8 h 45 ce mardi 7 mai. C'est une heure inhabituelle pour une conférence de presse. D'ailleurs, les mines sont graves. Jean-Louis Fousseret, Nicolas Bodin l'adjoint à l'urbanisme et Bernard Bletton le directeur de Territoire 25, entourés du directeur général des services et du directeur des services techniques, de cadres de l'urbanisme et du cabinet, ont planché une partie de la journée de lundi à analyser l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif qui a suspendu les travaux de l'éco-quartier des Vaîtes. Leur bébé.
« Je suis surpris de la décision du TA », commence Jean-Louis Fousseret . Il cite les nombreuses études effectuées depuis la première déclaration d'utilité publique de 2005, rappelle avoir confié l'aménagement à un lauréat d'un Grand prix d'urbanisme, se défend de vouloir dégrader l'environnement, s'offusque d'avoir vu sur un réseau social planétaire que quelqu'un l'a traité d'éco-criminel… Il rappelle le prix de capitale de biodiversité accordé à la ville, souligne qu'elle a souvent été classée première ville verte, qu'on y pratique le zéro phytosanitaire et l'éco-pastoralisme…
Il redit sa surprise, cette fois d'avoir lu dans l'ordonnance qu'il n'y ait « pas de d'évolution démographique et de perspectives économiques » alors que « le chômage est un ou deux points sous la moyenne nationale » . En fait, le juge constate que « compte-tenu de l'évolution démographique (…) des quinze dernières années, des perspectives économiques et démographiques pour les années à venir, de l'offre de logements, du nombre de logements vacants et construction en cours de réalisation ou programmées, que les besoins à court ou à moyen terme, soient tels que l'aménagement du quartier des Vaîtes répondent actuellement à une raison impérative d'intérêt public majeur ».
Et le maire de Besançon de prendre un ton de confidence : « je vais vous dire quelue chose : le rôle d'un maire est de préparer l'avenir… » Et de reconnaître le « tassement de la population » qu'il impute au fait que des gens « ne trouvant pas en ville ce qu'ils cherchent, vont dans la première couronne, viennent en ville avec deux voitures, on les retrouve aux entrées et ça fait des gaz à effet de serre… » Il dira plus tard qu'on les « retrouve dans les manifs avec le coûts des bagnoles ». L'argument n'est pas nouveau et ressort comme un leitmotiv pour justifier l'existence d'un projet dont les prix - de 2800 à 3000 euros le mètre carré - seraient abordables pour les plus modestes.
Il s'appuie aussi sur la fameuse mais secrète étude Tayeb-Adéquation qui conclut à la nécessité de construire 550 logements par an, et conclut, au bout de dix bonnes minutes : « c'est pour ça qu'il y a urgence, c'est pour ça que Territoire 25 va en cassation ».
Nicolas Bodin dit pour sa part ce qu'il a lui aussi déjà dit et fait « une remarque sur le jugement : c'est au politique d'anticiper ce que sera le devenir de la ville ». Surtout il assure qu'on a tout bien fait sur le plan environnemental, tout en ayant « conscience que le projet peut être amélioré ». Il évoque une note de l'INSEE sur la nécessité de construire 45.000 logements en Bourgogne-Franche-Comté d'ici 2026 dont seulement 1% seraient « liés à la croissance de la population ».
Bernard Bletton annonce que la suspension des travaux va coûter à la ville : « on doit faire face à des entreprises en arrêt de travail, à des frais financiers parce qu'on a 4 à 5 millions de découvert, à des engagements pris sur la commercialisation avec deux cessions de terrains en cours, un dans le logement social, un dans le logement abordable… » Il fait un peu amende honorable : « si on dégrade quelques zones naturelles, on les reconstitue… » Il dit surtout son dépit : « ce qu'on ne comprend pas avant tout, c'est que toute l'opération est atteinte. On aurait compris qu'on nous interdise de travailler sur des micro-zones spécifiques… »
Avant que viennent les questions de la presse, ils n'ont rien dit sur l'une des principales raisons de la suspension des travaux : l'atteinte irréversible à l'habitat d'espèces protégées qu'il est urgent de faire cesser. Interrogé par Factuel, le maire est sur la défensive : « on a travaillé avec un écologue… L'arrêté préfectoral du préfet nous a demandé d'aller au-delà de ce qu'a demandé le CNPN, on l'a fait. Nous avions pris des dispositions pour protéger les espèces protégées… »
Qu'ont ils prévu, tant en cas de succès que d'échec de leur procédure en cassation ? « Je ne commente pas un jugement », commence Jean-Louis Fousseret, « mais si les travaux reprennent, on respectera la saisonnalité… » Y a-t-il un plan B ? « On n'est pas dans l'optique de perdre », répond le maire.