Après Besançon et Damparis, Lons-le-Saunier ratifie la, timide, charte pour l’égalité femmes-hommes

La dernière des 236 communes de France à avoir ratifié la charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale est Lons-le-Saunier, qui s’est engagée à suivre ses recommandations en décembre. En Franche-Comté, seules Besançon et Damparis l’ont adopté, en 2007 et en 2017. Cela dit, voter les principes de la charte n’engage pas légalement les signataires et le suivi des actions est minime. La société civile doit donc rester vigilante pour que les mots prennent forme sur le terrain.

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« L’égalité entre les femmes et les hommes n’est encore pas une réalité quotidienne », affirmait Valentine Colin, adjointe à la mairie de Lons-le-Saunier, en charge de l’égalité femmes-hommes, le 7 décembre 2020 lors d’un conseil municipal. « L’organisation de notre société repose sur des stéréotypes de genre qui sont à la base des constructions sociales à l’origine de ces disparités ». Les élus lédoniens ont ainsi donné leur accord pour signer la charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Rien de révolutionnaire, mais ce geste est une façon « de montrer que l’on s’engage clairement, ouvertement et officiellement en faveur de l’égalité », défend l’élue. C’est aussi une manière « d’être dans l’action », ajoute-t-elle.

Cette charte est née en 2006 grâce au travail du Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE). Avec pour objectif d’élaborer un « portrait de ce que pourrait être une ville dans laquelle toutes les discriminations seraient supprimées ». Un but bien ambitieux, qui, à l’heure actuelle, n’est manifestement pas atteint.

La charte est un outil pourtant bien nécessaire, selon les actrices et les acteurs locaux. « Pour les collectivités qui ne sont pas rompues à ces questions, elle permet d’établir une feuille de route relativement complète » des actions qui peuvent être menées, avance Évelyne Sagon, ancienne référente égalité femmes-hommes à la mairie de Damparis, également signataire. Pour Valentine Colin, il s’agit aussi de « rejoindre un réseau européen ». Car, outre les communes et collectivités françaises, ce sont les autorités locales de 35 autres pays d’Europe qui ont ratifié le texte. La diversité des acteurs « permet de s’inspirer des idées qui existent ailleurs, continue Valentine Colin, en réseau et à plusieurs, on est plus fort ».

Des données tangibles pour une politique crédible

Les six principes qui jalonnent la charte vont du rappel des droits fondamentaux, à l’élimination des stéréotypes, en passant par la lutte contre les discriminations ou encore l’intégration des questions de genre de manière systématique. « Nous commençons par établir un diagnostic de la situation », explique Valentine Colin. « Nous avons besoin des bonnes informations pour actionner les bons leviers, sans quoi notre action sera vaine ». Un cabinet indépendant est donc en train de passer au peigne fin le fonctionnement et la composition des services municipaux de Lons-le-Saunier. « C’est une analyse genrée poussée, pour voir où sont les inégalités, s’il y en a », précise l’élue.

Ce travail doit donner des pistes d’amélioration en matière d’égalité. Non seulement sur la parité, mais aussi les rémunérations, le fait qu’un poste soit associé plutôt aux femmes ou aux hommes, ou encore sur la répartition du temps de travail. « Il n’y a pas de données tirées du chapeau, nous sommes dans le concret ». Parallèlement, l’élue multiplie les rencontres avec les institutions et associations locales (CCAS, CIDFF, Femmes debout, France victimes). En attendant les résultats de cette première étape, des projets sont d’ores et déjà annoncés.

Parmi ceux-ci, les cours d’école qui vont être dégenrées, annonce l’adjointe au Maire. Cela signifie que la place occupée par les filles et les garçons sera plus équitable lors des récréations. « L’école est un lieu de socialisation primaire au cours de laquelle on intègre la place que l’on peut prendre dans la société », souligne Valentine Colin. De nombreuses études montrent en effet que le centre de la cour de récréation est généralement accaparé par les garçons, tandis que les filles sont reléguées dans les périphéries.

Il s’agit donc de « penser l’espace différemment pour qu’il puisse être intégré par tout le monde », explique l’élue. Ces changements se feront à l’occasion de la désimperméabilisation des cours d’école. Un chantier qui doit se faire prochainement, assure Valentine Colin. Concrètement, les terrains de foot ou de basket seront délocalisés et remplacés par des cabanes, des potagers ou encore des marelles. Des modifications qui seront élaborées avec le corps enseignant.

 « Nous ne sommes pas des hurluberlus »

L’école et la jeunesse sont aussi les chevaux de bataille de Michel Giniès, maire de Damparis. Élu depuis 1995, il a initié les actions en faveur de l’égalité des femmes et des hommes en 2014, lorsqu’Évelyne Sagon est devenue son attachée territoriale. « Avant, je n’avais pas la bonne personne-ressource », explique le maire. Loin d’être un détail, la présence de cette spécialiste du genre à ses côtés fut décisive pour mener des batailles politiques sur l’égalité. La signature de la charte, en 2017 « était une formalité », pour l'administration déjà engagée dans ce sens.

Les actions, à Damparis, se concentrent au sein de la commune et des établissements scolaires. La mairie s’est d’abord imposé les règles de la parité et de l’égalité salariale. Elle tend à la mixité dans tous les secteurs d’activité, mais manque parfois de candidatures pour parvenir à l’égalité réelle. Pour améliorer la situation des personnes en temps partiel non choisi, Damparis a modifié le régime indemnitaire pour le calquer sur celui du temps plein. Evelyne Sagon reconnaît que « cela ne représente qu’une vingtaine d’euros par mois et par agent, mais que c’est avant tout une question d’équité ». Par ailleurs, les horaires de travail découpés ont reçu des améliorations qui profitent à un petit nombre d’agents. Si ces engagements ne sont pas spectaculaires, ils permettent toutefois de proposer un autre modèle de gestion des ressources humaines ainsi qu’une organisation différente de la collectivité.

Côté jeunesse, ce sont les actions de sensibilisation qui ont gagné les faveurs de Michel Giniès. De la maternelle au collège, des interventions de spécialistes, du théâtre forum, des expositions, ou encore des livres sont autant d’outils pédagogiques qui intègrent l’égalité filles-garçons. De plus, le corps enseignant est invité à participer activement aux animations et à les intégrer dans les programmes scolaires. Là encore, ce ne sont pas des changements radicaux de l’éducation qui sont proposés, mais le maire constate chez les jeunes qu’il embauche en contrat d’été, une conscientisation accrue des questions d’égalités de genre. Pour Michel Giniès, il faut agir, quoi qu’il arrive, car « si l’on n’agit pas, on recule ».

Soutien aux associations bisontines

Dans le Doubs, Besançon est la seule à être signataire de la charte, et cela depuis 2007. Un plan d’action a été voté par le conseil municipal en 2015. Il a permis de mettre en place des mesures, d’abord en interne, où il y a eu une réflexion sur l’accès aux formations, sur le temps de travail et la manière de concilier vie privée et vie professionnelle. Les jeunes pères sont incités à prendre leurs congés paternité par exemple.

Mais il est « difficile de faire changer des comportements bien ancrés », constate Didier Roulin, chef de service en charge de la lutte contre les discriminations et pour le droit des femmes à la mairie de Besançon. Par ailleurs, un réseau d’une cinquantaine de référents prévention des discriminations et égalité mène des campagnes de sensibilisation dans les différentes directions de la ville. Des fiches d’information ont été créées, et des quizz, articles et dessins humoristiques qui abordent les questions d’égalité et de discrimination circulent tous les mois dans les boîtes mail des agents.

La ville soutient aussi les associations qui œuvrent pour l’égalité. Durant les activités périscolaires par exemple, ou encore lors de manifestations ponctuelles, à l’occasion du 8 mars ou du 25 novembre, notamment. L’éclairage public, source d’insécurité, a lui aussi été repensé et amélioré dans certains quartiers de la ville. Des noms de femmes et d'hommes célèbres ont été donnés aux rames du tram. D’autres initiatives, telles que la sensibilisation des entreprises sur les questions d’égalité femmes-hommes, sont en cours. Une cinquantaine de rencontres a eu lieu jusqu’à présent.

Néanmoins, le seul état des lieux sur l’égalité femmes-hommes que la ville a réalisé « n’est pas concluant » et n’a jamais été utilisé, indique Didier Roulin. Le document n’a pas été rendu public et malgré nos sollicitations, la mairie ne nous a pas communiqué de données et documents retraçant son action. La feuille de route des nouveaux élus sur cette problématique n’est pas encore connue, ajoute le cadre. Force est de constater que, malgré la signature de la charte il y a treize ans, les choses avancent lentement en matière d’égalité réelle et que les évaluations sont rares et peu accessibles.

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