Prévenir et faire face aux violences conjugales

Solidarité Femmes, depuis 1980 à Besançon, interroge les causes de ces violences, intervient préventivement et permet à celles qui n'ont plus d'autres ressources que de partir, d'être accueillies, hébergées et entendues d'abord. L'association organise aujourd'hui l'évènement festif « un milliard d'humains se lèvent ».

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« On travaille la question du vivre ensemble, sans vouloir qu'une domination ne fasse place à une autre, il faut interroger et ouvrir les possibles ». Stéphanie Genetay préside dans cet esprit Solidarité Femmes depuis le mois de juin dernier. L'association gère depuis 1982 un Centre d'hébergement et de réhabilitation sociale (CHRS). Trente places, des appartements dans l'ensemble de la ville, y sont réservées à des femmes seules ou avec leurs enfants. 

« L'idée de débuter « un milliards d'humains se lèvent »avec les hommes est une idée locale. Des hommes accompagnent régulièrement nos actions dans l'espace public. OBR a lieu pour la première fois , c'est un moment festif pour revendiquer une société sans toutes les violences faites aux femmes. Eve Ensler en est à l'initiative. »

Ecoute et « non neutralité »

« Ça n'est pas facile la première fois, les femmes ont souvent besoin d'abord de poser leurs sacs. Il faut parfois beaucoup de temps, des allers-retours pendant plusieurs mois. C'est difficile de porter plainte au bout du compte. L'entourage peut ne pas comprendre, se dire que la femme qui est retournée au foyer l'a bien cherché. Mais on entend moins ce discours. Il arrive d'entendre d'autres femmes dire : « moi si cela m'arrivait seulement une fois je partirais de suite ». On oublie souvent qu'il y a de l'amour. Il y peut y avoir aussi des enfants. »

Si l'association veille à comprendre les situations vécues, elle défend explicitement une position de « non neutralité ». Quand les femmes arrivent au CHRS, orientées par les travailleurs sociaux de la ville et du département, Solidarité Femmes leur fait entendre sa perception des violences faites aux femmes. « On leur dit : « d'accord vous avez vécu cela individuellement, au sein du couple mais c'est un problème social global, en France et dans le monde. Il faut voir la façon dont on éduque encore les garçons et les filles, de façon différenciée, la domination, qui existe encore, des hommes sur les femmes, bien que nous soyons bien conscientes que les choses évoluent. Nous ne disons pas que tous les hommes sont violents ou dominants, mais la société, toutes les sociétés dans le monde sont porteuses de cette domination. En France, des lois prônent l'égalité mais dans les faits, il y encore bien des choses à faire. »

Les femmes victimes de violence se trouvent dans un cercle vicieux, en proie à la culpabilité. Il existe un engrenage de la violence qui commence insidieusement, mais dans lequel la victime de violences ne saurait être confondue avec l'auteur. On banalise parfois ces situations, en parlant de crise dans le couple, mais pour Stéphanie Genetay, « il faut bien comprendre comment une dévalorisation se met souvent en place qui va être suivie de passages à l'acte. »

Quelles sont alors les possibilités de reprendre sa vie en main ?  « Suivant les personnes, l'accompagnement peut être court. Nous favorisons des dynamiques collectives. Par exemple des actions de type bricolage, de la menuiserie notamment avec une professionnelle qui est bénévole dans l'association. Un atelier bricolage a lieu le samedi. C'est une façon de dire "on prend sa vie en main" au travers une activité que l'on conçoit traditionnellement comme réservée aux hommes. Il y des ateliers cuisine aussi. Les femmes se retrouvent pour échanger sur toutes sortes de choses. Le collectif est essentiel. Le travail social classique doit se poursuivre aussi pour retrouver des droits. » L'hébergement peut durer quelques mois ou plus. Les femmes hébergées viennent de milieux défavorisés mais les violences existent dans tous les milieux. Le stéréotype des femmes battues, pauvres et immigrées, est battu en brêche.

Y-a-t'il des évolutions ? « Avec une meilleure information ces dernières années, on s'aperçoit que les femmes arrivent plus jeunes. Auparavant on voyait surtout des femmes de 40-50 ans, ce sont souvent maintenant des jeunes femmes enceintes ou avec de jeunes bébés qui réagissent peut être plus vite grâce à la communication faite. On constate aussi, comme toutes les associations, des situations sociales de plus en plus difficiles. On ne doit pas seulement travailler sur les violences conjugales mais aussi sur les « violences socio-économiques», ce dont se chargent les travailleurs sociaux. Des problèmes de drogue s'ajoutent aussi de plus en plus, c'est ce que les travailleurs sociaux disent. »

La prévention, l'autre volet de l'action de Solidarité Femmes 

« C'est nécessaire de travailler quand les violences se sont déroulées mais il faut tout faire pour prévenir. Notamment avec les enfants qui ont pu subir, si ce n'est les violences alors le climat et la perception de la violence. » Stéphanie Genetay intervient auprès d'adolescents et de jeunes adultes. Elle aborde la prévention de comportements non sexistes plutôt que directement les violences. « On ne travaille bien sûr pas sur la situation du couple mais sur les relations entre garçons et filles. On travaille sur "comment vivre ensemble". J'interviens en ce sens dans les collèges, les lycées, les maisons de quartier, au moyen du théâtre et à partir de leurs expériences, de ce qu'ils nous racontent : jalousie, contrôle du frère sur la soeur, des garçons sur les filles, mais dans l'autre sens aussi, peut-on aller voir sur le portable de l'autre, que montre-t-on, que diffuse-t-on sur internet, les réseaux ? Ces questions de communication par internet reviennent fréquemment. »

Deux cents personnes sont accompagnées au CHRS chaque année par dix salariés. 1.300 appels sont reçus. Certaines femmes sont réorientées ou ont besoin d'être entendues, de discuter. La nécessité parfois d'un éloignement fait que les femmes hébergées peuvent venir d'autres régions et que des femmes de la région peuvent être hébergées ailleurs. Des permanences Solidarité Femmes existent également à Beaume-les-Dames et Valdahon, bientôt à Pontarlier.

Les financements des actions de prévention viennent de la ville de Besançon et de l'Etat-préfecture au moyen d'un Fonds interministériel de prévention de la délinquance et du Contrat urbain de cohésion sociale, sur des projets. Ceux de l'hébergement proviennent de l'Etat par la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS, ex DDASS). Le Conseil général finance l'hébergement des femmes avec des enfants de moins de trois ans. Il y a encore des financements par la Caisse d'allocations familiales. Cette mission d'hébergement est de service public.

 

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