Nomade du boulot…

 

À 49 ans, ce fils d'ouvrier haut-saônois de l'automobile, a un parcours des plus originaux. " Je suis un échec scolaire qui a réussi ", aime-t-il raconter. " J'ai quitté le lycée en seconde, je suis venu à Besançon en 1977 pour le concours d'entrée à l'école d'infirmiers que j'ai raté. Je n'ai rien fait de mes 20 ans, hormis de nombreux voyages à travers l'Europe... " Il est quand même embauché par l'hôpital psychiatrique de Novillars. " J'avais un statut qui n'existe plus, je faisais le travail d'un aide-soignant ". Il y reste sept années, le temps d'atteindre la trentaine, de se dire qu'il peut y avoir autre chose dans la vie : " Pour quitter l'hosto, j'ai fait une formation de trois ans, payée par le Conseil régional. J'en suis sorti assistant social et j'ai aussitôt été recruté par Intermed qui venait de se créer. Les administrateurs voulaient des professionnels à chaque poste, c'était exceptionnel pour l'époque. C'est pour ça que l'association a été novatrice ". Il met en place l'accompagnement social : santé, logement, mobilité... Il participe au développement économique : " Sans développement, on n'a pas de travail à proposer. Il faut les deux, le développement et l'accompagnement, c'est différent de l'aide sociale. Le fondement, c'est la mise au travail de personnes qui viennent pour ça ".
Là aussi, il reste sept ans. Puis, répondant à un appel d'offres de la fédération des associations intermédiaires, il devient formateur en accompagnement social dans tout le pays. À l'époque, la fédération s'appelait Coordination d'Aide aux Chômeurs par l'Emploi, aujourd'hui, il n'y a plus que le sigle. " Un signe des temps, le mot chômeur fait peur. On dit demandeur ou chercheur d'emploi, comme ça la société n'a plus de responsabilité ", analyse Patrice Hennequin. Il ne regrette pas d'avoir participé à la mise en place de démarches qualité, d'avoir envisagé le développement économique en " partant des besoins des personnes et non du marché. Car le développement ce n'est pas la redistribution aux actionnaires, mais aux bénéficiaires, aux salariés en insertion... "

 

 

Il y a deux ans, notre homme change encore de job mais pas de direction : il se met à son compte. " C'est l'issue d'un long cheminement vers l'indépendance. Depuis l'école, on m'avait toujours dit que j'avais un problème avec la hiérarchie. Je n'ai jamais pensé que c'était négatif. J'ai besoin de ça pour avancer, être indépendant de l'institution. Je supportais de plus en plus mal les réunions passées à gérer les tensions, à régler les problèmes qui n'en sont pas, à s'en créer... Il me reste un objectif non réalisé : travailler moins pour gagner plus ! Je suis assez demandé, c'est dur de refuser, sinon les gens vont voir ailleurs... "
L'indépendance serait-elle relative ? Intense et brève réflexion. " Oui... On me dit profession libérale, mais non, je vis des cotisations formation, comme les médecins des cotisations Sécu. Je réfléchis d'ailleurs à un changement de statut, salarié d'une coopérative de portage qui correspondrait à ce que je pense ".

Nomade un jour, nomade toujours...