« Woman at war » : sauver la planète…

Woman at war, ovationné au Festival International du Film de la Rochelle, est à l’affiche actuellement. Le film dresse le portrait d’une militante écologiste qui ne lâche rien…

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Benedikt Erlingsson est réalisateur auteur, metteur en scène de théâtre et acteur. Son premier film, Des Chevaux et des hommes, sur les aventures d’une petite communauté rurale isolée et de ses chevaux, avait été présenté au Festival International de la Rochelle en 2017. Women at war a été ovationné cette année et la rencontre avec le réalisateur a éclairé cette œuvre singulière. Impossible pour autant de définir le film, de prendre le risque de le mettre dans une catégorie alors qu’il en recoupe plusieurs, qu’il se situe entre la saga et le thriller écologique, entre le western et le conte philosophique.

Halla (la merveilleuse Halldora Geirhardsdottir) est une militante solitaire. Elle part en guerre contre l’aluminium qui pollue l’Islande et tire dans les pylônes électriques avec un arc pour couper l’électricité. « C’était un sujet complexe en lien avec l’environnement et toutes les questions éthiques, je voulais faire un film d’auteur sur ce sujet » expliquait le réalisateur.

Une écolo frondeuse

Quelques minutes plus tard, on retrouve Halla dans une chorale. On apprend aussi que sa demande d’adoption vient d’aboutir et qu’elle devra sans doute abandonner son activité militante pour aller chercher une petite fille en Ukraine : « elle veut à la fois sauver le monde et se sauver », dit encore Benedikt Erlingsson. Le ton est donné. Le cinéaste multiplie les trouvailles, comme cette idée de rendre visible la musique du film avec un orchestre qui accompagne les mouvements de la jeune femme, ponctue le récit, et surtout n’est visible que par l’héroïne et les spectateurs : « Je déteste la musique dans les films. Il s’agit souvent de clichés. Je me suis demandé comment détourner cela et faire quelque chose d’autre. L’usage que je fais de la musique est un accord avec le public. Il s’agit d’un conte et la musique a une valeur dramatique comme dans le chœur grec. Evidemment, sur le plan de la production, c’était difficile d’argumenter…»

Lorsqu’il est question de l’adoption, des personnages en costume d’Europe centrale apparaissent et entonnent des chants ukrainiens : « J’ai moi-même écrit les chants, des poèmes qui parlent de la maternité et ont été adaptés pour le film ».
Benedikt Erlingsson est le digne héritier de la saga, fleuron de la littérature médiévale où se racontaient la vie et les péripéties d’un individu. D’ailleurs Halla porte le prénom d’un bandit très connu en Islande. Il survécut une vingtaine d’années en se cachant dans les Hautes Terres au XVIIe siècle.

« C’est dans les dix prochaines années qu’il faut faire quelque chose... »

En Islande, la nature est à la fois hostile et généreuse : dans Des Chevaux et des hommes, un homme se protégeait du froid en se réfugiant dans le corps d’un cheval dont il avait retiré les viscères. Ici, Halla échappe à la surveillance d’un drone en se cachant sous la peau d’un mouton mort : « la nature nous sauve toujours sous forme vivante ou morte. C’est une référence à l’Odyssée et au Cyclope ». Plus tard, Halla se lavera dans des sources chaudes avant de reprendre sa mission de frondeuse écologique.

Car Halla ne lâche rien. Elle utilise de nombreux stratagèmes pour continuer de couper l’électricité. A ce sujet, le transport d’explosif sous des jardinières de fleurs est une séquence des plus malicieuses. Elle court dans la lande, sur les glaciers, se cache sous les rochers en plein cœur de la tourbe. Et s’il lui faut traverser des rivières pour s’enfuir, elle le fait sans sourciller. On taira ici, pour le plaisir du spectateur, les épisodes avec la sœur jumelle de l’héroïne qui sont l’autre tour de force du film et un judicieux ressort fictionnel.

A la fin du film Halla se rend en Ukraine pour l’adoption. Le paysage gris est inondé. Halla traverse une rivière en crue avec la petite fille et d’autres personnes qui fuient : « Cette image, je l’ai voulue comme une image biblique de la vie humaine. Par ailleurs si on continue de faire ce que l’on fait de la planète, on s’enfonce. C’est maintenant dans les dix prochaines années qu’il faut faire quelque chose. Après ce sera trop tard. C’est pourquoi je partage entièrement la conviction du personnage. Aujourd’hui, il faut que les Etats changent les choses ».

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