2500 manifestants à Dole pour le retrait de « la retraite des morts »

Le cortège a rassemblé de nombreux travailleurs hospitaliers, des enseignants, des salariés du privé, des retraités, des gilets jaunes… La brume et le froid contrastaient avec un dynamisme et un sentiment d'unité analysés comme une « chaude journée » par un responsable syndical.  

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Les groupes de manifestants convergeant vers l'avenue de Lahr, entre Doubs et port de plaisance, émergent lentement de l'épais brouillard qui couvre Dole ce matin du jeudi 5 décembre. Les éclats de voix sont vite étouffés et l'on n'entend le groupe de métal alternatif français Mass Hystéria, à fond dans la sono de la CGT, que lorsqu'on est quasiment dessus. 

Témoins des lancinantes luttes dans le secteur de la santé, les hospitaliers sont en nombre. Certains ont fait une heure de route : « on a décidé que venir à Dole car c'est là qu'il y a le plus gros mouvement », souligne Edwige Olivier, infirmière à l'hôpital de Champagnole et secrétaire dépatementale de FO-Santé. Elle montre aussitôt avec une collègue une réalisation militante choc : un cercueil fustigeant « la retraite des morts ». L'expression a plus d'un siècle, elle montrait comment la CGT d'alors refusait un projet de retraite à 65 ans par capitalisation alors que l'espérance de vie était d'une cinquantaine d'années...

Edwige Olivier n'entend pas s'en laisser compter : « je suis contre cette réforme car ils veulent abaisser les pensions de tout le monde. Aujourd'hui, elle est calculée sur les six derniers mois pour les fonctionnaires et les 25 meilleures années dans le privé, ils veulent la calculer sur toute la carrière... Les femmes vont avoir un sacré coup derrière la tête : on était à quatre trimestres pour les enfants nés avant 2004, et deux trimestres pour ceux nés après. Là, ils veulent les remplacer par une majoration de 10% à partager entre le père et la mère... Nous les femmes, on est là pour procréer, sans nous, la France ne tiendrait pas... J'ai trois enfants dont un né après 2004 : avec leur réforme, le perdrais 350 euros par mois sur ma retraite... »

Antoine Cordier, le secrétaire de l'UL CGT de Dole, m'explique immédiatement que le cortège va passer devant le siège du MEDEF : « ils ont été écartés de leurs responsabilités pendant le mouvement des gilets jaunes,. Il ne faut pas oublier le patronat car c'est lui qui inspire la politique du gouvernement... »

« La retraite, c'est notre héritage ! »

Après les hospitaliers, les salariés du social, les enseignants, voilà les métallos de Jacob-Delafond, de C&K, de BGI (Facom-Stanley-Black&Decker)... Nathalie Pszola, secrétaire départementale du SNUipp-FSU, annonce comme un succès « 70% de grévistes dans l'Education nationale dans le Jura, quasiment la moitié des écoles complètement fermées, 800 grévistes sur 1400 enseignants du primaire... »

Dans la sono de FO, un militant hurle « la retraite, c'est notre héritage ». Le cortège a fini par s'ébranler, franchir le pont sur le canal et s'élever vers la place Grévy. Prenant un peu de hauteur, on prend la mesure d'un cortège dont la fin est encore dans les brumes.

Voilà Alain, gilet jaune enfilé et brassard marqué sécurité passé au bras : « on dit toujours que les gilets jaunes font de la casse... Alors on fait ce qu'il faut pour qu'il n'y ait pas d'histoire, on n'est pas là pour caser mais pour avoir nos droits... » Il évalue la foule du regard : « on va peut-être nous entendre un peu plus... »

Plus loin, Noël, prof de maintenance industrielle en lycée professionnel, m'accoste : « Ça fait un moment qu'on est dans la rue, depuis que Macron est là... Il nous ont fait croire à la transformation des LP, mais il y a 10 à 15% d'horaires en moins. Des élèves nous demandent des heures de soutien le mercredi après-midi ! On arrive au plat de résistance du quinquenat Macron. Ils font des choses dégueulasses en plus de nous matraquer... Aujourd'hui, c'est la première fois à Dole qu'il y a eu une AG avant la manif, 30 à 40 syndicats étaient représentés, certains racontant les AG s'étant tenues dans les boîtes pour savoir si on reconduisait le mouvement... Les gens ont aussi compris que ce ne ne sont plus les syndicats qui vont gérer seuls l'action... »

Chacun fait ses calculs : - 21%, - 600 euros, 42% de moins pour les femmes…

Ce sont cependant encore les syndicalistes qui tiennent les micros. Du rebord de la fontaine de la place Grevy, Richard Dhivers, le secrétaire de l'UD CGT, évoque « la journée la plus froide qui est en fait la plus chaude ». Nathalie Pszola tonne : « il y a en a assez des sacrifices, du travail rendu infernal, des pensions des femmes inférieures de 42% à celles des hommes... »

Parmi les manifestants, en compagnie d'un militant CFE-CGC content d'être là, Ako Hamdaoui, ancien militant écolo et candidat de la gauche aux municipales, opine : « je fais régulièrement les manifs... »

Le cortège redémarre, s'arrête à peine devant le siège de l'IUMM aux volets clos. « C'est le syndicat de mon patron », commente David dans sa chasuble FO : « ma boîte a bien profité du CICE, maintenant il faut du social... Etaler le calcul des retraites sur les 42 ans d'une carrière, ça fait 21% de pension en moins par rapport à un calcul sur les 25 meilleures années.... » Un dispositif datant de 1993 en remplacement du calcul sur les dix dernières années qui avait alors affecté d'environ 10% le montant des retraites...

Alors que la sono de FO crache un vieux Led Zeppelin des années 1970, Nathalie Pszola reprend les calculs de la FSU selon qui les pensions des enseignants pourraient perdre 600 à 1000 euros par mois : « pour maintenir les pensions actuelles avec la réforme, il faudrait nous augmenter de 1500 euros. Je n'y crois pas... Et si la réforme passe, on n'est plus dans le statut de fonctionnaires... » C'est aussi cela qui se joue, et pas que pour les profs.

La manif revient place Grévy et se disperse dans le calme vers 12 h 15, rendez-vous étant pris pour l'AG du soir à 18 h 30…

 

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