Logement social : le retour des problèmes de chauffage

Alors que les élections des représentants des locataires dans les conseils d'administration des organismes de logement social ont commencé, les associations sont en campagne. A Besançon, le chauffage et du coût des réhabilitations sont au coeur des enjeux.

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On avait rendez-vous dans un café de la place de l'Europe. Il y a 30 ans, c'était le « nouveau Planoise ». A deux pas du Théâtre de l'Espace et de la Maison des syndicats, au bout de l'avenue du Parc qui commence sur la commerçante place Cassin. Il y a 30 ans, c'était beau, pimpant, coloré. Ça ressemblait à une ville. Aujourd'hui, les couleurs ont passé. Sur le haut des façades de béton ocre, les coulures gris foncé témoignent de fuites humides venant des chaîneaux. Le long de la rue piétonne parfois empruntée par des scooters pétaradants, les claires voies d'un coin aménagé pour faire causette entre voisins sous la galerie, sont fermées par des grilles austères. Des revendeurs à la sauvette avaient annexé l'endroit...

Sur les autres façades, certains appartements donnent entièrement au nord. Avec l'automne, revient la question du chauffage. C'est l'une des premières causes de mécontentement des locataires des quelque 5000 logements sociaux du quartier. C'est pour parler de cela que Factuel a rendez-vous avec Annie Petitperrin, Jean-Claude Moreau, Jean-Paul Esnault et Alain Genot. Ils sont militants de la CNL, la confédération nationale du logement. Pour eux, tout est lié : réhabilitation, chauffage, conséquences locatives...

31% des locataires de GBH insatisfaits du chauffage
GBH, Grand Besançon Habitant, l'ancien office municipal HLM, fait valoir sur son site que 69% des locataires sont satisfaits du chauffage, un taux supérieur à la moyenne nationale. Conscient que 31% d'insatisfaits, c'est quand même beaucoup, GBH détaille les motifs des critiques : 54% invoquent un problème de température, 20% un problème d'équipement, de panne ou de mise en route, 17% la période de mise en route, 9% le coût.

Laine de verre gorgée d'eau

« Sur un immeuble de l'avenue du Parc, il n'y a pas de maintenance d'isolation extérieure. La laine de verre est gorgée d'eau entre les murs extérieur et intérieur à cause d'une crevasse sur le toit. Ça doit être refait, mais quand ? Des locataires y ont des radiateurs électriques alors qu'ils ont leurs fenêtres au nord », dit Jean-Paul. Rue de Cologne, dans l'ancien Planoise, un habitant vivant au premier étage n'a jamais plus de 16° en hiver alors qu'il fait 20° au deuxième : « ils n'ont jamais été foutus de résoudre ça », dit Jean-Claude.

Le réseau de chaleur : un système écolo, économe et compliqué.
Comprendre la facturation du chauffage relève du décryptage d'une usine... à gaz. D'autant plus compliqué en raison de l'enchevêtrement des compétences, propriétés et mode de gestion...
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Les réhabilitations sensées améliorer l'isolation des appartements, avec des nouvelles fenêtres, ont un effet sur le confort, mais, à entendre les militants de la CNL, aucun sur le coût du chauffage. « On peut isoler un bâtiment ou quelques uns, cela ne change rien à la facture globale », affirme Alain Genot, porte parole de la CNL. Pourquoi ne pas isoler alors tout le quartier ? Le militant rigole : « Avant qu'on ait fini, il faudrait recommencer car les premiers bâtiments auraient le temps de se dégrader. La chaufferie de Planoise, c'est un monstre sympathique ».

Robert Lazert (CLCV) : « le chemin de l'eau est compliqué »
« Les bailleurs sociaux ne sont pas à même de gérer la chaleur dans les bâtiments où il fait généralement entre 19 et 21° », dit Robert Lazert, planoisien et président de la CLCV du Doubs. « Le réseau de chaleur n'est pas responsable des gens qui se gèlent. Il y a les problèmes d'isolation, les faces nord... La SEVE a un contrat pour fournir la température légale, et un degré de plus, c'est 7% d'augmentation de la facture ! Pour régler le problème, il faudrait revoir l'ensemble des installations de chauffage, par exemple dans le cadre de réhabilitations... Il faut deux saisons pour vérifier s'il y a des économies après une réhabilitation : la première année, on n'y voit rien, la deuxième, on vérifie la consommation... Quant aux fuites, on peut vite les déceler dans les galeries techniques du réseau primaire : 160° à 15 bars, ça s'entend ! C'est vrai que sur le réseau secondaire, il y a des difficultés à trouver les fuites, le chemin de l'eau est compliqué, le béton n'est pas étanche... »

Un monstre produisant de la chaleur dans plusieurs énormes chaudières, envoyant de l'eau sous pression à 160° dans 15 km de tuyaux (le réseau primaire) qui desservent près de 200 sous-stations alimentant un réseau secondaire chauffant logements (57% de l'énergie fournie), écoles, bureaux, commerces, équipements publics, CHU...

Par endroit, c'est la conception même des bâtiments que la CNL remet en cause. Ailleurs, ce peut-être l'organisation du travail. « Soit l'immeuble est mal exposé, soit il est mal desservi, il arrive aussi qu'on découvre au bout de six mois qu'une vanne n'a pas été ouverte », dit Alain Genot. Jean-Paul Esnault s'interroge sur les compétences : « La dernière fois, un gars est venu changer une pièce, mais il n'y avait toujours pas de chauffage. Il faut toujours les rappeler... ».

On creuse au pif pour trouver les fuites

Jean-Claude Moreau relève que par trois fois, des problèmes de chauffage sont venus d'une méconnaissance du réseau sous-terrain : « les gars ne sont pas capables de trouver les tuyaux, ils en sont à creuser des trous au pif. C'est arrivé rue Dürer durant l'hiver 2012-2013. Il y avait eu une fuite d'eau dans la dalle, ils ont mis plusieurs semaines à la trouver. C'est arrivé aussi au 30-32 rue de Savoie où ils ont mis longtemps à trouver la cause d'une fuite entre deux bâtiments ».

Pour Alain Genot, la question est sociale : « il faudrait du personnel stable, or beaucoup sont intérimaires, précaires ». Elle est également économique : « Les prix des contrats d'entretien sont tirés vers le bas », dit Jean-Paul Esnault. La CNL a pu avoir une « connaissance théorique » des contrats en siégeant dans la commission d'attribution des contrats de GBH, l'ancien office municipal HLM passé à l'agglomération. Théorique car « on ne peut pas discuter du contenu du contrat », ajoute Alain Genot qui aimerait par exemple que la rémunération de l'entreprise baisse au prorata du nombre de jours sans chauffage constatés. « On a demandé que les sociétés de maintenance du chauffage assistent aux conseils de consultation locative de GBH, Habitat 25 et la Saiemb. Seule la Saiemb a demandé une fois, mais ils ne peuvent pas se libérer », regrette Annie Petitperrin. 

Outre son caractère par endroits capricieux, le chauffage génère des charges locatives qui peuvent être élevées pour des familles aux bas revenus. Alors quand les loyers augmentent après une réhabilitation qui n'a quasiment pas fait baisser les coûts de chauffage, cela peut devenir insurmontable. Exemple : « celui qui touche l'allocation logement n'a pas de conséquence sur son reste à payer, mais il y en a pour celui qui a 700 euros d'AAH et un loyer qui augmente de 70 euros », souligne Alain Genot. « Il y a un décrochage entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui les subissent : quand le reste à vivre est de 70 euros, une augmentation de 10 euros est insupportable ». « Nous appliquons la règlementation », indique GBH, « dès lors que deux associations de locataires sur trois sont d'accord, s'il n'y a pas une majorité absolue de locataires qui s'y oppose, le projet de réhabilitation est adopté ».

Cet article a été complété le 19 novembre à 16 h 35 après que GBH nous a communiqué sa position sur la réhabilitation. La personne qui nous a rappelé n'a pas de réponse sur la question du chauffage qui n'est pas de son ressort. Elle nous a seulement indiqué sur ce point : « après réhabilitation, les factures de chauffage chutent ».

 

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