Belfort : La bataille commence dans les usines General Electric

Après le comité d’accueil houleux réservé à Bruno Le Maire lundi, les salariés de General Electric ont décidé en AG jeudi de démarrer les actions. Ce vendredi matin, ils ont bloqué une turbine et un rotor qui devaient sortir du site. Dans les ateliers, c’est la grève du zèle. Chacun est appelé à suivre rigoureusement les protocoles, et donc de à ralentir la production. L’intersyndicale a appris pendant le blocage que le gouvernement indique ne pas avoir ne se donnera pas les moyens d’annuler le plan de licenciement ni de retarder le début du processus qui devrait s'enclencher le 17 juin. Eux ne veulent pas négocier un plan jugé obsolète après les propos du ministre et exigent que la direction étudie les pistes de diversifications avant de licencier.

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Rien à voir avec le convoi long de plus de 100 mètres qu’ils avaient accompagné gentiment et avec fierté le 21 mai avant l’annonce du plan de licenciement. Ce 7 juin au matin, les salariés de General Electric (GE) étaient tout aussi fiers. Mais cette fois, ils ont bloqué pendant quelques heures une turbine, plus petite, mais 91 tonnes tout de même, ainsi qu’un rotor. De quoi certainement retarder le transport de ces deux convois exceptionnels jusqu’à mardi, et infliger des pénalités de retards à GE. « Cela fait partie des modes d’action que l’on va progressivement mettre en place », annonce Fabrice Chirat de la CGT près de la table où sont posés deux grosses thermos qui ravitaillent les 300 personnes mobilisées, au moins, presque toutes salariées de GE. « La direction met en place des réunions de soutien psychologique, on préfère des groupes de discussion ici, autour d’un café. D’autant que les managers en profitent pour repérer les plus faibles », poursuit-il, sarcastique.

Après la venue lundi de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, qui a demandé à GE de revoir son plan et de maintenir l’activité gaz à Belfort, les salariés maintiennent la pression sur la direction. Lors des AG qui se sont tenues jeudi sur les sites de Belfort et de Bourogne, tout proche, ils ont décidé de lancer ce blocage et d’entamer une grève du zèle (voir encadré à ce propos). « On a plein de problèmes, et tout le monde va au-delà des procédures pour essayer de faire avancer le schmilblick. Mais là, l’idée c’est que tout le monde suive la procédure et appuie sur le bouton-stop parce qu’il n’y a pas les gants, le document ou la pièce qu’il faut. Ça va ralentir toute l’activité », détaille Philippe Petitcolin. En même temps, il est demandé aux salariés de signaler tous les dysfonctionnements pour les consigner dans un dossier et les faire remonter à la direction américaine, pas très au fait des réalités de terrain selon les syndicalistes.

« Avancer sur la diversification »

Il y a déjà eu des réunions entre la direction et les syndicats. Mais c’est un dialogue de sourds. « Les négociations ont commencé mercredi, mais nous, on ne souhaite pas commencer la discussion avec un document qui nous paraît obsolète et qui doit être remis à jour suite aux injonctions du ministre. Et au-delà de ça, il y a un problème de temporalité. Mettre en place des pistes de diversifications prend du temps, et même si la direction dit agir dans ce sens, on n’a pas de résultats. Notre position est qu’il faut avancer sur la diversification avant de lancer un plan qui ira très vite », revendique Alexis Sesmat, de Sud Industrie.

C’est pour ces raisons que l’intersyndicale a refusé de signer l’ordre du jour de la réunion cruciale qui doit se tenir le 17 juin. C’est à cette date qu’est programmé le début du processus officiel du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, qui prévoit plus de 1000 suppressions de postes). Les syndicalistes cherchent à retarder au maximum la tenue de cette réunion du CSE (Comité social et économique), car après, le plan social pourrait être mis en œuvre en quatre mois. Ce n’est pas assez pour que la direction puisse étudier sérieusement les pistes de diversifications (aéronautique, nucléaire et hydrogène).

« L’enfumage continue »

Pendant le blocage, ils ont eu des nouvelles du cabinet de Bruno Le Maire, et elles ne sont pas très encourageantes. Philippe Petitcolin fait l’annonce de ce qui a été dit au micro devant les salariés : « Ils disent qu’ils n’ont pas les moyens de faire reculer GE et qu’ils ne feront pas de demande pour stopper le plan. Ils disent vouloir l’améliorer. Ils ne comptent pas non plus demander à GE d’annuler la réunion du 17 juin. L’enfumage continue », déclare-t-il. Il signale aussi un mensonge de Bruno Le Maire. Devant eux lundi dernier, il a affirmé qu’il appellerait dans les heures suivantes Larry Culp, PDG de General Electric. Il ne l’a pas fait. Philippe Petitcolin informe l’auditoire que le gouvernement est en pourparler avec Jérôme Pécresse, directeur du pôle énergie renouvelable de GE, un Français, ancien d’Alstom et de Patrick Maffeis, directeur gaz Europe à GE.

S’ils ont pu espérer un soutien fort du gouvernement lors de la venue de Bruno Le Maire la semaine dernière, les salariés de GE Belfort savent maintenant qu’ils ne pourront en espérer qu’un appui très modéré. « La parole du ministre Bruno Le Maire n’a plus aucun crédit aux yeux des salariés et de leurs représentants. Nous demandons à monsieur le président de la République de venir rencontrer l’intersyndicale, à l’issue de sa visite du musée Courbet d’Ornans le lundi 10 juin prochain », écrivent-ils dans leur communiqué.

Le soutien de la population espéré

Cette fois, la bataille est vraiment lancée et tous savent qu’ils sont engagés dans un long combat. Les syndicalistes essaient de tempérer les ardeurs des plus déterminés pour tenir la longueur. Mais beaucoup ont conscience qu’entamer une grève dès maintenant ne serait pas tenable du point de vue du salaire. « Ce n’est pas à l’ordre du jour », précise Fabrice Fontana de Sud Industrie. « Il n’est pas question de partir bille en tête, d’aller directement au maximum des possibilités et des leviers qui s’offrent à nous. Il faut s’inscrire dans le temps ». « Un rapport de force ne se décrète pas, il se construit. Il faut apprendre à se connaître. On a trop malmené les solidarités », analyse Cyril Caritey, de la CGT. Si certains ouvriers, techniciens, ingénieurs ou cadres sont encore dans le déni, ou ne se sentent pas concernés, le syndicaliste rappelle que s’ils ne bougent pas maintenant, c’est tout le site qui serait menacé par les plans de GE.

Assurément, la pression continuera de monter, au fil des turbines qui devraient encore sortir, des pièces qui pourraient être bloquées, des décisions des AG, etc. Une pétition diffusée par l’intersyndicale et intitulée « Stop au massacre de notre industrie par General Electric » circule sur le net et a déjà recueilli près de 5000 signatures en deux jours. Elle circulera aussi au Fimu, où devraient se déployer des banderoles sur différentes scènes. Une grosse journée de mobilisation, appelée par le maire de Belfort et soutenue par l’intersyndicale, les élus locaux et les collectivités, devrait rassembler des milliers de personnes le 22 juin dans la ville. À défaut du soutien du gouvernement, ils espèrent compter sur celui de la population locale.

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