Quand le désamour exacerbe les problèmes d’argent

Dans L’Économie du couple, Joachim Lafosse s’attache à filmer les dérapages de la vie. Ici un couple en pleine séparation se partage les biens : Marie propose un tiers de l’argent de la maison à Boris qui en veut la moitié...

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Un couple a un budget. Quand il se sépare, cela peut se transformer en guerre des sexes. Comme si l’amour ressemblait à une feuille de compte avec d’un côté la valeur des sentiments et de l’autre celle de l’argent.

Marie, très nerveuse rentre du travail. Elle s’affaire pour s’occuper de ses filles et préparer le repas. Boris arrive : « ce n’est pas ton jour » lâche-t-elle avec arrogance.

Joachim Lafosse, — à qui l’on doit A perdre la raison, film sur un infanticide, et Nue propriété, sur une impasse familiale avec une maison à vendre où le père est exclu, — s’attache à filmer les dérapages de la vie. Ici un couple en pleine séparation se partage les biens : Marie propose un tiers de l’argent de la maison à Boris qui en veut la moitié.

En attendant de trouver une solution, ils restent ensemble, elle dans la maison et lui en hors-champ dans une petite chambre que le spectateur ne verra pas. On le comprend vite, le lieu central de la discorde du couple est la maison où Maire vit avec leurs deux filles.

Dans leurs accords transitoires, Boris ne peut venir à la maison qu’à partir de 23h. Déjà le frigo est divisé en deux. Et s’il a le malheur de manger du fromage dans la partie qui n’est pas la sienne, il se fait reprocher de manger la bouffe de ses enfants.

Lors d’un repas avec des amis communs, — qui n’est pas sans évoquer l’ombre de Pialat, — Boris débarque après une cinglante tirade de Marie : « Je ne veux peux plus le regarder. Je ne sais plus le regarder. Je ne l’ai jamais regardé de ma vie ». Peu à peu le film distille le malaise.

Un couple a un budget et établit des codes pour le gérer. L’amour n’a pas de valeur marchande. Le désamour qui en est le désastre, le met dans une économie où il devient valeur marchande au même titre que les biens de consommations ordinaires ; ce que revendique Boris, c’est la valeur de son travail alors que Marie, évoque l’argent (le capital) qu’elle a mis dans l’achat de la maison. Et Boris argumente « j’ai mis dans cet appartement quelque chose que tu n’aurais pas pu y mettre. De l’amour. »

C’est la lutte entre la notion de travail et le capital financier investi. Le film ne donne raison ni à l’un, ni à l’autre des protagonistes ; Joachim Lafosse filme juste ce qui se passe entre un homme et une femme au moment de la séparation et du partage des biens.

Les deux filles subissent leurs affrontements.

Extrait d’un dialogue entre le père et une des deux filles.
— C’est vrai que tu es moins riche que maman ?
— Qui t’a dit ça maman ?
— Non, c’est pour savoir
— Tout dépend ce que tu appelles riche. C’est quoi être riche pour toi ?
— Avoir beaucoup d’argent…
— Ah, ce n’est pas avoir plein de sentiments, plein d’amis, plein d’idées, avoir lu plein de livres ?
— Non !
— C’est juste l’argent ?
— Oui !
— Ben, c’est triste…
— Mais si vous vous séparez, tu feras comment si tu n’as pas d’argent ?

Seulement une séquence, la plus émouvante et poignante du film, nous donne à voir un instant de vie où Boris et Marie sont encore complices et ce qui les lie encore avec leurs enfants.

Dialogues cinglants, acteurs excellents (Berenice Bejo et Cedric Kahn), Joachim Lafosse signe une œuvre originale où le désamour exacerbe les problèmes d’argent.

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