Michaël Moore taille un costard à l’Amérique et fait un flop

Hirsute, la casquette vissée sur la tête, le réalisateur de Bowling for Columbine jette avec Where to invade next son dévolu sur l’Europe à la veille des élections américaines. Son film prend l’Europe pour modèle, mais il lui manque le temps du cinéma, du silence et de la réflexion.

moore

Michael Moore s’est fait connaître avec deux films passionnants, Roger et moi, film-enquête sur la ville ouvrière de Flint, ébranlée par la fermeture d’une usine de General Motors et le licenciement de la majeure partie des ouvriers, et Bowling for Columbine où il explorait comment un drame (la fusillade de Littleton) pouvait arriver aux Etats-Unis et où, dans une admirable séquence, il épinglait le célèbre Charlton Eston sur les ventes d’armes.

Mais depuis ces deux films, son système montre des limites : c’est le cas de Where to invade next. Fort du constat que les américains ont perdu toutes les guerres depuis 1945, un groupe de généraux patibulaires du Pentagone expédie notre réalisateur en Europe pour l’envahir et voir les bienfaits qu’il pourrait ramener aux Etats-Unis.

Une Europe idyllique

Voilà donc notre cinéaste facétieux en partance vers l’Europe pour faire la comparaison avec ce qui va mal dans son pays. En Italie il découvre que les habitants font beaucoup l’amour car ils bénéficient de congés payés, alors qu’aux Etats-Unis, cela n’existe pas. En France, il visite une cantine et trouve que les élèves mangent comme dans un restaurant ; il assiste à un cours d’éducation sexuelle et conclut sa visite par cette phrase : « la France a inventé la démocratie, l’existentialisme et la turlute ».

Au Portugal, ébahi, il découvre la législation sur la dépénalisation de la drogue, en Slovénie la gratuité de l’université. En Norvège, il revient sur les attentats d'Oslo et de l’île d’Utoeya perpétrés en 2015 par Anders Behring Breivik et lance une discussion autour du pardon avec un père qui a perdu son fils. En Suède, c’est une prison modèle qu’il nous fait visiter. En Islande, il explore l’efficience démocratique ayant réussi à mettre en prison les banquiers véreux et à élire une mère célibataire comme présidente.

Un film simpliste

Tout cela est trop simpliste. Chaque piste utopique est archi-connue. Michael Moore enfonce des portes ouvertes et les enfoncent mal. Dans son œilleton, la question des qualités des cantines scolaires et des avancées sociales évoquées reste très approximative, au regard par exemple, du climat délétère qui règne en France actuellement.

Par ailleurs, aux travers de la société américaine, Michael Moore oppose une Europe idyllique avec un virage en Tunisie pour parler de la révolution tunisienne et de l’émancipation des femmes.

Cela peut paraître revigorant mais ne l’est pas. Dès que l’esquisse d’une rencontre se profile, la caméra file ailleurs. On aimerait en savoir plus sur la présidente islandaise, sur la place des femmes dans la vie publique mais la construction séquencée nous précipite ailleurs. On se sent pris en otage par cette course effrénée vers l’optimisme où se glisse trop souvent de la mauvaise foi.

Enfin, il manque à ce film le temps du cinéma, celui du silence et de l’empathie, celui du recul et de la réflexion, à l’instar d’un regard à la Wiseman sur les institutions ou encore celui d’un Philibert sur l’école et la société.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !