Vaites : « c’était un bourbier depuis 2005, on propose une porte de sortie… »

La formule est du conseiller municipal délégué à l'urbanisme de Besançon Aurélien Laroppe. Il a porté le projet revisité d'écoquartier, adopté jeudi 30 septembre par le conseil municipal avec les seules voix de la majorité EELV-PS-PCF-GénérationS-A Gauche citoyens. Les oppositions LR et LREM-MoDem-MEI, qui ont critiqué une unité de façade et l'absence de politique du logement, se sont abstenues. Une centaine d'opposants ont manifesté sous les fenêtres de l'hôtel-de-ville.

Un potager informel aux Vaîtes...

Présenté à la presse le 16 septembre, le « projet revisité » d’écoquartier des Vaîtes a sans surprise été voté par la majorité municipale (EELV-PS-PCF-AGC-GénérationS) de Besançon jeudi 30 septembre. Les deux groupes d’opposition, LR et LREM-MoDem-MEI se sont abstenus pour des raisons assez différentes. Sous les fenêtres du conseil municipal, environ 150 manifestants faisaient entendre, les uns leur opposition à tout « bétonnage », les autres la situation sociale plus que tendue au CHU après les premières suspensions de personnels non vaccinés. Un fumigène est sans doute à l’origine du déclenchement de l’alarme incendie, entraînant l’évacuation de la salle pendant un quart d’heure et mettant face à face élus et manifestants que séparait un cordon policier.

Plus d’une heure après, le dossier des Vaîtes arrivait à l’ordre du jour, Anne Vignot indiquant avoir tenu ses promesses de campagne en proposant « un projet fruit d’une démarche globale » basé sur la « légitimité scientifique » du GEEC, la « démarche citoyenne » de la convention tirée au sort et la « légitimité des élus » appelés à trancher en dernier ressort : « Après le temps de la concertation, c'est le temps du choix politique », souligne-t-elle en faisant du projet un « laboratoire des formes urbaine du 21e siècle ».

Elle laisse ensuite argumenter le conseiller délégué à l’urbanisme, Aurélien Laroppe (EELV), à qui a été confié le projet sur le plan technico-politique : « les choix urbanistiques de la ville auront un impact sur la périphérie et sur la ville. Il faut aller plus loin que notre réflexion sur notre seul territoire. Chaque projet a un impact plus important que ses limites foncières. Notre raisonnement est global et systémique. »

Aurélien Laroppe

Et de passer du global au sujet du jour en en résumant les grandes lignes : limitation des surfaces à construire ; volonté de produire des logements pour les familles ; nouvelle école à proximité de l’arrêt de tram Vaîtes, des maraichages et du parc qui « acte dans le temps un espace de biodiversité » ; pas d’impact sur les maraichages actuels ; une partie des jardins déplacés...

« Vous êtes dans la lignée de vos prédécesseurs… »

Guillaume Bailly (LR) interroge la « cohérence politique » et la « sincérité écologiste » des porteurs du projet : « vous allez urbaniser des terre arables, vous promouvez la bétonisation espaces naturels, vous êtes dans la lignée de vos prédécesseurs... » A ses yeux, le résultat résulte d’un « mauvais compromis politique » doublé d’une méthode – recours au GEEC et à la conférence citoyenne – qu’il apparente à du « mépris pour l’opposition et les bisontins » permettant de « balayer ce qui n'allait pas dans votre sens ». Il dénonce aussi la « facture lourde » d’un projet qui présente « deux fois plus de dépenses pour deux fois moins de logements » tout en étant incertain : « avec les procédures judiciaires et l’occupation, avez-vous certitudes que coût ne va pas augmenter ? »

A la différence de la droite, les centristes expliquent, par la voix de Karima Rochdi (LREM), « ne pas avoir de souci avec la consultation citoyenne ». Elle, qui était dans la majorité précédente, craint que les 30 % de logements sociaux du nouveau projet ne soit « une mauvaise bonne intention » car « au moment où nous en déconstruisons à l’ouest, ils vont être concentrés sur l’est : rien n’est envisagé sur Palente-Orchamps où il y a une grande pauvreté ».

Ludovic Fagaut (LR) partage cette dernière critique en soulignant « l’absence d'une politique d'urbanisme depuis des années. Il faut rééquilibrer Besançon qui s'est beaucoup développé à l'ouest, que vous continuez à développer avec les Hauts de Chazal... Il y a de fortes tensions sur le marché du logement, 900 familles sont à reloger sur le Grand Besançon, il n’y a aucune perspective sur les 408 pour lesquels il faut lever la clause non constructibilité en travaillant avec le législateur. Et quel dialogue avez-vous avec les militaires sur Clémenceau ? Quel projet aux Orchamps où, par exemple, les anciens locaux de la CTB sont vides  ? Arrêtez de procrastiner, de ne ne pas avoir de vision... Il faut une charte de l'urbanisme, à discuter avec promoteurs... »

« Votre projet, c’est comment gagner du temps pour que personne ne perde la face... »

Ludovic Fagaut

Revenant aux Vaites, il assène : « depuis 2005, c'est le bourbier. Votre projet, c’est comment gagner du temps pour que personne ne perde la face. Vous oubliez l’ensemble des recours depuis 2011. Quand un projet traine en longueur, c'est qu'il balbutie... »

Nathalie Bouvet (MEI), « soulagée » de la présentation du nouveau projet, lui voit « deux problèmes majeurs : il n’a pas assez de logements à prix abordable et le coût global a explosé. Votre choix ne répond pas au manque de logement. Quel sera votre politique du logement ? »

Fabienne Brauchli (EELV) défend le projet revisité : « nous avons retravaillé les fonctionnalités de zone humide qui n’étaient pas le dans projet initial... C'est un projet de vrai écoquartier, plus du tout la même urbanisation qu'avant ! »

« Il ne faut pas que la ville devienne impossible pour les classes populaires... »

Hasni Alem (PCF) conteste l’analyse de la droite : « parler de nid à problème est méprisant pour les quartiers populaires. 2,2 millions de personnes sont en attente d’un logement social dans le pays. En Bourgogne-Franche-Comté, on construit trois fois plus de maisons que d'appartements, et construire en périphérie consomme terres agricoles... Saut si on a 300.000 euros, on ne peut pas se loger dans le neuf à Besançon. Il ne faut pas que la ville devienne impossible pour les classes populaires. »

Hasni Alem

Psacale Billerey (AGC) se réjouit d’une méthode de concertation dont « l’envergure démocratique a rarement été vue à Besançon », souligne que le dernier rapport du GIEC constitue une « alerte rouge », et assure que le projet revisité « préserve la trame verte ». Ne serait-ce parce que « un hectare produit 48 logements en ville contre 4 à la campagne ». Affirmation aussitôt contestée par Ludovic Fagaut pour qui c’est « plutôt 20 à 30 » en périphérie, lui même contredit par Aurélien Laroppe : « Vous basez vos analyses sur vos balades du weekend. Les nôtres se basent sur des éléments techniques selon lesquels l’urbanisation est cinq à douze fois plus importante en périphérie. »

Anne Benedetto (PCF) défend le logement locatif public en soulignant les différences de plafonds de ressources de plusieurs dispositifs montrant qu’il y en a aussi pour les classes moyennes. Mais, précise-t-elle, « des familles quittent Besançon et même le Grand Besançon pour se loger, achètent des voitures... Quand 50% des logements sociaux sont dans quelques quartiers, on appelle ça une politique ségrégative... »

« On ne protègera pas les terres agricoles en construisant moins à Besançon... »

« Veut on que la classe moyenne ne puisse plus habiter Besançon ? On ne protègera pas les terres agricoles en construisant moins à Besançon », répond comme en écho Laurent Croizier (MoDem) qui était « en attente d'un urbanisme plus cohérent. Il n’y a pas assez d'offres. Si votre projet avait été un nouveau 408 ou un nouveau Planoise, je m'y opposerais... Vous aviez l’opportunité de créer des logements ouverts sur la nature mais abordables. En divisant la taille projet, on divise par deux le nombre de logements... et de logements abordables... »

« C’est bien parce que sommes écologistes et solidaires que nous votons ce nouveau projet », assure Antony Poulin (EELV) en signalant au passage que les scientifiques du GEEC « n'ont pas souhaité indemnité qu'avions budgétée... ». Il déplore aussi les « 800 ha terres agricoles qui ont disparu sur Grand Besançon entre 2010 et 2017 » et assure que le projet entend « lutter contre les ilots de chaleur en créant des ilots de fraicheur... »

Nicolas Bodin

Plusieurs « aaah ! » saluent, sur plusieurs rangs politiques, la prise de parole de Nicolas Bodin, président du groupe PS et grand artisan du projet des mandats précédents. Il ne revient pas sur les couleuvres qu’il a dû avaler et se montre offensif : « L'opposition s'oppose, la majorité compose... La droite s'est toujours opposée au projet... D'abord sur les expropriations pour lesquelles les jugements ont toujours été favorables à la ville. Vous avez passé un accord avec Mme Cordier qui défendait davantage de logements, mais quelques jours après , je vous ai vu avec LFI défendre un projet sans construction... » Persuadé que le sujet « ne passionne pas les Bisontins », l’ancien adjoint à l’urbanisme défend cependant la méthode de la ZAC, de la zone d’aménagement concerté : « c’est lourd, mais ça permet de construire... La Ville doit assumer sa souveraineté et son rôle historique de construire 500 logements par an pour maintenir la population sur la ville... »

« Même si ça vous dérange, la majorité est unie sur le sujet... »

Ludovic Fagaut creuse son sillon, accuse Anne Vignot de « suivre une doctrine », reproche à la majorité de « faire la morale » et assène : « les Vaîtes, c'est votre caillou dans la chaussure. Votre projet est le fruit d'une concertation pour que personne ne perde la face. » S’adressant à Nicolas Bodin, il dit : « lors du dernier mandat, vous étiez dans l’incantation et défendiez 1200 logements... »

Anne Vignot et le premier adjoint Abdel Ghezali

Le premier adjoint Abdel Ghezali (PS) rétorque  : « Nous sommes une majorité plurielle, il y a du débat, y compris dans un même groupe politique. On ne sait pas ce que vous [la droite] proposez. Même si ça vous dérange, la majorité est unie sur le sujet. » Un peu plus tôt, Philippe Cremer (GénérationS) avait dit la même chose : « Nous sommes cinq organisations et nous avançons. Ça vous embête mais c'est comme ça... »

Aurélien Laroppe conclut le débat : « On fait la proposition qui nous semble la plus pertinente. On ne prétend pas à la vérité. L’urbanisme est complexe. On propose une solution. On a priorisé des choses en fonction de nos priorités politiques. Je partage votre analyse : c'était un bourbier depuis 2005, on propose une porte de sortie. »

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