Opération « Poubelles la vie » à Besançon

Le collectif Solidarité Migrants Réfugiés a apporté devant la mairie les déchets d'un campement de 40 migrants que la collectivité refusait de collecter. Il réclame aussi la prise en charge par la ville d'un accueil de jour qu'il a créé dans un local appartenant à un organisme de logement social.

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Besançon ville de contrastes ! Ce n'est pas Rio de Janeiro où les favelas voisinent avec les résidences huppées, mais on s'en rapproche... avec discrétion. En face du Président, l'emblématique immeuble cossu à la façade de marbre du quartier de l'Helvétie, les restes d'un campement ayant compté jusqu'à une douzaine de tentes sont insoupçonnables aux passants remontant la rue Isenbart.

Entre deux parkings, après qu'on a franchi un tunnel de verdure de quelques pas dont l'entrée est matérialisée par des sacs de déchets et d'objets encombrants, on tombe sur un espace mi bétonné mi terreux d'une centaine de mètres carrés, bordé du ruisseau se jetant dans le Doubs près de la tour de la Pelote. Il restait ce mercredi une petite tente bleue et un double-toit plus vaste qui servait de cuisine aux occupants qui auraient été jusqu'à plus de quarante. De l'autre côté d'une sorte de clôture, une seconde tente à proximité de laquelle se sont amoncelés des bouteilles en plastiques et des vestiges textiles. Au bord du cours d'eau, une cabane a dû faire office de toilettes... Sur le trottoir, des tas de matelas, d'objets dépareillés, des sacs de détritus...

Chassés de Chamars et de Cusenier...

Selon une militante du collectif Solidarité Migrants Réfugiés (Solmiré), les occupants de ce campement humide l'ont quitté pour la galerie couverte de la place d'Arène. La plupart originaires des Balkans, ils étaient arrivés à Isenbart en août après avoir été chassés de Chamars puis de Cusenier... Le collectif les connaît bien. Il les suit, les accompagne, leur avait fourni la logistique nécessaire à la survie : gazinière, bobonnes d'eau, couvertures...

Mercredi 15 novembre à midi, ils sont une vingtaine de bénévoles à s'être donné rendez-vous sur place avec des sacs poubelles et des gants de vaisselle. En quelques instants, ils font place nette sur le campement. Des sacs sont disposés dans le coffre d'une voiture. Quelques uns sont astucieusement ficelés sur une poussette dépareillée. Des étiquettes scotchées sur les sacs attirent les regards.

« Si on peut pas accueillir les gens, il faut les laisser chez eux », maugréé une dame bien habillée. « On est citoyen, on s'en occupe, une misère n'efface pas une misère », répond un ramasseur de poubelles. La conversation s'engage. La dame part en lâchant « bon courage... »

« Réfugiés pas nettoyés, y'en a assez ! »

Ce ramassage est en fait la première étape d'une action visant à interpeller la mairie autant que les consciences. Faute d'adresse, donc de paiement d'une redevance d'enlèvement des ordures ménagères, la collectivité, sollicitée par le collectif, n'a pas collecté les déchets des migrants à la rue. Alors les militants les promènent jusqu'à l'Esplanade des Droits de l'Homme, faisant halte sur les places Pasteur et du 8-Septembre en prononçant quelques harangues, avant de les déposer en haie d'honneur devant l'accueil de la mairie aux cris de « réfugiés pas nettoyés, y'en a assez ! ». Certains proposent de les déposer dans le hall, voire d'ouvrir les sacs au cutter... Par égard envers les employés municipaux, décision est prise de ne pas aller jusque là.

Il s'agit surtout de réclamer de la ville qu'elle prenne les poubelles. Un rendez-vous est demandé avec le cabinet du maire. L'élue PS Myriam El Yassa passe dire sa solidarité et relaie la demande. On apprend plus tard qu'une entrevue a lieu avec la première adjointe. Déjà éconduit par Jean-Louis Fousseret, le collectif ne lâche pas l'affaire. Il a récemment investi un local commercial appartenant à la Saimebsociété d'économie mixte présidée par l'adjointe Danielle Poissenot, rue d'Arène, pour en faire un accueil de jour. « On voudrait que la ville le prenne en charge », dit Noëlle Ledeur, « que le collectif soit l'occupant désigné n'est pas un problème, mais on ne paiera rien ! »

Une salle d'une quarantaine de mètres carrés, avec tapis et canapés, tables et chaises, offre un espace où les migrants, le plus souvent en procédure de demande d'asile, peuvent souffler. Ils peuvent aussi faire la cuisine et se restaurer, prendre une douche, laver et sécher du linge. Des jouets sont à disposition pour les enfants. A tel point qu'une voisine est venue voir ce qui se passait, croyant à l'ouverture d'une nouvelle crèche !

 

Isenbart.
Isenbart

 

Isenbart
Les toilettes du campement

 

Place Pasteur
Isenbart
L'accueil de jour de la rue d'Arène

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