Les Résistives face à l’irrésistible mondial de foot !

Comme de nombreux événements et manifestations organisées dimanche 15 juillet, l'éco-festival du Collectif citoyens résistants de Champagnole a souffert de la chaleur caniculaire et de la concurrence de la finale de la coupe du monde de football... Mais ça valait le coup (franc ?) d'entendre Salim Nalajoie et ses facéties. Entretien avec ce slameur prometteur en fin d'article.

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Salim Maghnaoui s'empare du micro sur la pelouse du vieux stade champêtre de Ney dont les abords accueillent la septième édition du festival éco-citoyen des Résisistives. Face à lui, une cinquantaine de personnes sont assises sur des bancs, protégées du soleil par une tente de kermesse. Au même instant à Moscou, démarre la finale de la coupe du monde foot que 78.000 spectateurs suivent dans le Loujniki Stadium pendant que des centaines de millions de téléspectateurs sont devant la télé...

« Choisir entre le foot et la culture, c'est un combat de catch », se marre Salim en jouant sur les situations : « les Résistives et le foot ont un point commun, le gazon... » Il fait une sacrée mimique, a un satané sourire et une sacrée tronche. Ça plait au public, au moins autant que les dribbles des footballeurs. Salim aime la mise en boîte et les jeux de mots : « au foot, c'est par ici le magot, aux Résistives par ici les mégots... » Et il brandit la grosse boîte de conserve qui fait office de cendrier. Eclats de rire. On dans un éco-festival ou on n'y est pas. 

Avant cette digression de circonstance, il s'était présenté. A l'école, ses camarades plaisantaient sur son prénom. « Salim'entaire, Salim'onade... » Ça le faisait rire jaune, et carrément plus du tout quand on l'a traité de « Salim'igré... » C'est en creusant ce sillon qu'il s'est choisi un nom de scène : Salim Nalajoie. Originaire du Haut-Jura, exerçant par ailleurs un travail alimentaire, il propose un réjouissant spectacle mêlant slam et impro poétique : Mots pour maux. (lire un entretien avec lui en fin d'article)

« C'est pour ça que Ferrero roule en Ferrari... »

Il s'amuse bien avec une critique écolo-sociale puisée au creuset des scandales de l'époque. Il fait rire de la fameuse pâte chocolatée à l'huile de palme dont 800 tonnes sont avalées chaque semaine : « c'est pour ça que Ferrero roule en Ferrari... » Il ironise sur le « bien être » qu'on vient chercher à l'occasion de certains événements festifs qu'il ne faut pas confondre avec le « bien naître ». Il bluffe le public en inventant un poème avec des mots qu'il a proposé qu'on lui lance. Il finit par une ode à la planète Terre qui dit sa souffrance de voir « la terre enfermée sous le goudron des trottoirs » et craint d'entendre des mots comme « biodiversité » ou « citoyenneté » scandés désormais comme par des automates...

Pendant ce temps-là, l'équipe de France de foot atteignait la mi-temps de la finale de la coupe avec un but d'avance, apprendra-t-on plus tard... Cette finale moscovite, il faut bien le dire, a fait de l'ombre à tout autre événement, à commencer par les Résistives qui sont loin d'avoir connu le succès des précédentes éditions. Antoine Deransart, l'un des animateurs du collectif d'organisation, en témoigne : « notre fournisseur de bière nous a indiqué que toutes les manifestations de dimanche ont eu une faible fréquentation... » Autrement dit, il a eu de nombreux retours de futs pleins !

« On va aussi s'interroger sur le choix du lieu », ajoute Antoine Deransart en soulignant que le stade de Ney était « peu adapté » à une météo caniculaire en raison de l'absence d'ombre et de fraîcheur. Des gens sont restés peu de temps en raison de la chaleur. A l'inverse, la soirée concert du samedi a été conforme aux prévisions avec 350 entrées payantes.

« La figure paysanne redevient mobilisatrice contre le capitalisme »

Du coup, la conjonction de la forte chaleur, de la finale de foot (la prochaine aura lieu à l'automne 2022) et peut-être d'un site peu propice, a pesé sur la fréquentation du festival. On a même vu le forum quasi déserté, ses auditeurs étant réfugiés sous les abris. Cela n'a pas empêché Yannick Sencébé, du potager collectif des Lentillères, de décrire le combat de plusieurs années mené à Dijon pour préserver un espace maraicher face à un projet d'éco-quartier : « la figure paysanne redevient mobilisatrice contre le capitalisme », synthétise-t-elle en annonçant la sortie du film Pied de biche consacré à la ZAD bourguignonne.

Parmi les habituels stands associatifs et militants, voici des légumes et des fromages, du miel et des jus de fruits, la finance solidaire et le Pic noir, Attac et Terre de liens. On en oublie. La table du collectif Ecran total attire l'attention par son slogan manuscrit invitant à « résister à la gestion et l'informatisation de nos vies ». Il s'agit d'un réseau national visant à fédérer des résistances éparses à un usage estimé abusif de la numérisation. Des éleveurs de chèvres et brebis refusant le puçage des animaux aux assistantes sociales « affirmant l'inutilité de l'informatique dans la relation d'aide », en passant par les enseignant signataires de l'Appel de Buchastel contre l'école numérique, la critique est sévère : « l'enthousiasme pour les écrans façonne un monde où tout s'aplatit, s'accélère et se disperse. La saturation d'informations entrave la pensée et les moyens de communication nous coupent la parole », souligne ainsi un texte du collectif.

Devant le stand qui propose notamment des publications du CJOCPcollectif jurassien des opposants à center parcs ou des éditions La Lenteur, passe un informaticien courroucé qui veut changer de métier et fustige le livre numérique : « c'est le livre qui peut tomber en panne et qu'on peut retirer de ta bibliothèque quand on veut... »

A l'abri de la coupe du monde ces huit prochaines années, les Résistives s'interrogent néanmoins et feront leur bilan dans les semaines qui viennent. Retourneront-elles à Besain ? Iront-elles ailleurs où il y a un peu d'ombre ?

 

 

 

 

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