Près de 30.000 personnes à la marche citoyenne de Besançon

La marche en hommage aux victimes des attentats à Paris et contre Charlie Hebdo a réuni une foule exceptionnelle dans tout le centre-ville. Enthousiasme pour un rassemblement sans précédent et interrogation sur les conséquences générales des attentats ont marqué les esprits.

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La foule, d'une ampleur inédite depuis la marche des Lip en 1973, en impose dès avant 14 h. Elle est très largement souriante, forte de se compter et du réconfort que cela lui procure. Peu d'affichage partisan, quelques drapeaux tricolores et d'innombrables "Je suis Charlie" en tee-shirt, autocollants, sur des panneaux. Des Bisontins et des voisins de toute la région. Beaucoup battent le pavé pour la première fois.

Elsa a 14 ans, déjà lycéenne à Pasteur, souriante également mais marquée par les exécutions des personnels de Charlie Hebdo. "Mon père était un ami de Cabu et de Charb, il m'est arrivé de les rencontrer. Je n'ai pas compris les raisons de leur mort, on ne peut pas trouver la mort à cause de dessins, de caricatures, à cause de la liberté d'expression." Elsa est venue place de la Révolution avec une vingtaine de ses camarades de classes. Dès jeudi, les uns et les autres se sont mobilisés et ont appelé à manifester devant la statue de Victor Hugo face à la mairie. Les réseaux sociaux internet ont permis une convergence rapide. Elie a 15 ans et fréquente le même lycée. Il était plutôt lecteur du Canard enchaîné, appréciait le beauf de Cabu. Comme Naïs, ses parents l'ont initié à la presse, à son nécessaire pluralisme et son indispensable liberté de ton. Des débats ont eu lieu en classe. Nino regrette que "certains profs aient évité le sujet, peut être à cause de l'émotion". En tous cas les jeunes, lycéens et étudiants, sont venus nombreux. 

Au pied de la fontaine sur la place, Karim est tout de gravité. Président de l'association des commerçants non sédentaires de Besançon, militant socialiste et anti-raciste, il est sidéré : "la France est, a été pour moi, un grand pays d'accueil, je m'insurge contre la barbarie. Ces assassins sont aussi des ignorants de l'Islam. D'accord ou pas avec des dessins, des textes, rien ne justifie que l'on donne la mort ainsi." Il voudrait encore vanter la tolérance et le respect, il termine sentencieux : "Egalité - Fraternité - Liberté, vive la République !"

Jean-François acquiesce. Il est responsable du Collectif Textile Franche-Comté où sont employées des personnes de culture ou de confession musulmane. "Nous avons organisé jeudi un temps d'échange, de prise de parole libre. Si certains contestent la justification du blasphème, personne ne défend l'acte de terrorisme. Il est impératif de favoriser le dialogue !"

Fatah, 55 ans, éprouve du dégoût, "comme tout le monde" insiste-t'il, "peu importent les origines, les religions, il est urgent de faire quelque chose ! Il ne faut pas laisser les extrémistes l'emporter". Comme d'autres il trouve que "nous ne sommes plus en sécurité". Maurice, 61 ans, "de la génération de Charlie", lecteur régulier, se félicite de la "réaction citoyenne et du rassemblement", mais craint que ce dernier ne dure pas : "en tous cas il faut être là aujourd'hui, avec les gens sans confession, ceux de toutes confessions". Passe un porteur de la pancarte "Fraternité - Pas d'amalgame". Une provocation furtive se fait entendre : "on aurait dû faire la manif à Planoise !" Les propos hostiles aux musulmans, stigmatisants et vengeurs, les insinuations même resteront rares. C'est une des forces de cette marche que l'audace à les proférer n'ait pas été de mise. Mais par la suite…

Abdelkadder, 30 ans, exprime son chagrin pour les victimes à Paris : "le respect de la vie est la base de tout. Les jeunes des quartiers populaires qui sont tentés par l'extrémisme doivent se rendre compte aussi que les victimes du terrorisme auraient pu être des proches. Il ne faut pas faire d'amalgame entre ces extrémistes et les musulmans en général."

Place du 8 septembre, représentants des médias locaux et de la police nationale font un rapide discours en présence des élus. Une minute de silence le ponctue. Une grande partie de la foule est encore immobilisée place de la Révolution. Le cortège poursuit jusqu'à l'esplanade des Droits de l'Homme. A 16 h la marche n'est pas terminée. Une sourde inquiétude persiste. Elle est conjurée par les uns, soulignée par les autres. L'élan de fraternité dans les rues du centre-ville de Besançon est à prolonger, entretenir et cultiver ailleurs et durablement.

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