Lons-le-Saunier : Edouard Philippe débat des retraites sous protection policière

Le Premier ministre a discuté avec une centaine de personnes sélectionnées sous une protection policière dissuadant autant de manifestants de s'approcher. Il tente de rassurer en disant vouloir préserver le système par répartition, mais n'est pas cru par les protestataires quand il dit refuser la capitalisation… Très curieusement, Factuel n'a pas pu assister aux débats.

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Edouard Philippe y va avec des pincettes. Toucher aux retraites est politiquement explosif. Son second mentor, Alain Juppé (le premier fut Michel Rocard), dont il était porte-parole de la campagne lors de la primaire de droite, l'a appris à ses dépends. Alors premier ministre, le mouvement de décembre 1995 eut raison de son projet de commencer à démenteler les régimes spéciaux de retraite.

Il dit vouloir créer « un régime universel se substituant aux 42 régimes existants », mais ce ne sera « pas un régime unique ». Il assure qu'« énormément de choses ne sont pas décidées », que sa réforme n'est « pas budgétaire » et annonce vouloir « discuter ». Il promet de ne pas remettre en cause le principe de répartition, écarte la capitalisation, cite du bout des lèvres le système par points dans lequel, justement, les opposants voient le pire avec des pensions variant avec la valeur du point. Mais de cela, il ne sera pas question...

Accompagné du haut commissaire Jean-Paul Delevoye, jeudi 17 octobre à Lons-le-Saunier, devant une centaine de personnes triées sur le volet, parents ou grands parents d'élèves scolarisés dans la commune, le Premier ministre préfère mettre en avant les faiblesses du système actuel « pas très juste pour les carrières heurtées et les femmes ». Les carrières heurtées, ce sont les périodes de chômage dont seuls quatre trimestres sont comptabilisés aujourd'hui parmi ceux permettant de valider une pension à taux plein, mais il ne s'étend pas. Quant aux femmes, nombreuses sont celles qui passent par des temps partiels entraînant une décote parfois considérable sur leur pension. « J'ai travaillé une dizaine d'années à 80%, l'impact est de moins 20% sur ma retraite », dira une manifestante.

On pourrait, sur ces deux exemples, apporter d'ores et déjà des correctifs... Edouard Philippe répond par un principe : une personne ayant travaillé toute sa vie « doit pouvoir partir avec 85% du smic ». Et ceux qui ont beaucoup chômé ? Là encore, rien. Ou alors renvoyé à la discussion...

« La CGT ne maîtrise pas tout… »

Celle-ci n'aura pas lieu avec les manifestants, confinés par un important et dissuasif dispositif policier – sept minibus de CRS et quatre de gendarmes mobiles – à plusieurs centaines de mètres de Juraparc. Parmi la centaine de personnes rassemblées sous des parapluies, voilà Pascal Jeanmougin, militant CGT, sélectionné comme parent d'élève pour écouter le Premier ministre : « je vais faire passer le message que la CGT ne maîtrise pas tout... » Autrement dit, le mouvement social qui pourrait naître contre le projet de retraite par points pourrait ne pas être contrôlable...

A quelques pas, Jacqueline Girardot, qui fut responsable de la CGT du Territoire-de-Belfort quand elle était active, s'interroge : « pourquoi n'ont-ils pas fait davantage de pu que ça pour ce débat ? En fait, ils sont un peu emmerdés parqu'aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup de motifs de satisfaction. Même les professions libérales veulent garder leurs régimes spéciaux. Ce projet de retraite par points, c'est pour satisfaire l'Union européenne et mettre moins de budget pour les retraites... Ce qu'ils veulent mettre en place, c'est un système par capitalisation comme le pays en a connu de 1910 à la Libération et a fait faillite... »

Sous les parapluies, tout le monde n'entendra pas la militante FSU expliquer dans une sono faiblarde que « le projet du gouvernement consiste à augmenter le temps de travail et baisser le montant des pensions », que les « seuls gagnants seront les banques et les asssurances qui proposent des retraites par capitalisation... »

Un journaliste pris à partie

Les syndicalistes sont bientôt rejoints par des jeunes et des gilets jaunes, certains venus de Besançon. Une banderole est amenée au bord du rond-point, un CRS demande qu'elle soit déplacée à cause du « risque d'accident ». Les manifestants entreprennent alors de tourner autour du rond-point, plusieurs fois... »

Un journaliste du Progrès est pris à partie par quelques personnes qui le traitent de flic et lui intiment de « dégager » alors qu'il prend en photo le cortège. On s'approche et l'on réalise que ce n'est pas spécialement à lui qu'on en veut, mais au journal, voire aux médias en général, et même aux syndicats. Une discussion un peu tendue s'en suivra et le confrère continuera son reportage...

Alors que les syndicalistes lèvent le camp, plusieurs dizaines de manifestants font le tour du quartier pour tenter d'approcher Juraparc par la rue des Salines, plus fréquentée car prolongeant le boulevard de ceinture vers Bourg et Chalon. Un autre cordon d'uniformes leur barrera le passage et rien ne viendra perturber le Premier ministre dans son face à face avec un public sélectionné et si maigre que des passants, rapportera Le Progrès, ont été invités à le renforcer...

Alors que les opposants lèvent le camp, le quartier est plongé dans le noir pendant une dizaine de minutes. La CGT Mines-Energie revendique la coupure qui n'aura que peu impacté Juraparc équipé d'un groupe électrogène…

Pour sa part, Factuel n'a curieusement pas été accrédité pour suivre ces échanges. Nous nous y serions pris trop tard pour la demander... En fait, nous n'avons pas été destinataire de l'invitation faite à la presse alors que nous figurons dans la liste des contacts-média de la préfecture.

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