Neruda : l’imaginaire face à la dictature

Neruda de Pablo Larrain n’est pas un biopic mais un film ironique qui emprunte les codes du thriller, du road movie et du western… Une bonne surprise de ce début d’année…

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Comment faire un portrait de Neruda, de l’homme politique, du poète ? Comment mettre en scène une vie aussi complexe ?

Après No, film sur la participation d’un jeune publicitaire en faveur du « Non » lors du référendum chilien de 1988, Pablo Larrain choisit de parler de la vie de Neruda à la fin des années 40, période au cours de laquelle le poète communiste chilien est déclaré traitre au régime populiste en place.

Un anti-biopic

Juste avant sa fuite de Santiago — la partie forte du film —, le cinéaste donne à voir dans de nombreuses séquences, le côté anachronique de Néruda-Sénateur qui déclame des vers dans la bonne société, règle des comptes avec un adversaire politique dans une pissotière. Et plus tard, dans une séquence tout aussi paradoxale, Neruda le jouisseur s’échappe quelques heures de sa cachette et bois du champagne dans un bordel. Il rentre ensuite chez lui se blottir dans les bras de sa femme Deria del Carril, à la fois aimée et maltraitée.

Pablo Larrain ne réalise pas un biopic à partir du réel ; il en brise les repères en utilisant les méandres de la fiction. Déclaré traitre au régime, Neruda se cache avant de s’exiler. Un certain Oscar Peluchoneau (Gael Garcia Bernal), flic tout droit sorti d’un polar à l’ancienne se lance à sa poursuite. Il rêve de capturer Neruda (Luis Gnecco) pour avoir son nom dans l’Histoire.

Thriller, road movie et western

C’est alors que le film bascule alors dans un tout autre registre, celui des polars tant prisés par Néruda. Pablo Larrain invente une poursuite, une sorte de jeu de cache-cache. La voix off du policier narrateur donne une autre direction au film. Neruda devient une fiction avec du réel et de l’invention. De l’ironie surtout. Le spectateur, - convié à un drôle de ballet -, suit visuellement Pablo Neruda dans sa fuite, entend la voix off du flic raconter les événements et basculer enfin dans un délire quasiment poétique. Le film transformé en road-movie devient épique laissant derrière lui Santiago, ville de dictature à la teinte délavée au profit d’une poursuite dans des paysages de neige dignes d’un western.

Film hybride

Film hybride, « Neruda » croise les genres et révèle tout un pan de l’histoire chilienne avec la réalité figurée par des hommes politiques, des résistants clandestins, et l’onirisme du cinéma avec ce duel entre les rêves de l’écrivain des 10 000 vers de « Chant Général) et ceux fantasmatiques d’un policier qui rêve d’être quelqu’un (poète ?). Ils ne se croiseront pas. Au-dessus d’eux déjà se profile l’image de Pinochet.

Vibrant hommage à la poésie à travers l’éclatement du récit et des séquences insolites, le film rend hommage à la puissance de l’imaginaire, face à la dictature Chilienne.

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