« Sibel », l’émancipation d’une femme turque

Muette, elle arpente des journées entière la forêt pour prouver aux villageois que le loup existe... Un jour, elle rencontre un jeune déserteur qui se cache dans la montagne… (Au Victor-Hugo à Besançon)

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En Turquie, dans un petit village situé à quelques encablures de la Mer noire, tout le monde parle une langue sifflée inventée il y a très longtemps afin de permettre aux habitants de communiquer par-delà les montagnes. Chaque note représente une syllabe. C’est la langue de Sibel (la très belle Damla Sönmez) jeune femme muette qui vit dans le village avec sa sœur et son père.

Il était une fois une femme…

Dès les premiers plans, le visage de la jeune femme occupe toute l’image. Elle court dans le bois avec son fusil et dépose des entrailles d’animaux dans un trou creusé à côté d’une cabane, comme si elle cherchait à piéger un animal. D’emblée, le film ressemble à un conte. Une forêt épaisse Une jeune fille en alerte. Une course haletante. Un loup à tuer au fond des bois. Peut-être…

Elle intrigue, elle, la seule fille du village à ne pas porter le foulard. On apprend peu à peu qu’elle cherche à piéger le loup pour prouver aux villageois qu’il existe.

Elle s’arrête parfois dans sa course éperdue pour rejoindre les femmes aux fichus multicolores occupées à la cueillette dans les champs. A la maison, comme le veut la tradition, Sibel, fille ainée, s’occupe de son père veuf dans les différents travaux domestiques. Sa sœur, promise à un jeune homme, doit se marier prochainement.

Mise au ban par la communauté rurale, elle reste des journées entières dans les bois. Un jour, ce n’est pas le loup qu’elle rencontre, mais un jeune déserteur qui se cache dans la montagne. Dans la forêt touffue et sombre, ils s’apprivoisent. Elle le soigne et il la révèle à elle-même.

La quête de liberté

Sibel s’oppose au mariage forcé de sa sœur au prétexte que cela l’empêcherait de poursuivre ses études. Même si sa rencontre avec le fugitif la met en péril, et si elle est considérée comme paria dans le village, elle ose s’affronter à son père et traverse le village la tête haute. Dans cette société imprégnée de valeurs ancestrales sur la place de la femme, les croyances vivaces finissent par faire d’elle une sorcière. Rejetée par les femmes auxquelles elle ne ressemble pas, et par les hommes, par sa façon d’être, elle devient une femme désirante, indépendante, vivante. Ainsi le rocher de la Mariée, lieu de traditions ancestrales, finira en fumée.

Sans que la musique ne vienne appuyer les images, Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, les deux réalisateurs français et turc racontent dans un climat proche du fantastique, l’émancipation d’une femme qui - au-delà de son handicap - désapprouve la société patriarcale et l’asservissement des femmes à leur mari et à leur travail. Ils dessinent le portrait d’une femme libre aux yeux grands ouverts, d’une militante féministe qui lutte contre l’obscurantisme. Comme si son mutisme venait se substituer à la parole du village pour, au-delà de son handicap, devenir une force, celle de siffler - au-dessus des réactions viles - l’idée de la tolérance et de la liberté.

 

 

 

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