Spielberg dans l’urgence face au mensonge du pouvoir

Inspiré de faits historiques - la guerre du Vietnam, Pentagon Papers, de Steven Spielberg, traite de la liberté de la presse tout en dressant un magnifique portrait de femme. Katherine Graham (Meryl Streep) défend le principe selon lequel la meilleure manière de défendre le droit de publier, c’est de publier...

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Après Lincoln, et, juste avant la sortie de son prochain film de science-fiction Ready Player One, Steven Spielberg a changé son plan de travail pour tourner en quelques mois Pentagon Papers, en écho à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et à ses tentatives d’empêcher les enquêtes indépendantes des grands médias.

Pentagone Papers s’inspire de l’histoire réelle des documents secrets défense sur la politique gouvernementale américaine au Vietnam depuis 1945, révélés par Daniel Ellsberg, d’abord diffusés par le New York Times, bloqués par la justice sur ordre de Nixon, repris par le Washington Post, et ensuite dans de nombreux titres de presse.

Dénoncer la manipulation et les mensonges

Le film s’ouvre sur des images de la guerre du Vietnam d’une extrême violence. Le cinéaste n’a pas besoin de montrer davantage cet immense bourbier, souvent évoqué dans le cinéma américain. Pas de temps à perdre. Il préfère aujourd’hui déployer toute son énergie en montrant pourquoi Dan Ellsberg a décidé de faire fuiter le rapport Mc Namara, et ce qu’il advint ensuite. C’est un film sur la dénonciation de la manipulation et des mensonges délibérés à propos du Vietnam qui aboutiront plus tard dans ce climat délétère à l’éviction du 37e Président de la République, suite à l’affaire du Watergate révélée aussi par la presse.

« Faisons notre métier » est la phrase prononcée par Ben Bradlee (Tom Hanks), rédacteur en chef du Washington Post, lançant son équipe à la recherche des Pentagon Papers, les milliers de pages d’une étude classée secret défense sur la politique gouvernementale américaine sous les présidences de Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson et Nixon. Spielberg filme la recherche de vérité comme un film d’action rythmé jusqu’au moment ou Katherine Graham entre dans le récit, et où le film, plus posé, devient le récit plus lent et subtil d’une prise de conscience.

Un portrait de femme

Katherine Graham (Meryl Streep), appelée Kay par ses amis, a hérité du Washington Post de son mari défunt. L’entreprise vient d’entrer en bourse. Une condamnation mènerait le journal directement à la faillite. C’est donc à elle que revient le choix de prendre le relais des investigations du New-York Times pour publier les documents avec tous les risques que cela comporte.

C’est une femme entourée d’hommes. On la voit dans de nombreuses réunions et dans la sphère intime lorsque ses collaborateurs la prient de ne pas publier le rapport. Elle a donc le choix entre sauver son entreprise ou s’engager pour sauver la liberté de la presse.

Pentagon Papers est aussi un film sur une prise de conscience, l’émancipation d’une femme, - autrefois mère au foyer, dépendante de son mari patron de presse, - qui devient une femme de décision et fait un choix politique déterminant en reprenant à son compte la formule : la meilleure manière de défendre le droit de publier, c’est de publier. En le faisant, elle se bat pour protéger la vérité au risque de perdre son entreprise.

Si de nombreux films américains reviennent régulièrement sur la guerre du Vietnam pour l’exorciser, Pentagon Papers se situe ailleurs, dans la dénonciation virulente du rôle des institutions et des pouvoirs présidentiels, et, la réaffirmation de l’indépendance et la liberté de la presse à une période où, aux Etats-Unis et dans le monde, elle est de plus en plus menacée.

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