Une personne, une voix : le principe coopératif

« Gare aux abus de la cooptation et aux roitelets inamovibles dans les coopératives ! » Philippe Frémeaux, d’Alternatives Economiques rappelle les valeurs de l'économie sociale et solidaire.

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« Gare aux abus de la cooptation et aux roitelets inamovibles dans les coopératives ! » Philippe Frémeaux, éditorialiste du mensuel Alternatives Economiques et président jusqu’à l’an dernier de la Scop-SA de Dijon qui l'édite, rappelle qu’il est aussi journaliste et donc « fera également état des trains qui n’arrivent pas à l’heure. » Invité à animer la conférence du salon d’affaires de l’économie sociale et solidaire à Besançon-Micropolis le 27 novembre, il a d’abord écouté différents responsables de coopératives. Il a souligné d’emblée une grande hétérogénéité.

« La belle difficulté d’une coopérative, c’est faire passer le collectif avant l’individuel » selon Pierre Lauret, dirigeant de Pompes Japy à Fesches-Le-Chatel, société coopérative créée par 25 salariés en 1981 pour faire face à un dépôt de bilan. En 2007, un choix statégique a conduit à investir et poursuivre le fonctionnement contre un autre choix « moins risqué, financier, d’intégration verticale, de sous traitance. » Pour Philippe Frémeaux, le modèle des coopératives s’il n’est pas LA solution alternative à l’économie marchande est toutefois « une part de la solution aux dérives du capitalisme financiarisé. » La priorité à l’emploi faite par Pompes Japy, de pair avec un engagement financier des sociétaires, est une des forces du modèle de la coopérative « pour que l’économie n’échappe pas aux personnes dans les territoires où elles vivent. »

« Une démocratie de fidélité  au projet plutôt qu’une démocratie d’alternance »

Le lien aux territoires, c’est l’autre point fort relevé par l’éditorialiste. Le film sur les coopératives comtoises présenté par Alain Mélo l’illustre : dans le domaine agricole, relations étroites entre producteurs de lait et affineurs, zone AOC… Bernard Marmier, représentant de la Fédération Départementale des Coopératives Laitières du Doubs et président de la fruitière de Bouverans en témoigne. Il insiste aussi sur la nécessité économique, nécessité de pérennité : « la coopérative est comme un livre ouvert, à chaque conseil d’administration, les producteurs écrivent l’avenir. »
Ainsi du collectif des dix Biocoop de Franche-Comté. Céline Raigneau du Grenier vert à Belfort souligne l’effort pour associer les consommateurs aux producteurs locaux. De plus, « notre organigramme est en cercle et non pas pyramidal, nous prenons des décisions collégialement en prenant le temps nécessaire. »
Les discussions, les échanges, les disputes, désaccords et blocages : les protagonistes sourient de l’expérience qu’ils en ont tous fait.
« Si l’on veut être exemplaire la question de la gouvernance démocratique est centrale » pour M. Frémeaux. Vantant cette collégialité et les possibilités même du dissensus, il dénonce les pratiques des grandes structures coopératives, multinationales parfois, « où, de facto, les managers ont capté le pouvoir. » Et de signaler Système U, les banques : Crédit agricole et Banque populaire, compromises dans la crise des subprimes. A son voisin d’estrade, Jean-Paul Girardon, responsable commercial du Crédit mutuel, il concède le bon fonctionnement coopératif des agences localement mais remet en cause, cordialement, l’orientation générale du groupe Crédit mutuel-CIC en dépit de l’affichage publicitaire actuel.
« Le nerf de la guerre c’est l’argent » rappelle M. Marmier. L'accent a été mis auparavant sur la confiance et la solidarité. Pour M. Frémeaux, « le développement des coopératives dépend aussi d’une ouverture culturelle. Ceux qui fondent des Scop sont souvent des cadres ou personnels diplômés informés. Notre mouvement est anecdotique avec 42.000 salariés (dans les 2.000 Sociétés coopératives de production de France dont 17 en Franche-Comté, NDLR). Son développement doit se faire par la reprise d’entreprises, et pas seulement d’entreprises en difficulté… Il faut des instruments financiers. Benoît Hamon (premier ministre en charge de l’économie sociale et solidaire, NDLR) va proposer une loi-cadre sur l’économie sociale et solidaire et notamment un dispositif inspiré du Québec qui permettra aux employés de détenir une majorité décisionnaire même s’ils n’ont pas de suite la majorité du capital. »

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