Le CCPPO et le Groupe Medvedkine (deuxième partie)

Les grèves de la Rhodia en 1967 anticipent Mai 1968 à Besançon. Chris Marker, Jean-Luc Godard et d’autres cinéastes poussent les ouvriers à prendre la caméra pour réaliser leurs propres films. Un groupe de cinéastes ouvriers naît ; le Groupe Medvedkine de Besançon.

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 Le Centre Culturel Populaire de Palente et les Orchamps naît en 1959. Au début des années 60, cette association, – qui s’appuie sur l’idée d’une culture populaire, – développe le cinéma dans le quartier de Palente avec notamment des projections de films à caractère social et politique.

En 1967, l’usine Rhodiaceta de Besançon (contrôlée par Rhône-Poulenc Textile) occupée par les ouvriers, devient un lieu d’affrontements violents.  La grève est motivée par l’annonce de la Direction de mettre en œuvre sur le groupe, une réduction de personnel de 2200 personnes, une réduction du salaire réel de 13.5 %, une réduction de la prime d’intéressement de moitié et une mise au chômage partiel.

René Berchoud, membre du CCPPO et fervent admirateur de « Cuba Si » de Chris Marker, écrit au réalisateur et lui demande de venir filmer la grève « A priori je ne pensais pas venir. C’était le matin. J’ai bu mon café et j’ai décidé de partir subitement à Besançon avec deux techniciens, Antoine Bonfanti pour le son, et, Pierre Lhomme pour la photo ». (1)

« A bientôt j’espère », point de départ du SLON (Service de Lancement des Oeuvres Nouvelles) dont Chris Marker fut un des fondateur, va être diffusé à la télévision quelques jours avant les événements de Mai 68.  Œuvre mythique et prémonitoire, ce film marque le début d’un travail entre des ouvriers et les techniciens du cinéma.

Le groupe prend le nom de Medvedkine,  cinéaste russe qui de 1932 à 1935 avec son ciné-train, filmait, développait la pellicule, montait et projetait les films, pour montrer la réalité quotidienne de son pays : Ainsi Alexandre Medvedkine a traversé l’URSS en 292 jours, en réalisant à chaque étape, un film sur le quotidien des ouvriers et des paysans.

Le cinéma est une arme

« J’avais travaillé avec Godard sur « Loin du Vietnam » poursuivait Chris Marker. Godard n’avait jamais vu un ouvrier. J’ai présenté  Pol Cèbe, un des fondateurs du CCPPO, à Jean-Luc dans un bar parisien. Ils sont restés l’un en face de l’autre sans se dire un mot pendant une heure. On aurait pu faire un plan fixe d’une heure entre Godard et un ouvrier ! »

Attiré par l’expérience cinématographique et humaine d’un collectif de cinéma militant, Jean-Luc Godard arrive à son tour à Besançon.

D’autres cinéastes viennent encore avec leurs films et les montrent. En 1968, caméra au poing, les ouvriers de Besançon tentent à leur tour de construire « un monde nouveau » pour reprendre la formule de Medvedkine.  Le film « Classe de lutte » entièrement réalisé par des ouvriers en collaboration avec les techniciens du cinéma est le magnifique portrait d’une femme militante de l’entreprise Yema, Suzanne Zedet (voir ici).

En 1969, le Groupe Medvedkine va essaimer à Sochaux autour de Pol Cèbe directeur et animateur de Clairmoulin (comité d’établissement Peugeot).

Quelques années plus tard les travailleurs de Lip organisent leur grève avec des photographes, des cinéastes et quelques membres du CCPPO : c’est ainsi que « Lip 73 ou la lutte des travailleurs de Lip » réalisé dans l’urgence avec le Crepac-Scopcolor, un groupe de journalistes licenciés de l’ORTF en 68, va être monté par Chris Marker en cinq jours :  « le film est imparfait, qu’on me le pardonne, mais il fallait le terminer vite afin de le montrer pour inciter les gens à participer à la grande marche » précisait aussi Chris Marker. 

A suivre...

 

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