Nomadland, le travail en route

Nomadland de Chloé Zao est un film sur les travailleurs américains pauvres, contraints pour gagner leur vie, de loger dans leur van. Il oscille entre documentaire et fiction et s’impose comme une curiosité cinématographique, à la fois fascinante et quelque part empreinte de fatalisme.

Fern (Frances McDormand) vivait à Empire lorsque l’usine a fermé. Veuve, sans emploi et sans-abri, elle choisit le nomadisme et quitte la ville à bord d’une vieille camionnette Ford. Elle travaille d’abord chez Amazon, car la firme a un programme baptisé CamperForce. Nous sommes surpris par l’image paisible des entrepôts, lisse, presque publicitaire. Dans les entrepôts, joliment éclairés, elle travaille tranquillement comme si le géant de la consommation redorait son image dans le jaune de la lumière, loin des cadences de travail décrites par Jessica Bruder, auteur du livre au titre éponyme.

Fern découvre ensuite les groupes de routards où la parole est centrale. C’est là qu’on se refile les tuyaux, le soir autour d’un feu de bois ; elle avance vers l’Ouest en faisant de petits boulots : trieuse de betteraves, serveuse et femme de ménage dans un camping. Malgré les conditions d’hygiène et de survie, son expérience se transforme en une sorte d’épure à travers les rencontres et les paysages filmés en plans larges comme les grands espaces de westerns. La caméra scrute des visages de femmes ou d’hommes âgés, adeptes de cette vie nomade, avec bienveillance et tendresse.

Le film s’appuie sur le livre-enquête de la journaliste Jessica Bruder qui a suivi les précaires qui sillonnent les États-Unis et vivent de petits jobs. Peut-être incarnent-ils le visage de nouveaux pionniers en instaurant un mode de vie alternatif ? Peut-être, au-delà de l’image de leur dignité, cachent-ils les défaillances sociétales où il est fait peu de cas de l’individu ? S’agit-il réellement d’un choix de liberté ou de l’acceptation d’une certaine fatalité ? Difficile de trouver des réponses tellement l’image est envoûtante.

Le film entier naît du regard de l’actrice Frances Mac Dormand.  Elle est le regard documentaire du film. Chaque plan naît du trajet de ses yeux et par ce biais, le film nous initie aux rituels de rencontres des laissés pour compte, à leur choix de la liberté, sorte de nouveau motif de vie. Continuer la route, pour une femme atteinte d’un cancer avéré c’est tenir debout par l’évocation de ses plus beaux moments faits de chants d’oiseaux et d’envol de goélands. De son côté Fern s’étonne des formations géologiques, se baigne dans une eau verte et s’émerveille devant de somptueux séquoias.

Ainsi le nomadisme permet d’accéder à la beauté même si on peut trouver un peu simpliste de parler ainsi de la fatalité qui conduit ces personnes âgées à rouler toujours plus loin.

Fern assume. Elle n’aime pas les grands lits et les chambres carrées. Sa vraie vie de femme cabossée est ailleurs. Elle fait partie de la grande communauté vandwellers, nomades du XXI ème siècle dont le gourou est Bob Welles qui joue son propre rôle ainsi que d’autres personnages filmés.

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