Avant la manif du 22 juin à Belfort, General Electric encaisse les coups

Les salariés de General Electric ont remporté une première victoire en empêchant la tenue de la réunion qui devait lancer le plan social. Le maire de la ville, Damien Meslot, a ensuite refusé de louer une salle à GE pour une nouvelle réunion prévue vendredi et les syndicats, qui ont rencontré la Direccte, menacent de porter l’affaire en justice pour contraindre l’État à faire respecter les engagements pris par GE dans l’accord qui conditionnait la vente de la branche énergie d’Alstom. Et samedi, tout le monde s’attend à une manifestation massive à Belfort en soutien aux salariés de GE.

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Les salariés ont remporté une bataille symbolique lundi dernier en empêchant la tenue d’une réunion qui devait lancer officiellement le Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), qui prévoit le licenciement de plus de 1.000 personnes. À l’heure de la convocation, l’intersyndicale CFE-CGC, Sud et CGT haranguait depuis une passerelle la foule déterminée qui s’était constituée, pas moins de 800 salariés, dans le hall où se trouvait l’entrée de la salle de la réunion. « Si le plan se met en œuvre, il y aura la deuxième étape, le démantèlement du site », « GE ne respecte pas ses engagements, il nous ment, il ment à l’État », « Macron doit bouger, sinon il se comportera comme eux, comme un voyou ».

Puis une clameur monte. Ils sont là. La direction s’est bien présentée, confrontée à une barrière humaine qui bloque l’accès à la salle et copieusement sifflée dans un hall chauffé à blanc. Les syndicalistes sont descendus du perchoir pour se précipiter à la rencontre d’Antoine Peyratout, le directeur de GE Power en France, pour lui demander ce qu’il a à dire et lui tendre un micro. Comme il l’avait déjà fait en de pareilles circonstances, il a déclaré que ce n’était pas une agora où pouvait se tenir un débat serein et constructif. Il annonce toutefois la programmation d’une nouvelle réunion dans quelques jours avant de rebrousser chemin sous les huées et insulté de vendu. Les syndicalistes, de retour sur le balcon, crient victoire. « Aujourd’hui, il n’y a pas de plan qui commence, à la fin de la semaine, ce n’est pas de plan du tout ! »

Les syndicalistes apprendront dans l’après-midi que la nouvelle réunion doit se tenir vendredi matin, non pas dans les locaux de General Electric, mais à La Jonxion, un parc d’activité économique à proximité de la gare TGV qui appartient à Alliance Développement, une filiale de Tandem, une société d’économie mixte dont le président est Damien Meslot, le maire de Belfort. Coup de théâtre, l’élu a annoncé dans un tweet posté mardi soir qu’il a « refusé qu’une salle appartenant à nos collectivités ne serve ce plan social que nous combattons avec force ». C’est une nouvelle épine dans le pied de General Electric, qui devra trouver une autre salle.

Après avoir réussi à retarder l’échéance, les syndicalistes pensent cependant que si la réunion ne peut pas se tenir pour une quelconque cause extérieure à la volonté de la direction, General Electric aurait quand même la possibilité de lancer le processus. Dans un mail interne que la rédaction de France Bleu Belfort-Montbéliard a pu se procurer, la direction avance que la réunion reprogrammée pour vendredi marquerait « quoiqu'il arrive le début de la consultation », et donc le début du processus de quatre mois au terme desquels les licenciements deviendraient effectifs. Pour les syndicalistes, le choix de la date n’est pas anodin et représente une manière de s’affranchir de la pression qui sera indéniablement causée par la manifestation prévue le lendemain, samedi 22 juin, qui s’annonce massive.

Le plan peut-il être légal étant donné que GE n’a pas respecté ses engagements vis-à-vis de l’État ?

Lundi après-midi, une délégation de l’intersyndicale avait rendez-vous avec la Direccte, qui devra valider, ou non, le PSE présenté par General Electric. L’administration se prononcera en fonction du strict respect de la loi et n’aura pas de considérations politiques ou éthiques. L’un des éléments analysés sera les mesures de reclassements proposées et les pistes de diversifications possibles. Pour l’intersyndicale, c’est clair, GE n’a pas fait le nécessaire et n’a pas étudié avec sérieux ce volet. Les syndicalistes ont aussi fait part à la Direccte de l’une de leurs interrogations. Un plan social présenté par GE peut-il être légal étant donné que l’entreprise n’a pas respecté l’accord signé avec l’État français que nous vous révélions la semaine dernière et qui conditionnait la vente de la branche énergie d’Alstom à GE ? Cette question remontera au ministère du Travail…

Dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, l’intersyndicale appelle l’État à contraindre General Electric à respecter ses engagements formalisés dans l’accord, à abandonner le projet de délocalisation et de suppressions d’emplois et à s’engager sur les axes de diversifications (aviation, hydrogène, nucléaire, après-vente turbines à gaz). À défaut, ils menacent de mettre en cause la responsabilité de l’État face à la justice, l’accord étant soumis à la législation française. « On ne comprend pas que BNP, Total ou Alstom puissent être sanctionnés par les États-Unis et que quand la France en a la possibilité, elle ne fait rien », déclare un membre de l’intersyndicale. Pour un autre, l’enjeu n’est pas que financier, il s’agit aussi d’attaquer l’image de GE. « Si la justice et l’administration sont avec nous, GE ne fera pas un pli », estime-t-il.

« Des brocanteurs »

Le ministère de l’Économie ne réagit pas, mais on peut légitimement mettre en doute la volonté du gouvernement de porter l’affaire devant la justice. Lors de sa venue à Belfort, Bruno Le Maire déclarait face aux syndicalistes que « rentrer dans une confrontation ouverte avec GE ne serait pas une bonne idée » et les enjoignait à négocier avec la multinationale américaine qui emploie encore plus de 15.000 personnes en France, mais dont les annonces de plan de licenciements se multiplient. Beaucoup ont eu la surprise de voir apparaitre le week-end dernier sur Internet 444 lots mis aux enchères par GE, le parc machine d'une usine en cours de fermeture vers Grenoble orientée sur les énergies renouvelables. « Peut-être qu’ils vont se reconvertir en brocanteurs », relève, dégouté, un salarié belfortain.

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