Lons-le-Saunier revient à gauche après 31 ans d’échecs…

La liste conduite par Jean-Yves Ravier l'emporte sur celle de Christophe Bois (AGIR-LREM) avec 52,3% des voix, mais seulement 22% des électeurs inscrits en raison d'une abstention restée à plus de 56%. Après cinq mandats de Jacques Pélissard (LR), la liesse s'est emparée de 100 à 150 militants qui ont célébré leur victoire dans la MJC fermée par le maire il y a quelques années... Les maires des petites communes se font déjà entendre pour un changement de gouvernance de l'agglomération. 

lons-gauche

La victoire de la liste d'union de la gauche (EELV, PS, PCF) conduite par Jean-Yves Ravier (sans parti) s'est vite dessinée dimanche soir. « C'est plié », lâche vers 19 heures Patrick Elvezy, le président sortant d'ECLA, la communauté d'agglomération de Lons, en constatant que sur les 300 premiers bulletins du bureau de vote du Carrefour de la communication, l'égalité est parfaite entre les deux listes. A ses côtés, la députée Danièle Brûlebois (LREM, ex PS) et le conseiller départemental Philippe Antoine (référent départemental LREM) font grise mine. La tendance se confirmera et Jean-Yves Ravier aura 7 voix d'avance dans ce bureau traditionnellement à droite.

Sur les huit bureaux de la ville, la gauche l'emporte dans sept, ayant au final 215 voix d'avance, soit 52,34% des exprimés, mais seulement 22,03% des inscrits en raison d'une abstention, en recul d'une quarantaine de voix, restant au niveau très élevé de 56,46%. Le seul bureau ayant une participation majoritaire (51% au Puits salé) a mis Christophe Bois en tête, ce qui peut faire penser que la gauche a moins mobilisé son électorat potentiel…

Quoi qu'il en soit, les militants et colistiers de Jean-Yves affluent rapidement devant le Carcom où sont affichés les résultats à mesure qu'ils parviennent. Quand la tête de liste surgit sur le parvis, suivi de quelques caméras, les bras levés et tout sourire, les applaudissements et les exclamations de joie fusent. « C'est une belle surprise », lâche un homme d'un certain âge. « Depuis le temps qu'on attendait », ajoute sa compagne. « Que ça fait du bien ! », s'écrie Hervé Gudin, musicien et soutien de la liste. « J'en avais marre d'attendre », plaisante Jacques Guillermoz, nouvel élu.

« Les bastions, ce n'est jamais bon… »

« C'est un moment formidable », réagit le militant communiste Thierry Gaffiot, « pendant quatre mandats, on a travaillé dans la minorité. C'est aussi une grande leçon : quand la gauche se rassemble, elle peut faire des choses formidables. On a fait un travail de liste, par le bas, avec tout le monde. Il y avait besoin de redonner confiance à toute une génération. On a aussi regagné dans les quartiers populaires… » C'est Henri Auger, l'ancien maire communiste (1977-1989) qui lui avait mis le pied à l'étrier pour un premier mandat en 1995 : « il nous a dit "maintenant, c'est à vous de faire". On a beaucoup travaillé avec lui sur la vie municipale, les propositions, l'affirmation… »

Un temps approchée pour figurer sur la liste, Annie, lédonnienne de fraiche date, ne boude pas son plaisir et commente… la défaite de la droite : « les bastions, ce n'est jamais bon, j'ai travaillé longtemps dans la mairie d'une grande ville, j'ai vu les magouilles… Le pouvoir finit par corrompre… » Jeanne Gsell, qui figure en fin de liste en position non éligible, est enthousiaste : « c'est super, c'est la victoire d'une équipe très solidaire, dynamique, avec un vrai engagement citoyen qui m'a motivée… »

Les quelques masques anti COVID tombent vite, les accolades s'enchaînent en lieu et place de rares embrassades, les poignées de main sont remplacées par de joyeux saluts de coudes s'entrechoquant. Puis tout ce petit monde, 100 à 150 personnes, se dirige fêter la victoire à l'Ellipse, lieu qui fut longtemps une MJC que le maire sortant, Jacques Pélissard, a fait fermer il y a quelques années au grand dam de la gauche et de nombreux militants associatifs. « Un symbole », sourit Jean-Yves Ravier. La rouvrira-t-il ? « Il ne faut pas vouloir réécrire l'histoire… »

Numéro deux de la liste, la Verte Anne Perrin est sur un nuage, prend chacune et chacun dans ses bras, lance à la cantonade : « On se met au travail demain ». On aperçoit Géraldine Revy, tête de liste de la France insoumise, 3% au premier tour et qui n'avait donné aucune consigne pour le second. Elle n'a pas l'air mécontente, mais refuse de dire pour qui elle a voté. « Je me réjouis de la mise en déroute de la politique de Macron, les Lédoniens ont choisi de dire non à la droite et à LREM », dit-elle cependant en assurant de sa « vigilance » et en « espérant que le peuple lédonien aura plus la parole ».

Christophe Bois : « Je représentais le sérieux »

Pendant ce temps, les vaincus encaissent. « On va être dans l'opposition, on représente quand même 47%, on sera vigilant sur les dépenses de fonctionnement », réagit Christophe Bois en se disant « inquiet pour les économies que la ville a faites pendant trente ans… » Pour lui, l'explication de la défaite est « simple », due à « l'attelage baroque » d'une « union allant du Parti radical [NDLR : celui de John Huet, troisième au premier tour, qui a appelé à voter Ravier] à la France insoumise… »

N'était-ce pas difficile de succéder à Jacques Pélissard et ses cinq mandats ? « Oui… Mais je représentais le sérieux… Monsieur Ravier a annoncé 400.000 euros de dépenses, il est tenu par son extrême-gauche radicale… » N'a-t-il pas pâti de la division de ce qui fut le camp Pélissard ? « Une élection est un tout, j'ai une responsabilité, mais il y a aussi le contexte national… » 

L'écologiste Jacques Lançon (MEI), qui inaugura en 1989, une alliance avec Jacques Pélissard, figurait sur la liste de Christophe Bois. Il invoque d'emblée « l'usure, aggravée par la crise du coronavirus… La population était lasse et fatiguée. Il y a une dimension nationale à cette défaite, mais aussi le besoin de davantage de respect de la nature qui a conduit à davantage de votes verts… »

Jacques Pélissard : « bonne chance à Monsieur Ravier »

Danièle Brûlebois (députée LREM) explique aussi l'échec de son camp par la qualité de l'adversité : « il y avait une liste d'hommes et de femmes de valeur en face ». Elle souligne les « divisions de la majorité sortante », mais refuse de considérer que c'est une défaite de LREM : « Ce n'est pas vraiment une défaite car Christophe Bois se présentait beaucoup comme représentant d'AGIR-la droite constructive plutôt que comme représentant de la majorité [présidentielle et parlementaire]. D'ailleurs, Emmanuel Macron a fait 70% à Lons et 58% aux législatives… » 

Jacques Pélissard paraît pour sa part bien philosophe. Il a félicité Jean-Yves Ravier en lui souhaitant « bonne chance ». A une électrice déçue qui lui reproche un cinquième mandat « de trop », il rétorque par la réalisation du nouveau Juraparc, le centre des expositions… Interrogé par Factuel, il répond : « Au bout de trente ans, ceux qui voulaient changer se sont davantage mobilisés… » Il évoque aussi une campagne un peu ratée : « Il y a eu une campagne plus ou moins tonique. J'aurais fait une campagne différente, mais chacun sa personnalité. Il aurait peut-être fallu être plus ferme sur les convictions… »

Il ajoute que « la division dans [sa] propre majorité a été pernicieuse », que « la campagne aurait pu être plus punchy sur le bilan », qu'il a été « pionnier dans le tri des déchets… » Sur ce point sa communication est rodée et dans le pays entier on loue son implication sur le sujet, aidé par son alliance avec Jacques Lançon. Ce serait oublier qu'un gros travail préparatoire avait été effectué avant sa première élection par la municipalité précédente, notamment l'élu socialiste Serge Elvézy qui fut aussi conseiller général.

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !