Persian-Titi indique ses épaules, ses genoux. Sur ses épaules, il porte une grande part des inquiétudes, de la précarité de la situation de sa famille, parents, frère, soeurs, enfants, neveu et nièce. A genoux, s'il lui arrive de s'y retrouver, il ne tarde pas à se relever. C'est d'abord parmi les siens qu'il trouve la force de faire face, avec opiniâtreté, le sourire indéfectible.
Le parcours de sa famille, rom ou tzigane de Roumanie, est semblable à celui de bien d'autres. Celui de parias dont on se détourne quand on ne leur attribue pas tous les travers. Il en fait part, sans pathos, avec le discernement de ceux pour qui l'indifférence au sort du prochain est un non-sens. Dans un français qu'il apprend et parle avec une sorte de gourmandise, il rappelle l'itinéraire de son père, Titi, présent à ses côtés et à qui il traduit les échanges. Originaire d'un bourg de Transylvanie, Turda connu pour ses mines de sel, il a travaillé aux tâches les plus difficiles dans le bâtiment, à la ferme, avant de quitter la Roumanie en 2007. Rejoint par sa femme et ses enfants en France, sa santé a décliné. Il a fait la manche dans la rue. La famille a vécu dans des monospaces dans un garage prêté par un immigré turc, puis dans une seule chambre, au Forum à Planoise, plus tard dans des appartements un peu plus spacieux. Titi a subi un infarctus, a tenté d'en finir à deux reprises. « Sans l'aide de l'assistante sociale, sans le CDDLE (Comité de défense des droits et libertés des étrangers), sans les médecins de la PASS (Permanence d'accès aux soins de santé de l'hôpital), je ne sais pas comment mon père aurait survécu, sans eux pas d'avenir ! »
Persian-Titi veut faire autre chose que la manche. Comme tous les siens il a travaillé comme ouvrier agricole. Un Rom du Kosovo l'a aidé dans des démarches à la chambre de commerce de Besançon. Il a vendu des vêtements sur le marché, de la petite brocante. Son activité est immatriculée depuis près de deux ans. Il est commerçant de détail, auto-entrepreneur, et collecte de la ferraille dans toute la région avec une camionnette. Le document officiel qu'il présente est un début de reconnaissance, un premier pas après toutes les marches déjà franchies. « Notre famille n'a plus d'attache ailleurs, plus en Roumanie. » Les soeurs de Persian-Titi, Ruxanda et Persida, veulent aussi travailler mais leur situation administrative reste un obstacle. Leurs enfants sont en difficulté à l'école. Titi dit son rêve d'une maison qu'il serait encore prêt à rénover de fond en comble. Son fils acquiesce. Inquiet pour la santé de son père, de son frère handicapé, il n'entend pas baisser les bras.