Ségrégations

50 ans après le triste anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King, les Oscars décernent pour la première fois le Prix du Meilleur film à une réalisation afro-américaine, Green Book : sur les routes du Sud, de Peter Farrelly. A l’affiche récemment Si Beale Street pouvait parler, de Barry Jenkis, revenait sur les mécanismes ségrégationnistes aux Etats-Unis.

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Nous sommes dans les années 60. Green Book : sur les routes du Sud est l’histoire vraie d’un pianiste de jazz afro-américain, Don Shirley (Viggo Mortensen), parti en tournée dans le Sud ségrégationniste américain avec son chauffeur blanc, italo américain, Tony Lip (Mahershala Ali). Le film tire son nom du célèbre guide de voyage édité pour les « gens de couleur » leur attribuant les hôtels et lieux où ils sont acceptés lors de leurs déplacements dans le Sud.

L’artiste et son chauffeur

L'œuvre, qui joue constamment sur l’improbable rencontre entre les deux personnages, Tony, videur de boite de nuit, adepte des concours du plus mangeur de Burgers, xénophobe de surcroit, et, son patron élégant et délicat, donne à voir de façon subtile les possibilités de réconciliation entre les deux hommes. Mine de rien le film milite pour le rapprochement des communautés.

A ce titre deux séquences interpellent particulièrement le spectateur ; lorsque la voiture s’arrête en pleine campagne et que les cueilleurs de coton observent avec étonnement le pianiste noir et son chauffeur blanc ; le temps est suspendu entre des visions d’esclavage et d’affranchissement. Et plus loin encore la très belle séquence où le pianiste noir interprète un concerto pour les blancs.

Le film, qui ne pourrait offrir que l’inversion de Miss Daisy et son chauffeur, avance sur un autre terrain, celui de l’art susceptible de rassembler les hommes, ici, au-delà des mécanismes d’exclusion des minorités noires.

I have dream

Si Beale Street pouvait parler, rare adaptation de l’un des romans de James Baldwin, grand écrivain américain du peuple noir, reprend le titre du roman éponyme publié en 1974. C’est l’histoire de Tish (Kiki Layne) une jeune femme de Harlem amoureuse de Fonny (Stephan James) un jeune homme qu’elle connaît depuis l’enfance ; en prison elle lui annonce qu’elle est enceinte. On découvre alors progressivement que Fonny est incarcéré pour le viol présumé d’une femme blanche.

Le film chemine avec de très habiles flashbacks mettant à jour les mécanismes racistes et malhonnêtes mis en œuvre par les policiers, et, malgré cela, compose à travers un jeu sensuel de regards entre les deux personnages, une ode à la dignité et la liberté incarnée par la phrase « Je ne souhaite à personne d’être obligé de regarder un être aimé à travers une vitre ». L’amour contrepoint de la haine raciale, permet au jeune couple de surmonter les traumatismes, et à la fin du film, lorsque la caméra s’arrête sur l’enfant, il apparaît comme la figure d’un changement possible. Snobé par les Oscars Si Beale Street pouvait parler a triomphé aux Independent Spirit Award (Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur second rôle féminin).

Le I have dream disait Martin Luther King. Puisse ce rêve ne pas habiter seulement le cinéma, mais les rapports entre les hommes.

 

 

 

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