Zahira, née au Maroc : « la liberté d’expression permet de vivre ! »

Vite organisés par les réseaux sociaux et les médias instantanés, plusieurs rassemblements ont réuni des milliers de personnes en Franche-Comté où, comme dans le pays, l'émotion est immense après l'attaque de Charlie Hebdo.

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La place Pasteur de Besançon était trop petite ce mercredi 7 janvier entre 17 h 30 et 20 h... Trop petite, comme l'on dit parfois d'une église pour un enterrement. Mais justement, a crié quelqu'un d'une voix de colère et de révolte, « ce n'est pas un enterrement ! » Il n'y a d'ailleurs pas eu de sermon, pas d'oraison, pas de discours. Seulement un instant de silence demandé d'une voix inaudible à la plupart par la première adjointe Danielle Dard.

Seulement des gestes, des mots écrits à la hâte sur des cartons et pas forcément dans le consensus comme ce « Sauvons notre France » de Benoît, lecteur de Charlie venu clamer son « indignation face aux atteintes aux valeurs de la France comme la liberté d'expression ». Son slogan a été considéré comme stigmatisant par quelques uns qui le lui ont dit. Il en a été désolé, a posé son calicot, comprenant une interprétation différente de son intention.

Compagnons depuis toujours

Comme partout en France et même au-delà, les Francs-Comtois se sont rassemblés dans plusieurs villes : Besançon, Dole, Lons (300 personnes), Belfort, Montbéliard, Audincourt, Pontarlier (100)...

On a brandi des affichettes à bout de bras, on en a colé à son revers. On a allumé des bougies. On a parlé entre soi. On s'est tu entre amis. Adèle est là parce que les journalistes de l'hebdomadaire sont ses « compagnons depuis toujours ». Alice est venue parce que sa mère est lectrice de Charlie et que son petit ami est journaliste. Alexandre, 31 ans, est venu « en tant que chrétien protestant et solidaire des musulmans » : il n'est « pas toujours d'accord avec les caricatures » de Charlie mais lui « reconnaît le droit à la liberté d'expression ». 

Des élus locaux sont venus en nombre. De nombreux journalistes, évidemment, sont là, et pas seulement en reportage. Des mots sont aussi prononcés pour les policiers tués dans l'attentat.

Partager les émotions,

« Aujourd'hui est une triste date », dit Violaine qui ne lisait pas Charlie : « Je suis horrifiée, je crois à la liberté de la presse, je suis touchée par cette haine... Je ne suis pas d'accord avec cette pancarte qui dit qu'Allah n'existe pas... » Venu par « indignation », Victor, 21 ans, ne regrette pas : « en arrivant ici, le mot qui me vient à l'esprit, c'est l'espoir de voir tant de monde... » Lecteur épisodique de l'hebdomadaire satirique, Thomas, 26 ans, est venu « pour ne pas rester seul chez soi à attendre que ce soit le début de la fin. Il faut partager les émotions, c'est dans ces moments qu'on a besoin de chaleur humaine... »

Zahira est là avec sa fille de 6 ans et demi, Inès, qui s'étonne lorsque je me présente. Elle jette un regard à sa mère : « un journaliste ? il n'a pas été tué ? » Je lui explique que nous sommes 37.000 à faire ce métier dans le pays et que nous allons continuer... Inès a une autre question : « pourquoi y a-t-il tant de monde ici ? » Parce que beaucoup d'entre nous les lisaient, depuis longtemps parfois... Zahira dit son émotion et son espoir mêlée d'appréhension : « il va falloir faire preuve d'intelligence, faire de très grands efforts pour ne pas tomber dans la caricature et la réaction... Je suis née au Maroc, je suis là pour témoigner que la liberté d'expression, c'est l'honneur de la France, c'est ce qui permet de vivre... »

Réapprendre à se parler

Véronique est consternée : « quand je pense que ces gens m'ont fait rigoler et réfléchir pendant toutes ces années... » Émue, Anne-Charlotte, étudiante en droit, cherche ses mots : « plus jeune, j'étais lectrice de Charlie quand c'était la mode... C'est le choc ! L'indignation... Je ne pensais pas que ça irait si loin, on a sous-estimé l'ennemi, ils l'ont peut-être créé... L'expression est devenue une arme... Je suis très triste mais je n'ai pas de colère... »

Comme beaucoup, Colette est venue informée par un SMS : « J'ai lu Charlie, on peut ne pas être d'accord, mais on n'est pas obligé d'utiliser la violence, une violence comme ça est inadmissible. Je comprends que des dessins puissent choque, mais cela reste une violence passive. Il faut soutenir cette valeur, l'humanité doit réapprendre à se parler... ». Journaliste à Euronews, Massoud Salari est sonné, parle d'un « acte lâche et répugnant portant atteinte au principe de la liberté d'expression et de la liberté en général... »

On reste longtemps sur la place qui se remplit de minute en minute pendant plus d'une heure. Combien y a-t-il de personnes rassemblées, serrées les unes contre les autres en une foule compacte ? Difficile à dire, les uns arrivent quand d'autres repartent. Pas moins de 500, peut-être 800, peut-être 1000, peut-être davantage... Et des centaines de bougies tenues, portées, posées... Longtemps après la dispersion, des SMS incitent à en allumer aux fenêtres...

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