Les maires ruraux face aux fusions d’intercommunalités

La nouvelle carte des communautés de communes devant voir le jour au 1er janvier 2017 doit être terminée le 31 décembre de cette année. Les délais rapides de mise en oeuvre et les seuils de population ont parfois du mal à passer. Les projets et les dynamiques sont plus importants, expliquent les maires ruraux du Doubs.

Le projet de nouvelle carte des communautés de communes du Doubs.

C'est peu dire que la loi NOTRé – Nouvelle Organisation Territoriale de la République – a du mal, sinon à passer, du moins à être acceptée, particulièrement en milieu rural. Les crêpes noirs sur les panneaux d'entrée de nombreuses communes en témoignent autant que la journée d'action du 29 septembre.

Moins de quinze ans après les dernières créations de communautés de communes, voici que les plus rurales doivent, pour la plupart, fusionner après l'instauration de seuils minima de population. D'abord 20.000 habitants, puis 15.000 après négociation entre sénateurs et députés. Des formules mathématiques permettent d'abaisser ce seuil en fonction de la densité de population du département comparée à celle du pays, du caractère montagneux de la com-com, mais un minimum de 5000 habitants est exigé. Le seuil est ainsi de 14.710 habitants dans le Doubs, 7.500 habitants dans le Jura...

Du coup, les Hauts-du-Doubs (Mouthe) et ses 2713 habitants ont été inscrits par le préfet avec Mont d'Or deux lacs (Métablief-Malbuisson-les Fourgs, 11.531 habitants) alors que les compétences ne sont pas les mêmes, ce qui ne les a pas empêchés de porter certains projets ensemble. Une autre option serait de se tourner vers la com-com de Nozeroy (Jura, 3500 habitants) qui doit aussi fusionner... Dans la plaine du nord-ouest du Doubs, plusieurs communes (Barthelange, Villers-Buzon, Mercey-le-Grand...) se vu proposer d'intégrer un ensemble comprenant Marnay alors que ses élus se seraient bien vus rejoindre la communauté d'agglomération du Grand Besançon qui passerait de 59 à 72 ou 75 communes. « Jean-Louis Fousseret a dit stop, ça dépend de lui », explique Daniel Cassard, le président des l'association des maires ruraux du Doubs en soulignant qu'il reste deux mois.

« La loi préfigure la fin des communes à court terme »

Jean-Marie Saillard, président de la com-com des Hauts-du-Doubs : « La pertinence n'est pas le nombre d'habitants, mais la dynamique »

La situation est-elle bloquée pour vous ?

Nous avons deux possibilités de fusion : avec la com-com Mont d'Or Lacs et avec la com-com de Nozeroy. Nous avons voté une délibération d'hostilité à toute fusion avant 2020. Il en va du respect des échéances et des engagements des élus.
Le préfet peut-il vous forcer la main ?
Oui... La carte nous rattache à la com-com Mont d'Or Lacs. Ce n'est pas incohérent,nous avons porté ensemble le collège, l'hôpital, le contrat territorial jeunesse... Mais cette solution n'est pas partagée par tous les maires.
Qu'est-ce qui vous rapprocherait de la com-com de Nozeroy ?
Ils sont comme nous, obligés de fusionner car ils ont 3500 habitants. La construction d'un nouveau périmètre n'est pas très intelligente car on parle communauté de seuil, et non de projet. Si on nous laissait le temps, on pourrait construire une communauté de projet. La com-com des Hauts du Doubs a pris en 2002 toutes les compétences optionnelles, à la différence de Mont d'Or Lacs : une chaufferie alimentant un réseau de chaleur à Mouthe pour chauffer l'école, le collège, l'hôpital, la mairie, le gymnase... On nous assomme avec la mutualisation de moyens, mais on le fait depuis 2002 ! La com-com a un centre de vacances à Chapelle-des-Bois, une zone immobilier d'entreprise Chez Liadet... Si demain, on va vers une com-com sans ces compétences qu'elle ne souhaiterait pas prendre, elles reviendraient aux communes qui devraient augmenter leur fiscalité pour faire face à des charges nouvelles...
Donnez-nous un exemple...
On a la compétence scolaire en investissement et fonctionnement. Mont d'Or Lacs seulement en fonctionnement. Nozeroy n'a pas la compétence scolaire... Je suis plutôt favorable au rapprochement avec Mont d'Or Lacs...
C'est le bazar ?
Le problème de notre pays, c'est le manque d'investissements. Là, on va les geler, avoir un mandat blanc. Un problème est ce seuil de 5000 habitants en montagne, validé par les élus de la montagne. J'ai mis 3 heures et demi et fait 140 km pour faire le tour de la com-com de Nozeroy... La pertinence n'est pas le nombre d'habitants, mais la dynamique, les investissements réalisés depuis dix ans, l'impact sur la pression fiscale consolidée (toutes collectivités confondues).
Pensez-vous pouvoir encore infléchir les décisions ?
Je ne m'avoue pas vaincu. J'espère encore un calendrier différent... On n'a pas besoin du législateur pour avancer, mutualiser, fédérer.

Le délai dans lequel ces regroupements doivent se réaliser, 1er janvier 2017, est considéré par beaucoup comme une aberration. « La loi modifie en profondeur l'esprit de l'intercommunalité, permet certes des projets partagés, mais constitue surtout une collectivité de plus », estime la députée Annie Genevard (Morteau, LR). « La loi préfigure la fin des communes à court terme », craint Daniel Cassard. Il regrette aussi un texte arrivé comme un cheveu sur la soupe : « personne n'est venu l'expliquer, dire quels en étaient les buts ».

Il critique aussi la baisse des dotations (28 milliards de moins en quatre ans) qui « incite les communes à s'orienter vers des fusions ». Après Les Auxons, ce sera le cas d'Osselle et Routelle, des deux Sancey : le Grand et le Long... « De plus en plus de communes en parlent mais c'est un leurre quand on brandit la carotte d'une augmentation de dotation : l'enveloppe prévue n'est pas extensible, et ça ne durera que trois ans ». Il pointe aussi des problèmes techniques qui risquent de se transformer en problèmes politiques ou humains : « Beaucoup de communautés de communes ont fait des cantines pour les regroupements pédagogiques intercommunaux, et maintenant on incite au regroupement de ces RPI. Que fera-t-on des personnels ? »

La baisse de la DGF : 1,84% des recettes...

Clôturant l'assemblée générale de l'AMR, le préfet Raphaël Bertolt a tenté de rassurer. D'abord en minimisant l'impact de la baisse de la dotation générale de fonctionnement attribuée par l'Etat aux communes : « c'est 1,84% des recettes, et en milieu rural, la diminution de DGF était moins forte qu'ailleurs. En 2014 aucun budget n'était en baisse ». Il souligne que l'augmentation de 5% d'un « mécanisme de stabilité » doté de 24 millions d'euros pour le Doubs, a conduit 96 communes (sur près de 600) à voir leur DGF augmenter, « Etalans et Les Fourgs ayant touché le plus ».

Cela vise-t-il à tenter de rendre la pilule moins amère ? Sans doute, car il évoque aussi la réforme à venir de la DGF qui privilégie aujourd'hui les communes urbaines en leur attribuant une somme double par habitant. Les bourgs centres n'auraient pas de baisse...

Les parlementaires de la majorité auraient pu faire profil bas devant les maires ruraux. Deux sur trois ont critiqué la loi NOTRé. Barbara Romagnan (PS) a approuvé les critiques, estimant « exagérés » la baisse de DGF et la rapidité de la mise en œuvre des fusions de com-com, ce qui l'a conduite à s'abstenir sur le budget. Elle pense que « le risque de désengagement » des élus locaux dont est porteuse la loi NOTRé pourrait déboucher sur des « délégations de services publics à des groupes n'ayant pas forcément la même préoccupation de l'intérêt général ».

« On a évité le pire »

Eric Alauzet (EELV) veut voir quant à lui la bouteille à moitié pleine. Il met en regard de la baisse des dotations, les faibles taux d'intérêts « favorables à l'emprunt » et les bas prix de l'énergie qui restituent 20 milliards à l'économie et constituent autant de « leviers fléchés pour les investissements ».

Martial Bourquin (PS), qui défendait un seuil d'intercommunalité à 10.000 habitants, est sévère pour la loi NOTRé initiale et défend le compromis trouvé au sein de la commission mixte paritaire entre Sénat et Assemblée : « on a évité le pire... Tirer un trait sur les communes qui existent depuis des siècles, couper les citoyens de l'espace où les élus sont encore écoutés, est une erreur majeure. Si demain on supprime le travail bénévole des élus, cela coûtera très cher à la nation ».

On a du coup, l'impression curieuse que les parlementaires de l'opposition et de la majorité sont sur la même longueur d'ondes, bousculés par l'exécutif. Jean-François Longeot (UDI) ne « partage pas la carte qui émane de la loi, mais on est obligé de faire avec », une loi « mal venue, la quatrième en cinq ans... Quel que soit le seuil, c'est une insulte aux élus locaux qui sont considérés comme incapables ». Jacques Grosperrin (LR) promet : « nous reviendrons en 2017 sur ce qui ne nous convient pas » après avoir eu une phrase curieuse : « nous n'avons pas la majorité au Sénat ». Ce qui est sans doute vrai pour les seuls LR, mais pas pour l'opposition au gouvernement...

 

 

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