« Madre », toute la douceur d’une mère

Réalisateur du formidable « El Reino », Rodrigo Sorogoyen signe à nouveau un film d’une grande force, un drame aussi âpre que délicat.

madre

Le va-et-vient de la mer, la force des vagues qui viennent s’écraser sur la plage, ce son familier revient régulièrement au cours du récit de « Madre », film de Rodrigo Sorogoyen (sortie le 22 juillet). Ce bruit aquatique nous transporte aussitôt au bord de la mer, mais avec les flots, c’est aussi de l’inquiétude, de la peur, de l’angoisse qui se déversent alors sur les spectateurs.

C’est pourtant loin de la mer que commence ce film de Sorogoyen, qui a notamment tourné le formidable « El Reino » ; dans un appartement en Espagne, une jeune femme reçoit un appel téléphonique de son fils de six ans. Il téléphone avec le portable de son père (l’ex-mari) avec qui il est en vacances, le môme est seul sur une plage déserte et inconnue, quelque part en France, le père s’est absenté. « Il y a un monsieur », dit l’enfant, avant que la conversation ne coupe. Puis, plus rien. L’angoisse, la panique de la mère, et de la grand-mère qui est là aussi, cette séquence d’ouverture est incroyablement forte, puissante, prenante. En fait, Rodrigo Sorogoyen avait déjà tourné cette scène, et en avait fait un court-métrage multi-primé, également titré « Madre ».

Le long-métrage prolonge l’histoire, mais en se téléportant directement dix ans plus tard. Une femme marche le long de la côte, sur une longue et grande plage de sable, dans le sud-ouest de la France. C’est Elena, installée au Pays Basque français, depuis la disparition de son fiston ; elle est restée là, certainement avec un fol espoir, et forcément dévastée par l’insupportable absence de ce fils disparu. En croisant un groupe de jeunes surfeurs, elle repère un bel adolescent aux cheveux roux et frisés (joué par Jules Porier), le suit jusque chez lui, l’espionne.

« La folle de la plage »

Le jeune homme débarque le lendemain dans le bar-restaurant, au bord de la mer, où travaille Elena. Leur première vraie rencontre. Ressemblance ? Transfert ? Ce garçon pourrait être son fils, s’il ne s’appelait Jean, et n’était qu’un Parisien en vacances avec sa famille. Un lien se tisse entre les deux, le garçon enamouré, sûrement, et cette femme qui pourrait effectivement être sa mère, qui a juste envie d’être avec lui. Cette relation perturbe la vie de couple d’Elena, qui doit bientôt rejoindre son amoureux en Espagne, mais a du mal à s’arracher à cette maudite plage. Et menace aussi la sérénité de la famille de Jean (Anne Consigny et Frédéric Pierrot parfaits en parents inquiets), dont les belles vacances d’été sont perturbées par cette femme qui tourne autour de leur fils, et que tout le monde surnomme « la folle de la plage ».

Folle, Elena peut l’être, folle de douleur depuis dix ans. Mais Marta Nieto, actrice à la beauté magnétique, apporte plutôt de la douceur à ce personnage, toute la douceur d’une mère meurtrie. Sur le rythme de la grande séquence d’ouverture, Rodrigo Sorogoyen enchaîne d’autres longs plans-séquences, comme ce rendez-vous avec l’ex-mari, éprouvant, terrible ; cette construction, la présence de Marta Nieto, et même le bruit de la mer font de « Madre » un film d’une grande force, un drame aussi âpre que délicat.

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