Mille personnes rassemblées à Besançon

« L'esprit du 11 janvier » est-il retombé ? La société civile est-elle sonnée au point de laisser au seul monde politique les initiatives ? Pour l'heure, on constate l'organisation de très courts rassemblements en hommage aux victimes du terrorisme, comme mardi 17 novembre à Besançon, et quelques annulations d'événements...

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L'hommage fut officiel et court. Devant près de mille personnes rassemblées esplanade des Droits de l'homme, des élus au premier rang, le maire de Besançon Jean-Louis Fousseret a prononcé un bref discours. « Nous serons toujours debout », a-t-il déclaré en dénonçant « l'absence d'humanité » des « lâches » qui ont commis les attentats de vendredi 13 novembre. Puis en espérant que « les acteurs de ces actes seront rapidement mis hors d'état de nuire ». Un morceau de musique de chambre joué par des musiciens du conservatoire donna un peu de gravité solennelle avant qu'une Marseillaise sonorisée soit accompagnée par une grande partie de la foule. Un homme crie « Vive la liberté ! ». On appalaudit.

Puis ce fut tout. Des amis se sont retrouvés. Des inconnus se sont parlé. L'esplanade s'est vidée en quelques minutes pendant qu'on démontait l'estrade mobile. Jean-Louis Fousseret venait de nous confier que de nombreux Bisontins lui avaient demandé s'il était encore autorisé de sortir et d'organiser des événements. Il dit les avoir rassurés, leur indiquant que c'était toujours autorisé et qu'il fallait continuer de vivre. Quand nous lui fîmes remarquer que la question de ses concitoyens se comprend puisque l'état d'urgence a été décrété, il répliqua : « vous ne voulez pas qu'on mette tout en oeuvre pour rechercher les assassins ? » Vue comme ça, l'union nationale va avoir du mal à tolérer les questions, les suggestions et, qui sait, les critiques...

« Je n'arrive plus à travailler, à me concentrer »

Dans la foule, la députée Barbara Romagnan réagit à notre reportage sur les trois jeunes gens ayant reconstruit le mausolée de la place Pasteur : « C'est touchant... » Elle y voit un espoir dans la jeunesse. Gérard Magnin, fondateur et ancien directeur d'Energy-Cities, homme dynamique et pétri de convictions argumentées, dit son malaise avec les événements : « Je n'arrive plus à travailler, à me concentrer ». Il est loin d'être le seul. Des réflexions de ce type, on en a entendues maintes fois.

Deux institutrices racontent comment elles ont, lundi, fait face aux questions des élèves qui ont hanté, par anticipation, tout leur week-end. Caroleprénom modifié a préparé son intervention pour cours moyens : calibrée, elle a introduit un débat d'environ une heure. Elle explique avoir la chance de travailler dans une école où tous les enfants avaient déjà eu des explications et discussions à la maison, vu parfois leurs parents pleurer... Marlèneprénom modifié s'est préparée à entendre ses cours élémentaires, mais elle a surtout improvisé. Elle a notamment eu à tranquilliser un fils de militaire mobilisé aussitôt après les attentats et communiquant son stress à son enfant en faisant son sac : « ils vont recommencer, il y aura des attaques partout... » Elle a dû expliquer techniquement comment les terroristes se sont fait sauter : les enfants ont bien saisi comment on tue avec une mitraillette, mais pas comme on se tue soi-même, et ont posé la question. Il fallait leur apporter une réponse acceptable...

En janvier, la mobilisation de la société en avait imposé

En fait, le choc est que la guerre est maintenant sur notre territoire. C'est la version officielle car certains discutent, à juste titre, l'emploi du mot guerre pour parler des attentats. Jusque là, la guerre est l'affrontement, militaire, codifié, meurtrier, de deux ou plusieurs pays qui tentent de régler un différend par la force. Mais là, Daech n'est pas un pays, bien qu'il se nomme lui-même Etat islamique, terme que récuse par exemple Abdenouss Bidar, philosophe et producteur de Culture d'Islam sur France Culture D'où l'expression « groupe Etat islamique »... Le député Noël Mamère dit autre chose et veut « identifier l'ennemi islamo-fasciste ». En fait, tout le monde réalise que les mots ont une importance capitale. Ce sont eux qui viennent étayer, ou pas, la notion d'état d'urgence. Ce n'est pas rien car il en va du maintien ou de la suspension de certaines garanties de l'état de droit, l'interdiction des manifestations en Ile-de-France...

On entrevoit déjà une différence de taille entre cette tragique mi-novembre et les attentats de janvier. En janvier, la mobilisation de la société en avait imposé, par sa puissance et sa dimension, au petit cortège de chefs d'Etats dont certains sont loin d'être d'ardents défenseurs de la liberté d'expression et de la démocratie. A Besançon, les organisateurs étaient les citoyens eux-mêmes, relayés par la société civile, et les seuls propos publics furent ceux d'un journaliste et d'un policier devant 30.000 personnes. Des syndicalistes avaient alors convaincu Jean-Louis Fousseret de renoncer à parler. 

Où est ce qu'on a appelé « l'esprit du 11 janvier » ?

 

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