Alors que les collectivités territoriales ont jusqu'au 6 mai pour prendre une délibération donnant leur avis - consultatif - sur le Projet régional de santé de l'ARS (PRS, cinq documents, 922 pages), une première réunion d'une vingtaine de comités locaux de défense de services publics hospitaliers menacés en Bourgogne-Franche-Comté s'est tenue mercredi 21 mars à Arc-les-Gray.
Ils sont venus du Haut-Jura et de la Nièvre, de Montceau-les-Mines et de l'Yonne, de Lure et de Besançon... Il s'agit de tenter de construire un rapport de forces global à opposer aux « attaques frontales » que les mobilisations locales peinent à contenir malgré leur succès.
Il devrait y avoir ainsi encore beaucoup de monde, ce samedi 24 mars, à Saint-Claude pour manifester une nouvelle fois contre la fermeture de la maternité et des urgences. Tout comme la fermeture annoncée des urgences de Gray a déjà fait descendre deux fois des milliers de personnes dans la rue ces dernières semaines. Mais la réunion d'Arc-les-Gray ambitionne l'organisation d'autres actions : une manifestation régionale devant l'ARS, et solliciter les collectivités pour qu'elles rendent un avis défavorable au PRS.
Dans la grande région, dix services d'urgence sont déjà fermés (Champagnole, Lure, Luxeuil, Montbard...) ou menacés de l'être (Gray, Saint-Claude, Clamecy, Avallon, Décize, Tonnerre...) pendant que d'autres sont saturés (Besançon, Belfort-Montbéliard). Les réductions de moyens ont concerné ou concernent des laboratoires, des maternités, des services de chirurgie (Dole, Tonnerre, Champagnole...), de pédiatrie (Le Creusot), de coranographie (Chalon)... Des maternités sont dans la tourmente, des hôpitaux déstabilisés (Lons-le-Saunier)... La psychiatrie est sinistrée.
Démographie médicale en berne
Partout, des postes sont vacants. La situation est grave car la région, hormis Besançon et Dijon, est déjà largement sous dotée, sous équipée. Et point n'est besoin d'écouter les militants vent debout contre les projets de l'ARS. Il suffit de lire son diagnostic, l'un des cinq documents du PRS, pour se persuader que les besoins sont importants. La Haute-Saône et le Territoire de Belfort présentent une surmortalité par rapport au pays, notamment par cancers et maladies cardio-vasculaires, tabagisme, diabète...
Le cadre d'orientation stratégique, autre document du PRS, relève une densité médicale inférieure aux autres régions : 96 généralistes pour 100.000 habitants, soit 8,2 de moins que la moyenne nationale. C'est pire pour les spécialistes (150 pour 100.000 habitants, contre 185 en France) pour lesquels les disparités internes à la région sont importantes : ils sont 87,6 en Haute-Saône, 98,5 dans le Jura... C'est la même chose pour les infirmières : 142 en Bourgogne-Franche-Comté, soit 31,5 de moins qu'au niveau national...
Pour l'heure, les secteurs de Saint-Claude et Gray offrent des temps d'accès aux urgences correspondant à l'objectif de personne à plus d'une demi-heure. Qu'en sera-t-il si ces services sont remplacés par des « soins non programmés », appellation que l'ARS tente de faire passer pour des urgences alors qu'il s'agit de fermer les urgences de nuit. Aujourd'hui, en Bourgogne-Franche-Comté, 67% des territoires ont un hôpital à moins d'une demi-heure de trajet, 5% à plus de trois quarts d'heure... Ne va-t-on pas aggraver une prise en charge par des professionnels de santé déjà inférieure à la moyenne du pays ?
« Gripper la machine » en boycottant les conseils de surveillance
Michel Antony anime le comité de Lure-Luxeuil. Très impliqué dans la coordination nationale, il est à l'origine de la réunion d'Arc-les-Gray avec Claudie Chauvelot-Duban, élue régionale et départementale (PS). « Nous allons monter une manifestation générale pour la Bourgogne-Franche-Comté devant l'ARS, mais il faut aussi des interventions de l'ensemble des instances politiques pour s'opposer au Plan régional de santé », explique Michel Antony.
Il suggère de « suivre l'exemple de Gray » où Mme Chauvelot-Duban refuse de convoquer le conseil de surveillance de l'hôpital qu'elle préside : « l'instance n'a qu'un pouvoir consultatif, mais il faut gripper la machine, donner du poids médiatique à la mobilisation... » L'élue confirme : « On nous dit sans cesse que la gestion du personnel ou des lits ne nous regarde pas, mais on a des pressions de l'ARS, de la préfecture pour qu'on tienne ce conseil de surveillance. Ils essayent de nous faire porter la responsabilité de la fermeture des lits... » Venu de Saint-Claude, l'ancien maire Francis Lahaut (PCF) approuve : il n'est pas besoin de réunir le conseil de surveillance pour savoir ce qui se passe : « A Saint-Claude, l'hôpital est sous administration provisoire et nous avons les informations ! »
Les animateurs des comités ont aussi réfléchi à une piste d'action suggérée par Christophe Prudhomme, porte-parole de l'association des médecins urgentistes de France : des poursuites pour entorse au principe d'égalité des citoyens devant les soins, voire une action pénale en cas de mise en danger de la vie d'autrui ou mortalité. Un Haut-Jurassien a d'ailleurs fait un calcul théorique : « il pourrait y avoir 60 décès supplémentaires par an avec la fermeture des urgences de Saint-Claude... »