Un cinéaste capte l’écrasement de l’individu dans l’ère de la mondialisation…

Vent du Nord, de Walid Mattar, réunit les classes populaires tunisiennes et françaises dans un film où elles finissent par se ressembler. Même quête de la dignité. Mêmes rêves brisés.

amine

Nord de la France. L’usine dans laquelle travaille Hervé est délocalisée. Il s’y résigne car il poursuit son rêve de devenir pêcheur et transmettre sa passion à son fils. Banlieue de Tunis. L’usine est relocalisée. Foued, au chômage, pense y trouver le moyen de soigner sa mère et de séduire la femme qu’il aime.

Vent du Nord met en parallèle deux histoires liées par un contexte de délocalisation. D’un côté, Hervé se désolidarise de l’élan syndical contre la délocalisation de l’entreprise et accepte de la quitter contre une prime de 30.000 euros pour 32 ans de travail (« ça fait pas cher de l’année », avance-t-il timidement). De l’autre côté Foued, espère travailler dans la nouvelle entreprise, et, avec cet argent, améliorer ses conditions de vie.

Hervé, qui essaie de créer son entreprise de pêche, se trouve entravé dans son élan par les démarches administratives jusqu’au moment où un conseiller lâche : « Vous êtes trop âgé pour faire une formation. Au revoir monsieur ». Foued, qui gagne un salaire de misère, se sent abandonné par l’Etat.

Retrouver sa dignité

L’achat d’un bateau avec l’argent de la prime est pour Hervé le symbole d’un renouveau. Il va enfin pouvoir réaliser ses rêves et - on le voit à plusieurs reprises - redonner de l’éclat à l’amour qu’il porte à sa femme et son fils. Hervé ne croit plus aux luttes ouvrières. En revanche, contre vents et marées il conforte les liens familiaux jusqu’à créer un petit business familial loin des obligations imposées par la société.

L’accès au travail pour Foued est le moyen de sortir du marasme. Mais il existe trop d’embûches pour y parvenir (salaire de misère, promesse d’avancement non tenue...) Il touche le fond du désespoir et choisit de sortir clandestinement de Tunisie pour rejoindre la France, autre rêve imagé dans le film par un feu d’artifice.

L’écrasement de l’individu

De chaque côté la misère. La fin des rêves. Et ce que capte le cinéaste, c’est l’écrasement de l’individu dans l’ère de la mondialisation où il ne compte pas. Sa vie n’a pas d’importance dans la logique du profit. L’ouvrier ne pèse rien dans la balance monétaire. Pas de place non plus pour l’initiative personnelle. Chacun d’entre eux se bat pour un petit bonheur derrière laeuel peut naître une autre vie, légèrement colorée d’utopie (vivre de son travail et avoir une vie décente avec la personne aimée).

Pour son premier long-métrage, Walid Mattar pense le monde au-delà des frontières géographiques. Le film met en parallèle la Tunisie et la France, reliées par l’usine perdue pour l’un et devenue mirage pour l’autre. Il va de l’un à l’autre, mettant l’accent sur ce qui les unit et les différencie à l’instar de la situation de la femme en Tunisie. Il va même jusqu’à l’espace de quelques secondes croiser les deux destins.

Considérée comme comédie par la critique, Vent du Nord n’en est pas une, même si Corinne Masiero, Philippe Rebbot, Mohamed Amine Hamzaoui donnent leur talent généreux à cette fiction où le monde contemporain s’incarne dans l’amertume, l’absence de solidarité et l’abandon de la classe ouvrière. A l’image, les femmes et les hommes partagent les mêmes vols d’oiseau, le vent, le ciel et les poissons et la mer comme un trait d’union. Ils partagent surtout le besoin de retrouver leur dignité dans un système économique qui les broie.

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