Loi Macron : plus de 2000 Francs-Comtois dans les rues

Environ 350 Francs-Comtois ont pris sept cars et le train pour rejoindre le défilé parisien où les drapeaux CGT étaient omniprésents. Selon la CGT, 600 personnes se sont rassemblées à Besançon à l'appel de la CGT, FSU, FO et Solidaires. 500 à Belfort, autant à Montbéliard. Les deux rassemblements vésuliens (FO et CGT) ont réuni 150 personnes.

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« Avant, c'était la lutte des classes et on gagnait quelque chose. Maintenant, c'est le dialogue social et on perd... » Ce militant s'est levé tôt ce jeudi matin et attend le car avec une petite centaine de camarades sur le parking de la Malcombe, à Besançon. La loi Macron a beau être vouée aux gémonies par son syndicat, la CGT, l'ambiance est à la plaisanterie. On échange aussi sur les relations avec les employeurs : « tu te rends compte, le patron nous propose 0,5% d'augmentation pour reprendre un de nos dix jours de RTT », dit un autre militant. On ne monte pas tous les jours à Paris pour manifester, justement contre la loi Macron en cours d'examen, en seconde lecture, à l'Assemblée.

Sept cars ont été affrétés par la CGT de Franche-Comté, dont quatre dans le Jura. Onze pour la seule Saône-et-Loire voisine. Ceux qui ne pouvaient prendre leur journée ont pu participer à des rassemblements à Besançon, Belfort, Montbéliard et Vesoul. « Un policier m'a dit que 320 cars étaient venus de province », explique un conducteur. A 50 par car, pas forcément tous remplis, ça fait bien 15.000 provinciaux. D'autres sont venus en train, « dont 23 cheminots bisontins dont la fédération n'a pas appelé à la grève pour emmener les gens à la manif, 1000 places ont été réservées à Marseille », précise José Aviles, secrétaire de l'union locale. Plus tard, alors que le cortège piétine toujours Place d'Italie, le chiffre officiel de 20.000 manifestants fait rigoler tout le monde, il sera finalement de 32.000. La CGT en annoncera 120.000... 300.000 dans toute la France.

« Démontrer qu'il y a d'autres solutions »

Manipulateur radio au CHU, Gilles est dans l'un des deux cars bisontins : « un appel à la grève a été lancé pour participer au rassemblement. Mais il y a beaucoup de résignation dans la tête des gens, ils pensent que l'action syndicale ne sert à rien, et pareil de la politique... Heureusement qu'il y a des organisations comme la CGT, c'est une force qui compte. Si elle n'existait pas, ce serait pire... La manif ? C'est pour montrer qu'on est capable de la faire ! Qui d'autre pourrait le faire ? Mais une seule manif ne suffit pas... »

Quel est justement le projet d'une manifestation nationale de 100.000 personnes, l'objectif affiché par la CGT ? « Démontrer qu'il y a d'autres solutions », dit José Avilès. « La loi Macron, c'est 200 points dont de très nombreux vont dégrader les conditions de travail des salariés, avec par exemple la notion d'horaires de soirée, de 21 h à minuit, sans supplément, alors que le travail de nuit, avec majoration, commence aujourd'hui à 21 h... Ça va toucher des millions de personnes ». La modification de la procédure prud'homale et de la saisine de l'inspection du Travail ne l'enchantent pas. « On aura moins de poids aux Prud'hommes, et l'inspecteur du Travail devra avoir l'aval du directeur de la Direccte pour aller plus loin lorsqu'il est saisi par un salarié ».

Michel Tournier, ancien président des Prud'hommes bisontins, a une froide analyse : la loi Macron « ne fera qu'entériner ce qui se passe déjà : les patrons sont maintenant formés aux Prud'hommes et verrouillent de plus en plus. Ils veulent diriger les débat alors que nous sommes à égalité... La phase de conciliation devait permettre de dire le droit, mais de plus en plus, les avocats n'ont pas de mandat pour concilier et viennent seulement chercher une date de bureau de jugement ».

« Le gel des retraites va me concerner »

Ancienne technicienne d'intervention sociale et familiale à la Protection de l'enfance, Chantal Meynier a « plein de bonnes raisons » de combattre la loi Macron, mais elle est venue contre l'austérité en général : « le gel des retraites va me concerner, je vois mes anciennes collègues dont les conditions de travail empirent : une demi-heure de travail, une heure à une heure et demi dans la voiture à ne rien faire car les kilomètres ne sont pas payés, puis une autre demi-heure de travail... »

Pascal Desgrands, délégué à l'Addsea, distribue dans le car une pétition pour soutenir l'emploi de la vingtaine de correspondants de nuit, service de médiation que la municipalité bisontine a décidé d'arrêter de financer à la fin de l'année. Un second texte circule dans l'autre sens, pour conserver la boutique SNCF de la Grande rue de Besançon, « un service public de proximité ».

« Le jour où on les fera travailler pendant leurs congés payés... »

Bernard Tirot fait partie de la petite délégation de salariés de Diehl-Augé-Découpage, là par « solidarité, pour exprimer [son] mécontentement, par peur d'être concerné un jour par ce que ceux qui ne se mobilisent pas laissent faire... » Son collège Daniel Cislaghi complète : « le jour où on les fera travailler pendant leurs congés payés, il faudra bien qu'ils se bougent... » Il ajoute à l'intention du gouvernement : « utiliser le 49-3 montre qu'ils ont peur ».

Jeune retraité du service voirie-propreté de la Ville de Besançon, Jean-Michel Riffiod, « 25 ans de CGT », est venu défiler à Paris « pour l'ambiance, retrouver les copains, me retrouver en famille... Je suis déçu par la gauche et les promesses non tenues, ils avaient dit qu'ils ne toucheraient pas aux retraites ».

2,3 millions de CICE et aucun emploi créé

Représentant syndical aux Transports urbains de Besançon, Didier Gautier estime qu'il y a « comme par hasard de drôles de convergences entre la loi Macron et ce qui se prépare dans l'entreprise. La direction voulait payer les heures qu'on récupère pour le travail du dimanche ou en soirée, ce qui supprimerait 17 emplois alors que Transdev a touché 2,3 millions de CICE. On a refusé, alors elle est revenue sur les 0,4% d'augmentation qu'elle proposait... »

Christian Ahlen, secrétaire de la CGT-Solvay, fait un constat similaire : « Ce n'est pas nouveau, la direction a commencé à s'en prendre aux horaires. On est là pour démontrer qu'un autre modèle social est possible ». Son confrère Michel Soyard opine : « ce n'est pas dans la rue, mais dans les entreprises qu'il faut faire comprendre aux gens qu'ils ne sont pas tous seuls. C'est important de démontrer, après Lepaon, que la vraie gauche est là, qu'il faut écouter une autre orientation sociale et économique... Solvay a touché 2,3 millions de CICE en deux ans, mais n'a créé aucun emploi ». La recherche sur la voiture à hydrogène en lien avec PSA est-elle une piste de développement ? « Elle a été conçue à Tavaux, mais Solvay ne veut pas que ça lui coûte et veut seulement valoriser l'hydrogène pour en tirer un bon prix... »

« J'ai fait 9 ans d'intérim avant l'embauche »

Délégué syndical à la ville de Besançon, Jean-Michel Avando trouve « normal » que les salariés municipaux soient bientôt tous à l'agglomération, mais pas que les policiers municipaux « s'occupent du radar sur le boulevard... Rennes n'a pas de police municipale ». Et la loi Macron ? « Les gens ne font plus le lien entre les lois du haut et ce qu'ils vivent. J'essaie de trouver les termes qui conviennent : service public, retraite... »

Enseignante, responsable du PCF à Lons-le-Saunier, Géraldine Revy va immédiatement sur la politique : « les fermetures de postes dans l'éducation sont liées à l'austérité : tout est lié, on n'échappe pas à la loi Macron ». Délégué syndical chez Armstrong, bientôt retraité, Manu Fernandez est l'un des cinq Pontissaliens sur le pavé parisien : « on a beaucoup d'explications à donner dans les boîtes sur la loi Macron. C'est compliqué, les travailleurs attendent pour voir si l'économie va repartir ou pas, ceux avec un statut ont peu souffert de la crise, mais on ne voit pas les silencieux... » Son successeur Kocay Avdatek est venu « manifester par rapport à la loi : j'essaie de bien la comprendre, le patron va avoir beaucoup de textes en sa faveur, pour faire passer par exemple des plans sociaux sans consultation des instances... Je travaille depuis 1994, j'ai fait 9 ans d'intérim avant l'embauche, quand ce n'était plus possible de faire avec des départs non remplacés... »

« Il ne faut rien lâcher »

Jean-Luc Mélenchon est accaparé par les fans. Plus disponible, Martine Billard sourit : « Cette manifestation est une grande réussite. La CGT a décidé de remobiliser et elle eu raison ». Le mouvement social ne vient-il pas aussi de la base comme on l'a entendu chez les manifestants ? « Cela arrive aussi, il faut l'articulation des deux ». Faut-il attendre un Syriza à la française ? « Chaque pays a son histoire, ça ne sert à rien de vouloir copier... »

De retour dans le bus, les militants ne sont ni euphoriques ni abattus. « Il ne faut rien lâcher », dit Jacques Bauquier. « Il faut commencer des débrayages dans les boîtes », dit un manifestant. Comme en écho à ce que disait José Avilès avant le défilé : « c'est une initiative qui en appelle d'autres ».

Par exemple pour le 1er mai ? Pontarlier était la seule ville de France à avoir une Fête du Travail unitaire en 2014. Fera-t-elle des émules cette année ?

 

 

 

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