique, Bruno Boulefkhad décide de changer de stratégie. Il confectionne un panneau jaune sur lequel figure en gros caractères rouges l’inscription suivante : « STOP aux abus bancaires, cette banque a coulé mon entreprise en pratiquant le crédit ruineux », et décide de « squatter » devant l’enseigne. Malgré les sept constats d’huissier et les tentatives de découragement, il tient bon. Son histoire se répand comme une traînée de poudre en France grâce aux réseaux sociaux, relayée par les médias. M6, Canal +, I Télé… font le déplacement dans la capitale jurassienne. Une chanson et un clip sont réalisés en soutien. « Aujourd’hui, ce n’est plus mon histoire, tout le monde se sent concerné. Je ne vais pas m’arrêter là. Je compte partir à Paris d’ici une dizaine de jours pour déménager mon siège devant la maison mère de la Société Générale pour une durée illimitée. J’attends qu’ils reconnaissent avoir détourné de son utilisation le crédit Oseo ».

Si l’ex-entrepreneur a gagné le droit de manifester sur la voie publique – une victoire considérable pour lui - le fond du litige, concernant le recouvrement de ses dettes à la Société générale, est toujours entre les mains de la justice que la banque a saisie.  

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