L’hôpital de Lons-le-Saunier limite les analyses de laboratoire : « irresponsable » et « inadapté », s’insurgent des médecins

La kiné et le bloc opératoire sont également concernés par la baisse d'activité générée par les suspensions de personnels. Au CHRU de Besançon, des lits sont fermés et 34 infirmiers anesthésistes en grève sont assignés. A l'hôpital Nord-Franche-Comté, la moitié des agents suspendus sont en arrêt-maladie. Au DITEP de Revigny, après plus de deux semaines de grève soutenue par 80% des salariés, un quart de l'effectif est arrêté par son médecin... Le passe sanitaire aggrave des situations déjà difficiles dans la santé et le médico-social.

Chaque samedi, la manifestation contre le passe sanitaire fait une halte dans la cour de l'hôpital de Lons-le-Saunier.

« Des difficultés organisationnelles en lien avec un absentéisme fort amènent le laboratoire à fonctionner en mode dégradé les prochaines semaines », indiquait jeudi 16 septembre une « note d'information » de la direction du Centre hospitalier Jura-Sud (Lons-le-Saunier, Champagnole, Saint-Claude) diffusée à l'ensemble des services de soins ainsi qu'aux laboratoires et à l'hôpital de Pontarlier. Ce mode dégradé se traduit par plusieurs « adaptations nécessaires » dont la lecture à de quoi faire frémir : annulation des examens sous-traités à l'extérieur, notamment au CHU, car « ils ne pourront être traités », traçabilité non assurée pour les prélèvements d'anatocytopathologie en raison d'une « absence de gestion informatisée des résultats », délais allongés pour les résultats d'analyse... Et de conclure : « merci de limiter les prescriptions de biologie médicale et les appels téléphoniques au laboratoire au plus strict nécessaire. »

Cette note a fait bondir plusieurs médecins hospitaliers : « Annoncer sans explications claires que le laboratoire va se désengager de son rôle essentiel et primordial dans le fonctionnement du centre hospitalier Jura-Sud paraît inconsidéré et irresponsable envers la communauté hospitalière. Tous les services s'appuient sur le bon fonctionnement du laboratoire », réagit par courriel vendredi 17 un réanimateur. « C'est surréaliste... Je ne vois pas comment nous pourrons prendre en charge correctement les malades dans ces conditions », s'insurge un autre lundi 20 en conseillant : « toutes les équipes de notre hôpital, dont les administratives, devraient réagir et rediscuter l'application de cette loi ».

Réponse de la direction  : « Il n'y a pas eu de sélection des examens par le laboratoire. En revanche, c'est un secteur en tension pour lequel nous sommes particulièrement vigilants. La mise en œuvre du plan blanc est donc à ce stade une à la fois une mesure d'anticipation en interne, mais également de communication vis-à-vis des autorités quant à l'incidence possible de cette réglementation ». Et de préciser qu'une cinquantaine d'agents « n'auraient pas » de passe sanitaire et une vingtaine « seraient concernés par une mesure de suspension temporaire ».

Le plan blanc activé le 17 septembre : suppression des congés à venir ou rappel des agents en RTT ou vacances

Outre le laboratoire, la kinésithérapie est également touchée par « l'absentéisme fort ». La direction annonçait dès le 15 septembre que « l'ensemble des demandes ne pourra peut-être pas être assurée », justifiant une « priorisation des prises en charge ». Et le surlendemain, elle déclenchait le plan blanc « au regard des tensions sur les effectifs, dans certains secteurs spécifiques, entre autre le bloc opératoire et le laboratoire, en lien avec la mise en œuvre de l'obligation vaccinale... » Autrement dit, elle activait la suppression des congés à venir ou le rappel des agents en week-end, en RTT ou en vacances... Elle cherchait aussi des intérimaires pour suppléer à l'absence, pour maladie ou suspension, de cinq des douze infirmiers anesthésistes. Ces absences ont d'ores et déjà conduit à repousser plusieurs dizaines d'interventions chirurgicales.

Selon Jérôme Tournier, le délégué CGT de l'hôpital, les « mises à pied » ont commencé et concernaient une vingtaine de personnes à la fin de la semaine dernière alors que 80 autres devaient s'attendre à être suspendues à plus ou moins brève échéance. La direction espérait que les entretiens au bout de trois jours de suspension pour une éventuelle reprise en cas de présentation du schéma vaccinal, allaient faire « évoluer les chiffres ». Selon plusieurs témoignages concordant émanant de différents hôpitaux, des personnes non vaccinées ont continué à travailler quelques jours avant d'être suspendues, en fonction des services.

Menace de licenciements pour abandon de poste à l'Hôpital Nord-Franche-Comté de Trévenans

A l'hôpital Nord-Franche-Comté de Trévenans, la direction a annoncé lundi 20 septembre aux syndicats lors du point hebdomadaire sur le covid que 52 personnels étaient suspendus dont 24 en activité et 28 en arrêt de travail. Cette dernière mesure a provoqué le courroux des syndicats qui l'estiment illégale, mais la direction a affirmé s'appuyer sur la jurisprudence d'un tribunal administratif. Elle a aussi annoncé qu'un refus irrévocable de la vaccination était assimilable à un abandon de poste, et donc susceptible de conduire à un licenciement.

Lors de cette réunion, plusieurs délégués ont insisté sur la souffrance psychique pesant sur des salariés refusant la vaccination. Cela conduit certains à se voir prescrire un arrêt maladie durant lequel, ont argumenté les délégués, des soins semblent plus adaptés qu'une suspension. En fait, la direction applique des directives venues d'en haut : la direction générale de l'organisation des soins du ministère de la Santé impose aux directions de demander aux médecins-contrôleurs de la Sécurité sociale de contrôler les arrêts maladie. S'ils estiment que ces arrêts ne sont pas justifiés, les indemnités journalières seraient suspendues. C'est aussi la position défendue par la direction de l'hôpital psychiatrique de Novillars lors du CHSCT du 17 septembre. Elle répondait à la CGT qui demandait qu'il n'y ait pas de suspension d'agents en arrêt maladie antérieur au 15 septembre : la direction a précisé qu'elle suspendrait en cas d'absence de justificatif vaccinal...

Nombreux arrêts maladie au DITEP de Revigny où la direction reste silencieuse après 17 jours de grève

Des arrêts maladie ont également été prescrits à une dizaine des quelque quarante salariés du DITEP de Revigny. Pour la plupart travailleurs sociaux, ils supportaient déjà très mal un sous-effectif récurrent et des locaux inadaptés compliquant lourdement leur mission d'accompagnement d'enfants et adolescents avec troubles du comportement. La suspension de deux de leurs collègues a été le déclencheur d'une grève depuis le 6 septembre, pas forcément suivie chaque jour par tous, mais soutenue par 80% des personnels du site. Le silence de la direction de l'ASMH (Association Saint-Michel le Haut, basée à Salins) sur les revendications et la demande de l'ARS de rouvrir le dispositif pour trois enfants suscitent l'incompréhension des salariés.

Au CHRU Jean-Minjoz de Besançon, la situation est également très tendue. « Tous les services fonctionnent mais à minima et des lits sont fermés. Avec 10% d'absents et 9% de potentiels suspendus, on ne peut plus tourner », explique Marc Paulin, infirmier et délégué SUD. Le mouvement de grève national des infirmiers anesthésistes de ce jeudi 23 septembre ne devrait pas donner lieu à beaucoup de perturbations car « il y a eu 34 assignations alors que 10 infirmiers devaient assurer les interventions », ajoute le syndicaliste en annonçant un recours : « c'est trop facile d'assigner tout le monde quand il y a grève... »

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