Les traditions iraniennes
Maryam a tué accidentellement son mari Nasser âgé de 65 ans. Elle est condamnée à mort et la seule personne qui peut la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il suffirait que Mona accepte de pardonner à Maryam en direct devant des milliers de spectateurs lors d’une émission de téléréalité et la sentence ne serait pas appliquée.
La loi du Talion fait partie intégrante de la loi islamique. C’est un droit accordé à la société civile. Si la famille de la victime pardonne, il n’y a pas de mise à mort.
Le réalisateur situe son film pendant le Yalda, la nuit la plus longue de l’année au début de l’hiver. Pendant cette nuit particulière, on récite des poèmes persans de Hafez, on fait la fête, théoriquement. Ici au terme de cette longue nuit, Maryam saura si elle est graciée ou si elle doit être exécutée. Un petit retour sur les coulisses de l’émission nous fait entrevoir un différend entre la responsable d’antenne qui trouve l’émission pas assez festive et le producteur déterminé à sauver la vie de Maryam.
On apprend que Maryam a contracté avec son époux Nasser un mariage temporaire : il s’agit d’une pratique iranienne établie par consentement mutuel entre les deux époux. Ce type de mariage date du début de l’Islam. Dans ce contrat, la femme peut recevoir de l’argent mais ne peut pas hériter de son mari. Si un enfant naît pendant cette union, il aura droit à une part d’héritage de son père. Or Maryam a eu un enfant de Nasser. A cela s’ajoute l’opposition de deux classes sociales : le père de Maryam était le chauffeur de Nasser, riche industriel. Il a aidé la famille de Maryam. Mona n’a pas envie de pardonner, mais dans les traditions iraniennes gracier Maryam lui donnera une somme importante, Le prix du sang qui devrait lui permettre de quitter le pays pour une vie meilleure. Tout cela entre en ligne de compte dans la décision de Mona.
La téléréalité
Les émissions mettant en jeu le pardon des condamnés existent en Iran, à l’instar de La lune de miel diffusée entre 2007 et 2018 en Iran. Le film fonctionne comme un huis-clos. Sur un fond de lumières clinquantes et kitsch, la vie de Maryam peut se transformer en condamnation à mort. Et le talent de Massoud Bakhshi consiste à montrer les coulisses de la télévision : ajouter de la publicité ou une chanson quand le débat entre les deux protagonistes devient violent. Le dispositif mis en place par le cinéaste se déplace du plateau de télévision où se joue le drame, aux coulisses où la production intervient pour cadrer le débat. Et ce jeu permanent entre les deux lieux souligne la situation avec une ironie glaçante. Au clinquant du décor, s’opposent les larmes et les colères de Maryam. Que viennent faire les publicités sur les formes de bonheur possible, la réussite sociale face au drame qui se joue ?
A un moment donné, le présentateur de l’émission va jusqu’à inviter sur le plateau un étudiant du groupe « Institut d’application de la morale ». Ce qui renvoie à la question de la position de l’Etat de façon totalement ironique.
L’enjeu « faire de l’audience » est au cœur du récit. Et le cinéaste nous installe dans la position des spectateurs de ce show télévisé appelés à se prononcer par sms. Ce spectacle à la tonalité sirupeuse distille un profond malaise : le spectateur de cinéma devient le voyeur de cette télé-réalité qui crée un jeu divertissant à partir d’une situation tragique.