Olivier Le Mailloux : Fousseret va plus loin qu’Estrosi à Nice

L'avocat marseillais qui a rédigé le recours d'un militant associatif bisontin contre l'arrêté municipal anti-mendicité, estime que le texte signé par Jean-Louis Fousseret « vise les mendiants » et porte atteinte à une liberté fondamentale : la fraternité que le Conseil constitutionnel a récemment sanctifiée. La Ligue des droits de l'homme a également saisi la justice administrative.

lemailloux

Avocat au barreau de Marseille spécialisé dans les libertés fondamentales qu'il enseigne par ailleurs à l'université de Toulon, Olivier Le Mailloux est l'auteur de la requête d'un militant associatif bisontin contre l'arrêté municipal anti-mendicité du 3 juillet. Il a saisi jeudi 23 août le tribunal administratif de Besançon en référé liberté pour en demander la suspension. Le tribunal a accepté l'urgence et rendra sa décision lundi 27 août à 16 heures.

La saisine invoque une « atteinte grave et manifestement illégale au principe de fraternité », principe reconnu par le Conseil constitutionnel le 6 juillet dernier dans une décision concernant Cédric Herrou, le paysan de la vallée de Roya qui avait porté secours à des migrants : « Il découle du principe de fraternité la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire (...) » ont considéré les membres de l'instance juridique suprême.

Me Le Mailloux estime également que l'arrêté bisontin s'applique aux enfants, ce qui est « honteux » et contraire à la déclaration internationale des droits de l'enfant. Il considère que le texte du maire de Besançon a pour conséquence de priver les mendiants de solliciter un secours en conduisant notamment à les reléguer en périphérie de ville, ce qui complique la tâche des associations humanitaires.

Vous pensez gagner en invoquant la fraternité ?

Bien sûr ! Le Conseil constitutionnel a fait triompher la fraternité en expliquant que c'est une liberté fondamentale. La fraternité est un droit pour toute personne de porter secours à autrui. Voyez l'affaire du secours aux migrants.

Vous visez d'autres notions juridiques de l'arrêté municipal bisontin ?

L'article 1er est particulièrement éloquent. Il vise expressément la mendicité dans toute son acception, y compris passive. C'est particulièrement choquant de voir que le maire ne l'assume pas. On détaille comment on mendie : assis ou allongé, de 10 heures à 20 heures. Le plus abject, c'est que l'on mendie quand on est dans une situation vulnérable. Cela concerne aussi des mineurs...

Ils ne sont pas mentionnés dans l'arrêté...

Ils ne sont pas exclus ! Cet arrêté est applicable à toute personne en situation de faiblesse. Il frappe de manière aveugle. Il sanctionne de 38 euros d'amende des gens qui sont dans la misère. Et enfin, il dure six mois, pas seulement l'été pour les commerces. C'est très long. La cour administrative d'appel de Nantes a estimé que c'était déjà compliqué de ne viser que la mendicité agressive pendant quatre mois...

Vous vous appuyez sur quelle jurisprudence ?

Celle de cette cour administrative de Nantes, mais aussi sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, sur la Convention internationale des droits de l'enfant qui dit notamment que la France doit prendre toutes les mesures de protection vis à vis des enfants... Ça ne va pas du tout : cet arrêté a une répercussion immédiate, met les associations en grande difficulté pour retrouver les personnes à secourir...

L'arrêté des notions juridiques non prévues par la loi de sécurité intérieure de 2003...

Oui. A Nice, Estrosi avait visé la mendicité agressive. Là, on va au-delà. C'est le mendiant qui est visé.

Le groupe EELV explique que l'arrêté a été préparé par la police municipale...

En attendant, ils l'ont voté. Je comprends que la police municipale ait préparé l'arrêté. Pourquoi le maire ne l'abroge-t-il pas ? Il sait que les gens sont mécontents...

Sans doute pour des raisons de politique locale...

Le problème, c'est que ça crée des précédents.

Cela pourrait susciter la création de nouvelles normes juridiques plus dures à un niveau supérieur ?

Oui, ça peut inciter des maires voulant organiser la chasse aux pauvres, leur donner le feu vert...

Êtes-vous un avocat militant ?

Je milite pour le respect des libertés fondamentales. J'ai conseillé la communauté des Gens du voyage, les forains...

 

 

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