« Pour les retraites, mais pas que »

La mobilisation contre la réforme des retraites que le gouvernement souhaite faire voter avant l’été 2020, après une phase de concertation, entre dans le dur. Les manifestants dénoncent la fin des régimes spéciaux qui compensent des conditions de travail difficile, tout comme le remplacement des cotisations au trimestre par un système par point, dont on ne connait pas la valeur, et qui pourrait fluctuer dans le temps. Parmi les quelque 800 personnes dans la rue à Besançon ce matin, tous craignent que cela se traduise par une diminution du montant des retraites et un âge de départ plus tardif.

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« En janvier, j’ai eu une hausse de 0,003 % d’augmentation sur ma retraite qui était de 1117 €, après avoir travaillé toute ma vie, sauf pour garder mes enfants. Avec ces 3,6 € d’augmentation, on m’a retiré 49 € parce que j’ai passé un barème et que maintenant je paie la CSG. Vous vous rendez-compte ? », vient nous dire spontanément Jacqueline Soullard, retraitée de la fonction publique depuis deux ans. Comme, elle, ceux qui se sont rendus à la manifestation appelée par la CGT, et à laquelle se sont joint SUD, la FSU, FO, l’UNSA et quelques autres, ont l’impression de se faire avoir une nouvelle fois avec la réforme des retraites.

Le gouvernement a annoncé sa volonté de mettre fin aux régimes spéciaux pour tout fusionner en un régime unique. Autre motif de colère, le nouveau système reposera sur un système par point et non plus sur le principe des trimestres. Problème, on ne connait pas encore la valeur du point, c’est-à-dire à combien de retraite donne droit 100 € de cotisation par exemple, et que cette valeur pourrait varier avec le temps.

« Nous sommes là pour défendre nos retraites, construites sur le plan de la solidarité par nos ainés, pour le pouvoir d’achat, l’emploi et la protection sociale. Les retraites par points, on n’en veut pas. C’est déjà compliqué aujourd’hui, et on peut facilement imaginer que, demain, les pensions seront revues à la baisse. Chaque année, le point va fluctuer, personne ne saura dire avec quel montant il va partir », explique José Aviles, secrétaire général de l’union locale CGT de Besançon. En plus de l’incertitude liée à cette réforme, c’est une impression générale de dégradation qui se ressent. « Nous sommes là pour la retraite, mais pas seulement », renchérit Danièle Gouffon, de la CGT Territoriaux, qui dénonce la forte précarisation dans le secteur des collectivités publiques avec « le recours en masse au CDD », le fait que les DG puissent dorénavant être issus du secteur privé, « sans culture de la fonction publique ».

Des régimes spéciaux qui existaient pour compenser un travail pénible disparaissent

 

Le secteur de la santé était particulièrement représenté dans le cortège. Florent Uzzeni, de Sud santé au CHRU de Besançon, prédit que la réforme des retraites dans l’hôpital sera particulièrement terrible. « Les aides soignantes partaient 5 ans avant, à l’âge de 57 ans, pour compenser des conditions de travail difficiles et une espérance de vie réduite. Comme les autres, ce régime spécial sera amené à disparaitre ». Il pointe aussi un autre risque. Les infirmières qui avaient choisi de rester en catégorie B active dans le cadre de la réforme de 2011 (sans revalorisation salariale d’environ 150 €) pour conserver l’avantage de partir à la retraite à 57 ans n’en verront pas la couleur. « Ils vont casser ça aussi, et il n’y aura pas de rattrapage de salaire », craint-il.

Karine Laurent, du SNUIPP FSU, rappelle que le gouvernement a indiqué que « rien ne serait définitif avant les municipales ». Comme les autres, elle est « hyper inquiète pour un système de retraite qui sera beaucoup moins égalitaire, beaucoup moins solidaire ». Comme pour excuser le fait qu’il n’y avait pas foule à l’heure prévue du rassemblement, 10 h 30 place de la révolution à Besançon, elle indique qu’il y a là un bon échantillon représentatif. « On a prévenu que ça allait être un début, il faut se préparer à durer longtemps. On en entend beaucoup parler chez les collègues, on attend une belle mobilisation à venir ».

Les professeurs sont mécontents du pan de la réforme qui prévoit de calculer le montant de la retraite sur l’ensemble de la carrière, et pas seulement sur les six derniers mois pour les fonctionnaires, et sur les 25 dernières années dans le privé actuellement. « On avait un salaire relativement faible, mais avec des contreparties. On finissait avec des salaires moyens. La retraite des enseignants, calculée depuis leur salaire, permettait de vivre. Mais ce n’est pas le cas de ceux en catégorie C qui ont des primes, qui ne rentrent pas dans le calcul de retraite », regrette Karine Laurent, qui redoute qu’avec ces sombres perspectives, la crise de vocation dans l’enseignement n’en soit que plus terrible. Plus largement, elle dénonce aussi l’annonce « maladroite » de la hausse du salaire de 300 €. « C’est 300 € brut sur l’année, ce qui fait 20 € de plus par mois. C’était déjà prévu par Hollande, et avec la réforme de la CSG, la plupart des enseignants toucheront moins en janvier 2020 qu’en août 2019 ».

L’entreprise Camelin, qui craint un PSE, en tête de cortège

Finalement, le monde arrive, à peine moins de 1000 personnes dans le cortège. La banderole de tête est occupée par des salariés de l’entreprise de décolletage Camelin, placée en redressement judiciaire depuis le 5 juin. « On subit un plan salarial et financier. Les administrateurs ont placé un directeur de site pour la réorganisation. On ne le connait pas, on a reçu une convocation hier pour une réunion vendredi. Les indicateurs ne sont pas bons. Nous ne sommes plus que 70, on était 93 il y a un an et demi. Nous sommes là pour les retraites, et pour Camelin, car nous ne savons pas ce qu’ils vont nous pondre ». Ils redoutent un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi).

Non loin derrière, sous une bannière « animation en perdition », il y avait les Francas. Stéphanie Rodrigues, déléguée CGT de la structure, est là pour les retraites et tous les acquis sociaux que l’on est en train de perdre ». Elle évoque la fin des contrats CEE, contrat d’engagement éducatif qui déroge au Code du travail et qui s’adresse aux animateurs et aux directeurs de centres de loisirs. Elle souhaite des contrats moins précaires, « certains ne travaillent que 8 h par semaine », et réclame plus de subventions. « Nous sommes toujours la dernière roue du carrosse, même si nous sommes complémentaires à l’école, nous n’avons pas le budget pour fonctionner correctement. Maintenant, on en arrive à un rapport de force, tout passe par des appels d’offres, alors on se met au rabais », regrette-t-elle.

Pour un retour à l’équilibre du régime des retraites, José Aviles, le secrétaire général de la CGT de Besançon, propose un moyen simple pour rétablir l’équilibre du régime des retraites : respecter la loi. « Le régime de retraite serait viable si on respectait l’égalité entre les hommes et les femmes. Si on appliquait la loi et que les salaires étaient égaux, on récupérerait 6 milliards de cotisations », selon lui.

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