Le cinéma s’est toujours intéressé au journalisme en déclinant comment reporters et photographes se confrontent au monde et quelles visions ils en donnent. Les films présentés au Festival déclinent comment les journalistes utilisent le sensationnalisme, ou prennent des risques au cours de leurs investigations. Il est aussi question des lanceurs d’alerte qui travaillent dans l’ombre pour mettre à jour des affaires. Questionner la posture du journaliste éclaire depuis l’origine du cinéma un métier au cœur des questions éthiques à l’instar de la manipulation, de la désinformation, etc.
Dès ses débuts, au temps du muet, le cinéma s’est tourné vers ce questionnement. Usant de gags multiples et de sa grande maladresse dans Le Caméraman en 1928, Buster Keaton et Edward Sedgwik, posent déjà la question du point de vue. Qu’est-ce qu’on choisit de montrer ?
En 1940, dans un programme de 4 courts-métrages signé Dave Fleischer, Clark un jeune homme cache ses superpouvoirs sous les traits d’un journaliste au Dayly Planet aux côtés de Loïs Lane. Clarke enquête sur les criminels menaçant la sécurité de la terre qu’il neutralise sous les traits de Superman.
En 1950, Billy Wilder réalise Le Gouffre aux chimères, film inspiré d’événements tragiques rencontrés par le cinéaste en 1925 à Vienne et à Berlin lorsqu’il était journaliste. Charles Tatum journaliste grillé par ses pairs trouve un poste dans un journal du Nouveau Mexique. Alors qu’il rêve d’un grand sujet, un fait divers se présente à lui : suite à un éboulement, un homme reste emmuré dans une grotte. Tatum se rend dans la grotte, prend contact avec l’homme et écrit des articles lui permettant de manipuler les foules. Devant la grotte, voitures et caravanes arrivent et l’espace se transforme en un immense cirque avec des attractions et des manèges. Lorsqu’il apprend que l’homme de la grotte est mort, Tatum prend la parole et dit « Le cirque est fini, vous pouvez partir ». Ce film d’une grande modernité pousse à l’extrême la fonction du fait divers dont les manchettes font sensation et font exploser le tirage des journaux.
En 1971 dans un giallo (film principalement italien à la frontière du policier du film d’horreur et de l’érotisme) intitulé Le Chat à neuf queues Dario Argento met en scène une histoire macabre autour de la recherche génétique sur les prédispositions chromosomiques à la violence. Dans ce film, un journaliste et un ex-journaliste devenu aveugle mènent l’enquête sur des crimes et remettent la famille au centre des prédispositions criminelles.
En 1972, Viol en première page, film de Marco Bellochio (rarement programmé), dénonce la collusion entre le capitalisme et la presse d’information d’un journal à grand tirage. Il s’agit pour le cinéaste de montrer comment la presse profite d’un crime sexuel pour discréditer les courants gauchistes dans le but de favoriser un état autoritaire.
En 1975, c’est au tour du cinéaste italien Michelangelo Antonioni de mettre en scène dans Profession reporter un journaliste désabusé dans un hôtel perdu à la frontière désert. Il découvre le cadavre d’un voisin de chambre et emprunte son identité pour quitter le journalisme, mais il découvre que celui-ci est vendeur d’armes.
En 1976, le film Les hommes du Président d’Alan J. Pakula montre à quel point un travail d’investigation journalistique périlleux peut influer le destin d’un homme politique. Le 17 juin 1972, cinq hommes munis de matériel sophistiqué sont surpris par la police locale dans l’immeuble du Watergate, quartier général du parti démocrate à Washington. Bob Woodward journaliste au Washington Post et son collègue Carl Bernstein se penchent sur cette affaire qui semble cacher autre chose qu’un problème de plomberie. Ils apprennent qu’un des hommes arrêtés est en fait un ancien agent de la CIA et que le conseiller personnel de Nixon est impliqué dans cette mystérieuse opération. Les deux journalistes décident de mener à son terme leur enquête, malgré les pressions diverses qu’ils subissent. Grâce à l’enquête menée avec brio, Nixon démissionne le 9 août 1974.
Autour des années 80, apparaissent plusieurs films qui traitent de la mise en péril des journalistes et de comment en se rassemblant, il est possible de dénoncer l’horreur. Ces films s’appuient sur l’efficacité du cinéma de Costa Gavras. Le premier Under fire de Roger Spootiswoode est basé sur des faits réels qui ont changé le cours de l’histoire au Nicaragua. À Managua la capitale, les révolutionnaires sandinistes s’opposent aux troupes du dictateur Sonoza. Au péril de leur vie, des journalistes couvrent ces événements. Dans le second, La Déchirure, Roland Joffé documente l’entraide entre journalistes internationaux avant d’alerter sur les horreurs de la dictature de Pol Pot.
En 1994, Veillées d’armes de Marcel Ophüls traite en profondeur du journalisme de guerre. « La première victime en temps de guerre, c’est la vérité ». Cette phrase en exergue du livre The First Casualty de Philip Knightley a donné envie à Marcel Ophüls de faire un film sur les reporters. Ce film-fleuve tourné en Bosnie interroge le spectateur sur la déontologie de l’information, la désinformation et la manipulation.
En 2018, Pentagon Papers de Steven Spielberg, revient sur les mensonges de l’armée américaine à propos du Vietnam. Daniel Ellsberg divulgue au New York Times des renseignements cachés sur l’enlisement de la guerre du Vietnam. Le Washington Post va récupérer le scoop et publier les Pentagon Papers.
Enfin récemment en 2019, Woad al Khateab prend la caméra pour filmer la guerre à Alep. Woad et son mari médecin sont partagés entre partir pour protéger leur fille ou résister pour la liberté de leur pays. « Dès le début, j’ai voulu témoigner et montrer l’humanité qui subsistait autour de nous ». Son objectif n’était pas de filmer la guerre et la destruction qui ne cessaient de faire la une des médias, mais comment elle et ses amis vivaient au cœur du conflit. Ce très beau film Pour Sama est dédié à sa fille. Ce film marque un tournant dans le cinéma car il est entièrement réalisé avec une caméra vidéo.