C’était le bon temps, le peuple était dans les rues de Paris, en ce 10 mai 1981, soir de liesse et de victoire. De quoi émouvoir les nostalgiques électeurs de gauche, en ces temps de macronisme répétitif. C’est ce jour que débute le film de Mikhaël Hers, « Les passagers de la nuit », qui se déroule quasiment le temps d’un septennat mitterrandien, de 1981 à 1988. « Les passagers de la nuit », c’est aussi le titre de l’émission nocturne de France Inter, animée dans le film par Vanda (jouée par Emmanuelle Béart), une sorte de Macha Béranger, avec fringues masculines, cigarettes et verre de whisky.
Une voix dans la nuit écoutée par une fidèle auditrice de l’émission, au sommeil pas très fiable, Elisabeth, incarnée par Charlotte Gainsbourg. Elisabeth n’a pas la grande forme, meurtrie par le départ de son mari, elle vit encore dans l’appartement jusqu’alors familial avec ses deux grands enfants, Matthias (Quito Rayon-Richter), qui fait semblant d’être au lycée et se rêve écrivain, et Judith (Megan Northam), déjà militante qui s’imagine faire de la politique. Séparée, déprimée, et chargée de famille, Elisabeth doit trouver un boulot ; par chance, elle débute au standard de son émission préférée, au service de laquelle elle va pouvoir mettre son sens de la psychologie et sa sensibilité.
Dans l’époque de son enfance
Un soir à la radio, vient témoigner une jeune fille, Talulah (jouée par Noée Abita), 18 ans, paumée. Touchée par cet oiseau tombé du nid, qui n’a nulle part où dormir, Elisabeth lui propose de l’héberger, dans son immeuble, sous les toits. Talulah sympathise vite avec Matthias et Judith, ados presque de son âge, leur apprend à rentrer en douce au cinéma, où ils découvrent ensemble par hasard un film de Rohmer, « Les nuits de la pleine lune ». Forcément, Matthias ne peut que craquer pour la jeune fille fragile et libérée, sorte de double de la comédienne Pascale Ogier, qui disparait sans prévenir, pour réapparaitre des années plus tard, encore plus paumée.
Avec ce film, Mikhaël Hers (qui avait notamment tourné « Amanda », avec Vincent Lacoste) a voulu se replonger dans l’époque de son enfance, la reconstituant avec décors et costumes, et utilisant des images d’archives du Paris des années 80, nous rappelant ainsi à quel point c’était un autre temps. Une séparation, une histoire d’amour, des ados qui deviennent adultes, une mère qui doit faire son propre chemin, le réalisateur fait la chronique d’événements ordinaires. Mais on s’intéresse peu à cette histoire intimiste, « Les passagers de la nuit » s’ennuient le jour, et nous ennuient, avec les défauts d’un certain cinéma français d’auteur, nombriliste, parisien, bavard, et longuet. Rien d‘autre que la banalité d’une vie qui passe, même si certes c’était le bon temps.