L’étrange territoire de l’amour…

Corps et âme de Ildiko Enyedi a obtenu l'Ours d’Or du festival de Berlin. En 1989, la réalisatrice hongroise avait décroché la Caméra d’Or à Cannes pour son film Mon XX ème siècle. Elle filme peu mais partage avec le spectateur des expériences émotionnelles comme très peu de cinéastes le font.

corps

Mária nouvelle responsable du contrôle de qualité dans un abattoir partage le même rêve que Erde le directeur financier. Ils s’imaginent sous la forme d’un cerf et d’une biche dans un paysage enneigé. Hasard ou coïncidence. Qu’est-ce qui se cache sous ce rêve ? La possibilité d’un amour ? On ne sait pas.

Drôle d’endroit pour une rencontre

Dès les premières images, dans un magnifique paysage de neige, un cerf et une biche s’approchent et se font un câlin. Mais la piste du conte disparaît rapidement au profit du décor sanglant d’un abattoir. C’est là que les protagonistes se rencontrent. Ici on abat les bêtes, cruellement. Bruits du billot. On les découpe. La chair et le sang. On nettoie ensuite. Pas vraiment romantique le décor. Après le travail on se retrouve à la cantine. On boit des bières. Certains font de l’humour et frôlent la grossièreté parfois. Eux se taisent. Et le leitmotiv du cerf et de la biche revient souvent. Paysages de neige bleutés totalement en décalage sur le plan sonore et visuel avec la vie aseptisée et terrifiante de l’abattoir.

Le décor de Corps et âme est planté. Ils font le même rêve et le savent. Mais que faire de cela d’autant plus que cet homme et cette femme semblent à mille lieues l’un de l’autre ? Elle très pâle, presque robotisée et lui un peu plus accessible mais tout aussi lointain.

Du rêve à la réalité

On sait déjà depuis la vision de la bande-annonce que les deux protagonistes ont ce rêve en commun mais cela suffit-il pour qu’il y ait  une rencontre ? L’amour peut-il naître du silence ou d’un murmure à peine audible ? Comment deux être peuvent-il renaître de leurs blessures secrètes ? Comment quitter l’image presque intime du rêve pour trouver la réalité de l’amour ?

Le film cherche constamment à échapper aux conventions cinématographiques et propose un réveil presque sensoriel ; entre le monde de l’abattoir où s’incarne la brutalité  des hommes à l’égard des bêtes et la douceur onirique des paysages de neige empruntés par les cervidés, Ildiko Enyedi chemine lentement en montrant les détours de l’amour et la difficulté pour les personnages de se lier. Entre la beauté des âmes esquissées dans les images de rêves et la souffrance des corps, (les images brutes de l’abattoir) un très beau film se profile où l’amour ne peut naître que de ou dans l’étrangeté. En acceptant cette idée émotionnellement et seulement de cette façon, on peut pénétrer l’univers poétique du film.

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