«Les réseaux ont toujours existé»

"La loi HPST ne met pas les réseaux en avant pour la coordination des soins, mais les maisons de santé. On a peut-être changé de marotte..."

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«Les réseaux ont toujours existé, à l'état embryonnaire, dans une proximité de travail, confraternelle, spontanée», explique Christine Peyron. «Ça a commencé à se structurer dans les années 1980, des gens s'affichant dans des coopérations plus systématiques. En 1996, avec le plan Juppé, l'expérience des réseaux fut évoquée pour résoudre le manque de coopération entre médecine de ville et hôpital, le cloisonnement entre les médecins et les autres professionnels de santé, les patients... Un diabétique a par exemple besoin d'un pédicure car il risque la gangrène, et d'un diététicien. Des pathologies ont besoin de sanitaire et d'extra-sanitaire, mais il faut aussi formaliser, avoir des financements, des dérogations tarifaires pour rémunérer les médecins pour la coordination ou des actes hors nomenclature.»

Quel est le rôle des associations de patients dans les réseaux ?
Elles n'en ont pas de manière générale. Les réseaux sont souvent portés par des initiatives individuelles, des passionnés, qu'ils soient praticiens hospitaliers, médecins libéraux ou para-médicaux. Au départ, on expérimente, on regarde ce que ça donne quand on donne un peu d'argent. Beaucoup de réseaux se sont montés à la fin des années 1990. Il y a eu tout et n'importe quoi, sont entrés dans des dispositifs très différents : échanges entre patients, échanges pratiques entre médecins, par internet... Du coup, les réseaux sont inégalement répartis en France. Il y en a beaucoup en Ile-de-France, PACA, Rhône-Alpes, selon les choix des URCAM (les anciennes unions régionales des caisses d'assurance maladie, intégrées depuis aux ARS). On compte environ 700 réseaux de santé en France pour un million de patients. Les principaux thèmes sont la circulation de l'information, la coordination des soins, l'éducation thérapeutique correspondant surtout à une maladie chronique, mais aussi l'adolescence, la périnatalité, les addictions.
En 2002, comme ça foisonnait, la loi de finances de la Sécurité sociale a défini les premiers cadrages, des critères pour être réseau de santé : coordination, pluridisciplinarité, circulation de l'information entre acteurs, dossiers patients. Il y a eu une évaluation pour savoir qui pourrait continuer à avoir des financements qui n'ont jamais été pérennes, de un à trois ans. C'était le premier tour de vis. Des réseaux n'avaient jamais fait grand chose, étaient le jouet d'une seule personne... 

La vis a continué à se resserrer ?
Les étapes suivantes ont été encore plus raides. En 2006, un rapport de l'IGAS dit en substance : on ne sait pas à quoi servent les réseaux, ils ne sont pas évalués et sont coûteux.

Certains ont parlé d'inquisition !

C'est vrai, des fonds avaient été octroyés. Mais il y avait une grande diversité, des réseaux marchaient, d'autres pas. Et puis, on ne peut pas apporter la preuve que des ateliers thérapeutiques font évoluer des comportements. En tout cas, le rapport a conduit à une reformulation des fonds, des critères d'évaluation, il y a eu des audits... Avec le dernier tour de vis, la loi HPST en 2009, les réseaux de santé devaient évoluer, la nature de leur projet prendre une logique davantage territoriale avec moins de pathologies. La loi a aussi insisté sur la mutualisation des moyens. C'était assez différent. Les réseaux d'avant étaient portés par des professionnels qui devaient changer. Certains ne se sont pas retrouvés dans les logiques populationnelles. On a aussi verrouillé l'évaluation avec «l'indice synthétique de qualité». Avec ou sans dossier. Les évaluations ont davantage porté sur les procédures que les résultats. Les ARS ont eu une plus grosse enveloppe, mais moins fléchée, donc davantage de latitude pour des politiques locales, et d'incertitude pour les réseaux.

Les ARS vont-elles encourager la création de réseaux là où il n'y en a pas ?
La loi HPST ne met pas les réseaux en avant pour la coordination des soins, mais les maisons de santé. On a peut-être changé de marotte... Mais rien ne résout tout, cela dépend des individus... En tout cas, les réseaux de santé seulement hospitaliers ou trop monothématiques ne sont plus dans l'air du temps. On a souvent dit, en matière de politique de santé, qu'une chose allait tout sauver, était LA solution. Or, il n'y a pas une mais des choses à repenser. Derrière tout, il y a la question de la rémunération des professionnels car les réseaux de santé, les coordinations ou les maisons de santé ne sont pas cohérents avec le paiement à l'acte qui domine encore le système de santé. Des jeunes médecins sont d'ailleurs prêts à mélanger paiement à l'acte et forfait. Ils sont moins attachés à l'exercice libéral, davantage au confort de l'exercice, à son aspect collectif...

Il reste aussi des bisbilles entre ville et hôpital ?
Les hospitaliers et les médecins de ville ne s'aiment pas, se renvoient sans cesse la balle...

Ils s'adressent quand même des patients...
Il y a des filières d'adressage par affinités, renvoi d'ascenceur... Le système français a ceci de particulier qu'on fait souvent la même chose en ville et à l'hôpital. En France, la moitié des spécialistes sont libéraux alors qu'ils sont très peu ailleurs... Et puis, il y a une hiérarchie médecine générale - spécialités... Un radiologue gagne dix fois plus qu'un généraliste... Fondamentalement, les réseaux résolvent des manques. Ce sont des dispositifs qu'on a laissé exploser et qu'on régule brutalement après avoir laissé s'exprimer les énergies. Du coup, c'est un peu destructeur de les cadrer comme ça. En même temps, c'est normal d'évaluer ce qu'on fait avec l'argent socialisé.

   

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