Lons-le-Saunier : des bons Covid pour 393 familles à l’aide aux vacances pour 120 enfants…

Après quatre mandats dans l'opposition à Jacques Pélissard, le communiste Thierry Gaffiot est désormais adjoint aux affaires sociales d'une ville de 18.000 habitants qui a connu l'alternance politique en juin 2020. Entre commande d'une analyse des besoins sociaux, les projets de résidence habitat jeunes et de municipalisation d'un Ehpad hospitalier fermé, il lâche : « ce qu'on demande à la gauche, c'est d'améliorer la vie des gens... »

Ancien instituteur, amateur de randonnée et de ski de fond, Thierry Gaffiot est l'une des chevilles ouvrières de la victoire de la gauche aux élections municipales de 2020 à Lons-le-Saunier. Militant communiste de longue date, il se souvient qu'Henri Auger, maire PCF de 1977 à 1989, avait, après la victoire de Jacques Pélissard, incité ses jeunes « camarades » à prendre le relais. La reconquête aura duré 31 ans... (lire ici et )

Elle s'est notamment construite dès 2019 autour de la poignée d'élus d'opposition du dernier mandat qui ont pris le temps de s'entourer et de bâtir un programme en utilisant une méthode de démocratie participative. « J'ai été 24 ans dans la minorité, là je suis dans la majorité », commente sobrement Thierry Gaffiot qui ne semble pas avoir modifié son attitude, parle de « convictions » et d'« arguments ».

Adjoint « à la ville solidaire, aux affaires sociales et à la santé », il a été en première ligne de la distribution de bons Covid de 100 euros à près de 400 familles avec enfants en septembre dernier. Il a également initié une étude qui doit déboucher début 2022 sur une analyse des besoins sociaux que la ville n'avait jamais faite.

Quand l'INSEE compare les revenus des bassins de vie de Franche-Comté, celui de Lons-le-Saunier est sensiblement moins touché par le chômage et arrive en troisième position derrière les zones frontalières du Haut-Doubs et Besançon. Est-ce votre ressenti ?

La réalité est que sur la ville de Lons-le-Saunier, la moyenne des revenus est inférieure de 200 euros par mois à la moyenne nationale. Sur l'agglomération lédonienne, plus on va vers Lyon, plus l'écart augmente. Il y a aussi le revenu par habitant et la question de la structuration des âges... Pour ce qui nous concerne, en début de mandat, une collectivité doit faire une analyse des besoins sociaux. Nous avons choisi de le faire réaliser par le cabinet Compas. Ce sera la première fois à Lons-le-Saunier ! 80% du rapport seront rendus en septembre, la totalité début 2022.

Qu'en attendez-vous ? Avez-vous une petite idée de ce qu'il pourrait montrer ? Des hypothèses à vérifier ?

On dispose déjà d'éléments sur le quartier prioritaire Marjorie-Mouillères où vivent 4500 à 5000 personnes, soit 30% de la population...

Une de vos premières réalisation, après votre victoire aux municipales de juin 2020, a été de distribuer des bons sociaux aux habitants les plus pauvres. Pourquoi ?

C'était une aide aux familles dans une période de confinement. On l'a mise en place après car il n'y avait plus d'école, plus de centre de loisir, du chômage partiel, des pertes de revenus... On voulait accompagner les familles à une hauteur supérieure au seuil de déclenchement des aides habituelles. On a choisi de le faire par le prisme des enfants, notamment parce que les familles ont pris en charge les repas des enfants qui ne pouvaient plus aller au restaurant scolaire.

En quoi a consisté cette aide ?

D'abord des repas à 0,50 euro dans la restauration scolaire à partir de septembre dernier. Nous en servons 490 par jour dont 25% à ce tarif. Et puis nous avons distribué des bons sociaux de 100 euros sous forme de cinq bons de 20 euros, payables chez les commerçants avec qui on a travaillé préalablement. On avait estimé à 800 les bénéficiaires, on en était près.

Les bons ont été distribué à 393 familles pour 674 enfants, soit 1,72 bon par famille. A comparer aux 997 enfants habitant la ville et scolarisés dans le public (817) ou le privé (180). Avec 346 enfants des communes voisines, 1163 enfants sont scolarisés dans des écoles publiques lédoniennes.

Comment l'avez vous évalué ?

On a travaillé avec les services. Par exemple pour repérer les familles monoparentales au smic qui étaient sous les radars de l'aide sociale officielle, de la CAF, à partir des feuilles d'imposition. On a vu de l'urgence sociale. On a pris l'ensemble des enfants d'une fratrie scolarisés en maternelle et primaire.

Pas les plus âgés ?

Les collégiens et lycéens dépendent du département et de la région... Il nous fallait une porte d'entrée : les inscriptions dans les écoles de la ville et y habiter ! On a même reçu des visites de parents n'habitant pas à Lons... Il a fallu un engagement remarquable des équipes de la mairie pour tout mettre en place. Nous sommes arrivés le 4 juillet et les bons ont été distribués à la rentrée. Entre temps, le conseil municipal a voté une subvention exceptionnelle de 70.000 euros au CCAS...

Ça paraît peu...

Le budget global de la ville est d'une trentaine de millions...

C'était donc 100 euros en une seule fois ?

Oui, c'était une aide Covid... Beaucoup ont été orientés vers la mairie par les travailleurs sociaux et on les a diffusés en de nombreux lieux : centre social, maison commune, sas de la mairie...

Allez-vous continuer ? Attendre le retour de l'analyse des besoins sociaux ? Parce que la pandémie continue...

On continue les repas à 0,50 euro... La grande leçon des dispositifs sociaux, c'est qu'il faut aller à la rencontre des gens pour les faire connaître. On a repris le dispositif de l'antenne mobile qui existait auparavant, il est toujours opérationnel pour répartir les besoins. On a repris la distribution de 1200 colis aux plus de 80 ans par les élus et la réserve civile. On en a profité pour leur remettre un questionnaire de santé pour connaître leurs besoins.

Que dit le résultat ?

Sur 120 retours, cela ne semble pas une priorité absolue... Par contre, il y aura des besoins. L'éloignement des mesures sociales concerne 20 à 30% de personnes qui ne font pas valoir leurs droits. On avait dans notre programme municipal une mutuelle communale en projet, il ne faudrait pas qu'on soit à côté de la plaque ! Avec l'analyse des besoins sociaux, on aura les statistiques depuis 2018 et les remontées d'informations liées au Covid...

Quel est votre sentiment sur l'effet Covid : un tsunami social ou un lent effritement ?

Le gouvernement cogne sur les familles. Le Covid a des conséquences, mais il y a aussi celles liées aux mesures gouvernementales. C'est plus difficile dans les familles aujourd'hui qu'il y a deux ans. Les travailleurs sociaux nous font remonter les difficultés.

Pourquoi ne pas reconduire l'aide de 100 euros ?

Ce n'est pas prévu. Mais on va utiliser le dispositif « Vacances apprenantes » pour lequel nous avons réservé 120 places pour des séjours d'une semaine dans le Jura pour des enfants. L'Etat nous a dit qu'il y aurait des financements, que les crédits étaient reconduits...

La commune ajouterait 100 euros aux 400 mis par l'Etat ?

Si c'est reconduit à l'identique. En tout cas, on a prévu un budget. On sait qu'on doit réussir cette campagne d'été pour faire vivre le droit aux vacances...

Environ 30% des Français ne partent pas en vacances...

C'est en gros ça. C'est souvent difficile de partir en vacances sans les parents... L'Etat a appelé le dispositif « Vacances apprenantes » car il y a Blanquer derrière. Mais les gamins ont le droit de se sortir la tête de l'école !

Quand vous dîtes qu'il « faut réussir », vous auriez un doute ?

Non, mais ça demande de faire passer l'information, de convaincre... Il faut considérer les conséquences sur l'enfance du confinement en matière de santé, de santé mentale... Moins de sport a des conséquences délétères sur la vie sociale. Avoir été confiné à trois dans un appartement, c'est différent d'une maison de village. Beaucoup de familles ne partiront pas en vacances faute de moyens : le budget vacances est le premier budget en baisse...

Si on se projette, les vacances ont un rôle social ?

La crise agit comme un révélateur. Les Gilets jaunes avaient montré l'ampleur des difficultés. Le Covid montre à quel point le droit au sport, à la culture, aux vacances... peut faire société.

Les militants de gauche paraissent souvent dans l'entre soi...

C'est pour ça que les politiques doivent partir d'en bas. On doit écouter. Quand les locataires vont au Conseil départemental, il faut les écouter. Comme quand il y a un mouvement chez Bel ou une manifestation de retraités... On peut dater l'écart avec la gauche du tournant de la rigueur de 1983/ On est en phase de construction et de reconstruction. A Lons-le-Saunier, la gauche s'est rassemblée et a fait une campagne de terrain.

Et pour les élections départementales dans le Jura ?

C'est plus compliqué ! On n'a pas pu faire comme au plan local...

Ou comme dans le Doubs ?

D'accord, mais ça ne suffit pas à faire souffler un vent l'alternative ! Ce qu'on demande à la gauche, c'est d'améliorer la vie des gens.

Deux grands projets

Une résidence habitat jeunes à la place est annoncée d'ici la fin du mandat pour remplacer l'ancien foyer de jeunes travailleurs. Elle devra se conjuguer avec les aides au logement et devrait être en lien avec la résidence étudiante. « Ce ne sera pas seulement un lieu d'habitation, mais aussi un lieu de vie... Les jeunes veulent 20 m2, pouvoir faire venir des repas. La première chose qu'ils demandent, c'est un lieu avec des animations », précise Thierry Gaffiot. Une première étude évalue le projet entre 60 et 80 places...

La municipalité projette aussi d'intégrer au CCAS l'ancien Ehpad de 37 lits d'En Chaudon dépendant de l'hôpital. Une nouvelle construction devrait démarrer d'ici deux ans. Elle complèterait la vieille résidence autonomie du cours Colbert et les Ehpad Edylis de Lons et la Châtelaine de Montmorrot.

Une des raisons de cette politique est que Lons-le-Saunier vieillit : en dix ans, les plus de 60 ans sont passés de 28% à 33% de la population qui compte 18.100 habitants. Parmi ces anciens, 54% des plus de 75 ans vivent seuls dans leur logement, 23% des plus de 75 ans vivent dans un immeuble collectif sans ascenseur... Le taux de pauvreté de la ville atteint 20% de la population (14,5% en France).

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