Portraits de femmes : L’Etreinte et Slalom

La programmation actuelle des salles de cinéma ouvre des fenêtres sur deux premiers films français « L’Étreinte » de Ludovic Bergery et « Slalom » de Charlène Favier, qui parlent de sujets très peu traités au cinéma, le veuvage d’une femme à la cinquantaine, et le harcèlement sexuel dans les milieux sportifs de haut niveau.

Emmanuel Béart part en quête d’amour, au risque de s’y perdre... © Moby Dick Films

L’Etreinte

L’Etreinte dresse le portrait de Margaux (Emmanuelle Béart), une veuve d’une cinquantaine d’années qui quitte le Sud pour reprendre des études en périphérie de Paris. Seule et désorientée, elle se rapproche de jeunes gens inscrits au cours de littérature allemande auquel elle participe : dans cette bande, il y a Aurélien (Vincent Dedienne), jeune homosexuel qui devient son confident. Par ennui, elle côtoie cette joyeuse bande sans pour autant se trouver à l’aise comme en témoigne une joyeuse séquence dans une piscine qui la renvoie à sa solitude. Elle s’inscrit sur des sites de rencontres et tombe sur un saxophoniste macho. Dans un restaurant, elle croise des russes et s’échappe de justesse de cette soirée qui allait basculer vers l’enfer. Le réalisateur choisit d’évoquer des situations plus ou moins heureuses, plutôt moins que plus, qui sont à chaque fois l’occasion pour elle de se briser encore plus, ou qui sait, progressivement de se reconstruire.  

Ce trajet ne serait rien s’il n’était pas porté par Emmanuelle Béart qui prête au film son physique de cinquantenaire et se donne toute entière à cette fiction oscillant entre désir de rencontre, fragilité et déception. À la fin, le film s’ouvre sur une possible rencontre et Ludovic Bergery se garde bien d’aller au-delà de la limite qu’il semble s’être imposé : montrer le désarroi d’une femme en quête de retrouver le désir d’aimer. Et si son film privilégie l’évocation de sa quête sexuelle, c’est sans doute pour traiter de l’épuisement, de la perte de repères, de la mélancolie, de l’extrême fragilité de cette femme, et au-delà de cette transition, s’approcher de la question de l’amour après la perte d’un être cher. 

Slalom

Liz (Noée Abita), une jeune adolescente vient d’intégrer la section de ski-étude du lycée de Bourg-Saint-Maurice. Au départ, elle n’a rien d’une gagneuse. Elle se bat et finit par devenir celle qui grimpera sur les différents podiums et valorisera Fred (Jéremy Renier) son entraîneur. Gonflé d’orgueil celui-ci finit par abuser d’elle.

Le film explore les mécanismes de la manipulation et jette cette jeune fille dans une arène infernale. Il avance comme un courant violent et insidieux, un fleuve que rien ne saurait arrêter. D’abord Fred la palpe pour savoir si elle a physiquement les atouts d’une championne : « Il va falloir que tu t’affûtes ». Il veut tout savoir d’elle, la date de ses règles et ce qui régit son corps jusqu’à l’instant où elle tombe sous son emprise.

La réalisatrice travaille la matière de son film de manière presque organique. Liz devient un corps susceptible de gagner des médailles et de servir son coach à des fins personnelles. C’est aussi un film sur la sidération évoquée par un jeu de regards entre l’actrice et son coach, ce qui permet au spectateur de prendre toute la mesure de sa douleur intime. Comment dans un tel engrenage, une jeune fille seule peut-elle s’en sortir ? Par quel biais peut-elle renoncer à sa réussite ? Seule face à son entraîneur, elle n’est ni soutenue par son père grand absent, ni par sa mère qui vient de partir à Marseille. Livrée à elle-même, elle ne trouve aucune écoute au moment voulu.

«C’est un peu moi », a déclaré Charlène Favier lors d’entretiens avec la presse. Ce film audacieux évoque Les Chatouilles dans lequel Andréa Bescond évoquait le viol d’une petite fille par un ami de la famille, sa propre histoire. Les deux réalisatrices prennent à bras le corps leurs trajets personnels et en font des œuvres nécessaires.

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